Entretien exclusif avec Véronique Garnodier, fondatrice de Charlott’, conceptrice et vendeuse de lingerie fine à la fois à domicile et sur internet et dont le savoir-faire est reconnu depuis plus de 20 ans.
Comment en êtes-vous arrivée à l’entrepreneuriat ?
J’ai eu ma première expérience entrepreneuriale assez jeune puisque j’ai commencé à l’âge de 22 ans. Avant cela, j’ai fait un BTS de diététique, mais je me suis rendu compte que cela ne me correspondait pas. L’idée m’est venue de lancer deux salles de sport. Ce qui était intéressant, c’est que je me suis servie de mon bagage dans la diététique pour l’incorporer à mon projet. Je pouvais à la fois m’occuper de sportifs tout en leur proposant un programme alimentaire associé. Cette première aventure a duré environ 4 ans, puis j’ai eu une belle proposition de rachat d’environ 100 000 francs de la part du groupe Club Med, que j’ai acceptée. D’autant qu’à l’époque, cela m’a permis de clôturer mes différents prêts bancaires.
Qu’aimez-vous dans le fait d’entreprendre ?
Je suis plutôt de nature créative, j’aime beaucoup innover et j’ai tendance à fuir la routine. Je ne voulais pas faire tout le temps la même chose. Le fait d’entreprendre permet à la fois une grande indépendance et la possibilité d’aller au bout de ses idées, ce qui reste très important pour moi.
Avez-vous toujours baigné dans la culture entrepreneuriale ?
Non, quand j’ai vendu mes deux salles de sport, j’ai voulu souffler un peu, car devenir entrepreneur à 22 ans, c’est une expérience formatrice mais assez difficile, en partie à cause du rythme soutenu que cela suscite. Je ne dormais pas tous les jours. J’étais aussi très stressée par les différents emprunts que je devais rembourser. Mes parents s’étaient portés garants et dans les moments de doutes, je les imaginais devoir vendre leur maison et dormir dans la rue si jamais je venais à avoir des difficultés de remboursement. Pour plus de stabilité, je me suis tournée un temps vers le salariat en devenant déléguée médicale dans le monde pharmaceutique pour la société Orkyn’, spécialisée dans la vente de matériel médical.
De quelle manière cette volonté d’entreprendre est-elle de nouveau apparue ?
L’envie de créer de nouveau ma boîte est la conséquence de plusieurs facteurs. Au bout de sept années passées dans le monde salarial, j’ai eu le sentiment d’avoir fait le tour et la société Orkyn’ pour laquelle je travaillais m’a donné l’opportunité de reprendre mes études en même temps que mon activité professionnelle. Puis, un jour, j’ai découvert la vente à domicile en assistant à une vente directe de filtres à eau. Le produit en lui-même ne me plaisait pas, mais je trouvais le concept intéressant. Bousculer les codes classiques de la vente en allant directement faire du porte-à-porte m’a séduite.
Pourquoi avoir choisi le secteur de la lingerie ?
Le choix a été très mathématique, je n’avais pas particulièrement d’affinité avec la lingerie, mais je souhaitais un produit qui concerne tout le monde, plus spécifiquement les femmes car elles sont plus sensibles à la vente à domicile. Ce mode de distribution restait, à l’époque, très prisé par les sociétés proposant des ustensiles pour la maison. Mon idée était justement de vendre un produit plus « fun » qui brise les stéréotypes de la femme en bonne ménagère. Je désirais présenter un produit qui reflète la femme d’aujourd’hui : une femme épanouie, qui évolue avec son temps. J’ai réalisé une étude de marché pour observer les tendances et voir quel secteur n’était pas encore concerné par ce canal de distribution. C’est de cette manière que j’ai créé Charlott ‘, spécialisée en lingerie féminine en 1994.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées dans votre parcours ?
Au départ, je n’avais pas de moyens financiers pour le lancement de Charlott’. Le projet a pu voir le jour grâce à mon envie, mon énergie et surtout beaucoup de solutions en « système D ». Trouver les matières premières en ne connaissant personne du métier a été l’une des premières difficultés rencontrées. Il fallait que je trouve des soldeurs qui me vendraient des fins de séries de dentelle, que je les teigne ensuite moi-même dans mes casseroles en fonte, que je découse un soutien-gorge pour trouver des patronages et qu’enfin je trouve un atelier de couture qui puisse monter les premiers prototypes.
Au bout d’un an et demi, l’activité a commencé à décoller, et j’ai dû faire face à un autre type de difficultés : celle de la gestion du recrutement pour laquelle je n’avais aucune expérience. Structurer l’entreprise a été une tâche assez complexe pour moi, ainsi que le fait de suivre la mouvance d’internet dans les années 2000 et créer un système d’intranet pour passer les commandes.
En quelques années, vous devenez le leader de la vente directe de lingerie féminine. Quels sont les secrets d’une telle réussite ?
En 2001, nous étions une jeune entreprise qui véhiculait une image plutôt positive, sympathique et assez télévisuelle. Des émissions de TV ont parlé de nous et le lendemain, nous étions débordés d’appels pour venir rejoindre la communauté Charlott’. Nous ne nous attendions pas à un tel succès, j’ai été la première surprise de cet engouement médiatique. Ce qui a séduit les gens, c’est l’envie et le dynamisme que l’on dégageait, ainsi que notre volonté de conserver une approche ludique et un fort enthousiasme dans la manière de parler de notre produit.
Quel genre de manager êtes-vous ?
Je suis toujours dans l’énergie, plutôt de nature participative, j’aime lancer un projet et attendre que les idées fusent. J’impulse les choses et j’attends que cela vienne. Je ne suis pas dans le structurel, ni dans la continuité, il faut que ce soit fun et que les gens prennent du plaisir à travailler dans l’équipe et non qu’ils y soient contraints. Je prône le dynamisme, l’autonomie et surtout le rapport à l’humain. L’important, c’est d’avoir une équipe solide qui véhicule l’envie d’aller bien au-delà de ce qu’elle fait aujourd’hui. Créer une entreprise, c’est avant tout une belle histoire que l’on écrit en favorisant le partage et le rapport à l’humain.
Comment conciliez-vous vie professionnelle et privée ?
Comme je travaille avec mon compagnon depuis près de 20 ans, c’est parfois compliqué de ne pas mélanger les deux, car elles demeurent forcement imbriquées. La clé pour réussir à trouver un équilibre, c’est savoir placer ses priorités au bon endroit. Ce n’est pas toujours évident, surtout lors de la phase de création où un entrepreneur est tout le temps à fond dans son projet.
Ce sont des années difficiles, car on ne pense pas à autre chose et cela ne laisse pas beaucoup de liberté pour la vie personnelle. Mais une fois que l’on a constitué une bonne équipe, on peut construire cet équilibre. Il faut trouver du temps pour soi, pour sa famille, pour faire une activité. Je pratique le cyclisme 2 à 3 fois par semaine pendant 2 à 3 heures. C’est une activité inscrite dans mon agenda, cela devient ma priorité à ce moment-là. Faire du sport représente une de mes clés pour me ressourcer et puiser mon énergie.