Entretien exclusif avec Valentine Pozzo di Borgo, fondatrice de la marque de parfums Pozzo di Borgo Paris, qui repose sur des savoir-faire familiaux acquis depuis son enfance.
Comment êtes-vous arrivée à l’entrepreneuriat ?
étrangement, au départ, je ne me prédestinais pas à perpétuer la tradition familiale et à travailler dans le secteur de la parfumerie. J’ai passé mes études en Finance à Dauphine, rien à voir avec ce que je fais maintenant. Après mes études, je n’avais pas vraiment d’idée sur le métier que je voulais exercer. Je suis partie en Chine où j’ai travaillé en tant que chef de projet. Cette expérience a été une véritable révélation. J’y ai découvert les prémices de l’entrepreneuriat en gérant les stocks de parfums et de cosmétiques notamment, mais cela m’a aussi permis de me rendre compte à quel point mon héritage familial était important. J’ai appelé immédiatement ma mère pour lui proposer de créer notre société de parfums. Elle m’a répondu qu’elle voulait bien m’aider, mais que cela resterait ma société. C’est comme cela qu’est née Quintessence Paris.
Comment a débuté l’aventure ?
À l’origine, l’entreprise que nous avons créée en 2008, visait à offrir aux marques de luxe une identité olfactive en adéquation avec leur image. Nous avons étendu notre clientèle au grand public en proposant une marque dédiée à des produits parfumés pour l’intérieur. Et partant du principe que nous n’avons pas envie d’avoir la même chose sur soi et chez soi, nous avons créé récemment Pozzo di Borgo Paris, une ligne de parfums inspirés par le caractère de certains membres de ma famille.
Entreprendre en famille, est-ce difficile ou au contraire, est-ce une force ?
Il s’agit d’une véritable force. J’ai choisi de m’associer avec ma mère, car je manquais d’expérience à l’époque où j’ai créé la marque Quintessence. J’avais besoin d’être guidée dans toutes les démarches administratives et financières. Entreprendre n’est pas une expérience facile et pouvoir le faire en famille permet de relativiser les moments de doutes, de craintes, et en cas de problème de trésorerie, vous n’avez pas honte d’en parler, car vous savez que la famille représente un réel soutien.
Cette aventure n’est pas simplement une collaboration mère/fille, c’est surtout une histoire familiale qui a su s’implanter dans ce secteur depuis des générations avec la célèbre marque Givaudan qu’a créée mon arrière-grand-père. Ce nom connu des professionnels m’a permis d’être crédible à leurs yeux et de faire ma place plus facilement. Je ne partais pas vraiment de zéro. Dans mon cas, cette aventure familiale représente une source d’inspiration, de réconfort et de conseils où chacun se respecte et respecte l’avis des autres.
Quelle sorte de manager êtes-vous ?
J’espère être un manager paternaliste et j’entends aider mon équipe à s’épanouir dans la vie professionnelle. Mon management repose davantage sur des valeurs familiales telles que le respect, l’entraide et surtout la communication. Il n’y a pas de non-dit dans mon entreprise. Nous ne faisons rien sans une équipe. Malgré toute l’énergie que je peux déployer, si je n’ai pas une équipe motivée qui suit et qui possède la même envie de réussir que moi, cela ne fonctionne pas. Je pars du principe que mon équipe, qu’il s’agisse de mes salariés ou de mes fournisseurs, constitue une grande famille qui repose sur des valeurs communes, sur l’écoute, le respect des autres et le partage. Finalement, cela rejoint les valeurs de la famille.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées lors de votre parcours entrepreneurial ?
Une des premières difficultés que j’ai très vite constaté a été d’entreprendre jeune. J’ai dû contacter toutes les banques pour ouvrir mon dossier à la création d’entreprise et obtenir un prêt de 30 000 euros, car j’avais le reste en fonds propres, et une seule banque m’a répondu. Une fois l’entreprise lancée et comme tout entrepreneur, mon erreur a été de ne pas prendre assez de recul. Au début, je vivais, je parlais, je dormais avec mon entreprise en tête et m’accordais très peu de temps pour moi.
Une fois que l’entreprise s’est développée, j’ai dû faire face à autre type de problème puisque nous avons eu de plus en plus de clients importants et donc de plus en plus de projets d’envergure à gérer en même temps. Nous avions besoin de trésorerie, mais nos partenaires financiers n’ont pas été très compréhensifs ni très flexibles à ce moment-là. Ils ne comprenaient pas que nous puissions avoir des décalages de trésorerie de quelques jours voire de quelques semaines. Cela leur faisait peur.
Quel est le secret de votre réussite ?
Il repose à la fois sur le positivisme et la persévérance. Il arrive que nous vivions des situations délicates, mais il faut apprendre de ces expériences pour continuer à aller de l’avant. Quand nous voulons quelque chose, il faut se donner les moyens de l’atteindre. Par exemple, nous voulions travailler avec un partenaire bien spécifique sur le marché. Malheureusement, il n’avait pas le temps de collaborer avec nous car il avait déjà trop de marques à défendre. Nous avons attendu deux ans avant d’avoir l’opportunité de rentrer sur ce marché et finalement aujourd’hui, nous travaillons avec lui.
Quels conseils donneriez-vous à de futurs entrepreneurs ?
Il est important de garder en tête qu’il faut aller de l’avant, ne jamais regretter et de ne pas revenir en arrière à la moindre déception ou à la moindre difficulté. C’est une expérience où l’on apprend énormément sur soi. Il faut partir du principe que chaque déception fait rebondir. En tant qu’entrepreneur et dans la vie en général, dès que l’on vit une expérience négative, il faut en tirer un élément positif.
Auriez-vous une anecdote à nous raconter ?
Le client est roi et parfois cela peut conduire à des demandes insolites, surtout dans la parfumerie. Un jour, un client souhaitait un parfum frais, et le jour où nous lui avons présenté le produit, il nous a dit, « c’est top ça sent le frais, mais je ne vois pas le pingouin sur la banquise ». La difficulté de notre métier consiste à retranscrire et à comprendre les attentes des clients. Cette fois-ci, nous en avons déduit que ce qu’il entendait par « pingouin sur la banquise » était qu’il manquait un côté animal à l’odeur. Cette dernière lui paraissait, du coup, trop fraîche. Satisfaire le client n’est pas toujours la chose la plus évidente, mais c’est notre devoir n° 1.
Quelles sont vos perspectives pour les mois et les années à venir ?
L’univers du goût et de l’odorat sont très liés, c’est pour cette raison que nous aimerions monter un pôle de développement de produits gustatifs sur-mesure. Ce projet aurait pour but de développer des lignes d’épicerie fine. En ce qui concerne Quintessence Paris, nous venons de tout remettre à plat. L’idée serait de déceler de nouvelles collaborations pour essayer de retrouver dans la tradition du parfum des éléments disparus avec lesquels nous pourrions créer de nouveaux produits un peu plus insolites. Et enfin, pour la marque Pozzo di Borgo Paris, nous travaillons actuellement sur de nouveaux parfums toujours fondés sur des caractères emblématiques de ma famille.