100 M$ pour 13 épisodes d’une Web-série. C’est le montant investi par NETFLIX.com, pour la série « House of cards » diffusée en exclusivité sur internet pour la première fois. Véritable production digne de Hollywood, sur les milieux politiques de Washington, starring Kevin Spacey, elle démontre que la paupérisation des contenus sur le web n’est pas une fatalité. Dans ce combat de survie pour l’audience et la publicité qui en découle, la TV a t-elle un genou à terre ? Pas si sûr. Voyons comment le paysage audiovisuel est en train de se reconfigurer.
Nouveaux entrants sur le marché de l’audiovisuel
NETFLIX est à l’origine un loueur de DVD aux Etats-Unis, devenu un site web qui agrège et distribue en streaming les films et séries produites par les chaînes TV, une fois que celles-ci les ont diffusés en exclusivité. La société est le leader du marché de la Video On Demand (VOD), avec un business model reposant sur l’abonnement sans engagement.
Le site accélère dans sa stratégie de conquête, et s’affirme désormais également comme un producteur de contenus. Le cabinet d’études Procera évalue entre 1,5 et 2,7 millions le nombre de « web-spectateurs » ayant regardé au moins un épisode de la nouvelle série. Surprises par une concurrence inattendue, les chaînes auront tendance à redoubler leurs investissements pour développer de nouveaux programmes, autant de contenus qui viendront alimenter la rediffusion en VOD.
L’enjeu vital pour chaque acteur, c’est la conquête et la fidélisation de son audience.
Les barrières tombent entre les métiers
La stratégie limpide du nouvel entrant NETFLIX consiste simplement à répondre à trois menaces :
- acheter le contenu des autres n’est pas pérenne, ceux-ci ayant loisir d’augmenter les prix, ou de diviser pour régner entre les différents concurrents pure players, tels que HULU, REDBOX ou encore AMAZON ;
- tenir à distance ses pairs, et notamment YOUTUBE qui investit également dans l’offre de contenus exclusifs ;
- enfin, le danger est grand de voir les chaînes à péages comme HBO (groupe CNN/TIME WARNER) ou SHOWTIME, développer leur offre de diffusion en streaming.
C’est d’ailleurs ce qu’a confirmé à CNN, le porte-parole de NETFLIX : « L’essentiel de notre objectif, c’est de devenir comme HBO plus vite que HBO pourra devenir comme NETFLIX » (1).
Le propre de l’économie Internet est de pulvériser les barrières entre métiers.
Une course infernale lancée
NETFLIX a cependant déclenché une course infernale : pour ne pas prendre le risque de voir les nouveaux abonnés résilier après la diffusion des premiers épisodes, il va falloir continuer de produire, et avec un très haut standard de qualité.
La bataille promet d’être âpre, entre titans aux moyens colossaux. NETFLIX rassemblerait déjà 30 millions d’abonnés alors que d’après le Figaro du 3/8/12 (« HBO, la loi des séries »), HBO en compterait 28 millions et SHOWTIME 21.
NETFLIX annonce justement lever 400 M$ pour financer de nouveaux programmes.
Nouveaux entrants, nouvelles règles
Chaque fois qu’un nouvel entrant pénètre un marché établi, il a tout loisir de bousculer les usages. Souvenez-vous du temps béni (pour l’industrie du disque) où pour écouter un titre de votre choix, vous deviez acheter le 33 tours entier ! Aujourd’hui les disquaires ont disparu des villes, les libraires luttent pour leur survie… who’s next ?
NETFLIX ne se prive ainsi pas de casser les codes de la TV. Là où une chaîne classique aurait distillé son contenu tout au long de l’année, le site publie d’un coup 13 épisodes de House of cards, offrant au client la liberté de consommer ce qu’il veut et quand il veut, et sans coupure publicitaire.
Mais gageons que la course ira plus loin. Pourquoi concevoir les web-séries de demain comme les séries TV d’hier ? Internet offre une puissance de créativité et d’expériences, ciblées, interactives ou mobiles… et, pourquoi pas, relayées jusqu’aux lieux de vente. Croiser innovation technologique et créativité du contenu sera la formule gagnante.
Une opposition tv vs internet sans sens
Opposer TV et internet n’a pas de sens. Les deux univers sont complémentaires. La TV demeure une arme puissante pour créer la notoriété d’une marque. Mais une fois la notoriété installée, internet peut être une arme incontournable pour offrir des expériences nouvelles, les faire partager, et au passage connaître chaque utilisateur final.
C’est sur le terrain du Social media que se fait la convergence, car c’est là que se retrouvent télé-spectateurs et web-spectateurs. TWITTER occupe une position centrale sur le champ de bataille, le type de promontoire que les stratèges militaires envient.
Derrière la course à l’audience dans ce choc de titans, le véritable enjeu est la manne publicitaire.
« Je sais que la moitié de mon budget publicitaire ne sert à rien. Le problème c’est que je ne sais pas quelle moitié » (2) disait John Wanamaker, un magnat américain de la distribution dans les années 20 à propos de ses investissements à la TV.
1920… Eh oui, c’est bien une réflexion d’un autre siècle !
(1) « Part of our goal is to become like HBO faster than HBO can become NETFLIX. »
(2) « I know half of my advertising is wasted. The trouble is, I don’t know which half. »