Yanick Petit, cofondateur et CEO de Unow, relooke l’image traditionnelle et poussiéreuse de la formation professionnelle grâce au digital en s’adaptant aux nouveaux besoins des entreprises.
Quand est-ce que vous est venue l’idée de Unow ?
A la base en 2011, j’avais envie d’apprendre à coder et j’ai suivi plusieurs MOOC en ligne pour apprendre. C’est comme cela que j’ai découvert le secteur mais il n’existait pas alors d’offre en France. En 2012, j’ai participé à l’incubation du premier MOOC français avec l’école centrale de Lille car j’avais fait mon mémoire de master sur le sujet. Ce MOOC a eu des résultats incroyables dès la première édition. A ce moment-là, nous nous sommes rendu compte que les cours en ligne avaient une forte attractivité et qu’ils étaient en train de se développer de manière exponentielle aux Etats-Unis. Notre entreprise, que nous avons créée en 2013, proposait une offre de création de formation en ligne et de MOOC sur-mesure pour les grandes écoles et les entreprises.
Avez-vous commencé seul ou à plusieurs ?
J’ai démarré avec un ami que j’ai rencontré sur les bancs de l’école de commerce. Nous avions tous les deux très envie d’entreprendre et c’était notre premier projet de création. Au début, nous ne nous répartissions pas vraiment les tâches et nous travaillions sur les mêmes sujets. Petit à petit nous nous sommes répartis les rôles et je me suis spécialisé sur le produit et lui plus sur le commercial.
Est-ce que cela a marché dès le début ?
Oui. Nous avons bénéficié d’un super « Time to Market » puisque la plupart des écoles et des entreprises avaient vu l’intérêt des MOOC et voulaient en mettre en place. Les demandes affluaient et pendant 2 ans nous n’avons fait que cela. Cela nous a permis de développer toutes les équipes métiers : une équipe pour la vidéo, une pour le logiciel, une pour l’animation de la communauté et une pour l’ingénierie pédagogique. Nous avions dû recruter toutes les équipes pour créer des formations en ligne haut de gamme. Ceci pour réaliser une centaine de projets souvent pour de grands comptes.
Vous avez changé de business model par la suite ?
En 2015, nous avons observé une forte opportunité de réaliser un pivot et de passer d’une activité de service pour créer des formations sur-mesure à une activité d’organisme de formation. Nous voulions créer notre propre formation et nos propres cours en ligne et les vendre aux différentes entreprises. A l’époque nous avons constaté que le secteur de la formation professionnelle était hyper poussiéreux, très réglementé et très fragmenté, ce qui fait que les innovations étaient absentes. Il n’y avait pas de digital et, aujourd’hui, 90 % des formations restent du stage physique de deux jours. Cela peut paraître hallucinant à l’heure du digital, nous avions donc une opportunité à disrupter le secteur.
Comment avez-vous choisi les formations ?
Nous nous sommes appuyés sur les demandes des clients puisque nous avions réalisé plusieurs fois des projets sur des sujets presque similaires et notamment les soft skills. Nous avons donc commencé par des formations sur la communication, la prise de parole, la gestion du stress ou de projet. Tous les domaines qui étaient très demandés par nos clients quand nous faisions du service. Nous nous sommes mis d’accord sur 6 formations et il y avait notamment initiation à SCRUM qui a obtenu d’excellents résultats !
Que se passe-t-il par la suite ?
Nous avons continué sur notre lancée jusqu’en 2016, moment où nous avons racheté la société WINDIE qui avait développé une technologie LMS qui est un logiciel spécifique pour faire de la formation. Jusqu’alors nous utilisions uniquement les technologies open source, qui ont le mérite d’être gratuites mais avec l’inconvénient de n’être pas toujours au top coté UX ou parfaitement adapté aux exigences. Nous avons racheté cette société basée à Lyon qui est devenue le cœur technique de l’entreprise. Aujourd’hui ils sont 15 alors qu’ils étaient 5 à l’époque. Par la suite, en 2017, il y avait pas mal de traction notamment sur la partie BTOB sur le modèle économique de vendre des licences de formation aux entreprises. Nous avons levé 3 millions d’euros à ce moment-là avec des fonds d’investissements français.
Pourquoi avoir levé des fonds ?
Nous avions effectué un amorçage deux ans auparavant mais c’était moins significatif car nous avions levé seulement 500 000 euros. Si vous parlez de la seconde levée de fonds, il s’agissait d’investir sur le produit c’est-à-dire la technologie, le logiciel de formation mais aussi sur le catalogue. Il fallait que nous passions de 10 formations à un nombre beaucoup plus important pour atteindre la taille critique et chercher de la croissance. Il fallait faire grossir l’équipe notamment pour le commercial. Nous étions alors une quinzaine et nous sommes passés à une vingtaine. Nous sommes encore dans la phase d’exécution de la série A. Il y aura peut-être une nouvelle levée de fonds l’an prochain mais ce n’est pas évident que nous en ayons vraiment besoin. Si jamais, nous le faisons ce serait pour étoffer toujours plus l’offre qui compte déjà 50 formations et partir à l’international.
Vous avez l’air de surtout travailler avec des grands groupes ?
Tout à fait mais nous formons à des compétences qui sont transverses comme la gestion du temps, le design thinking, …qui sont des compétences tout aussi importantes dans les petites entreprises. Il y a le même besoin mais cela a été un choix commercial.
Quel a été votre facteur clé de réussite ?
Je pense que c’est le « time to market » autrement dit le fait d’arriver au bon temps sur le marché. Il était vraiment propice à l’entrée d’un acteur qui allait digitaliser car les entreprises ont des besoins de plus en plus fréquents. Il y a une nouvelle tendance au niveau du marché du travail comme le fait que de nombreux métiers sont en train d’apparaître. La demande est en croissance et la réglementation a énormément évolué.
Avant, cette dernière contraignait beaucoup le secteur et freinait le digital alors qu’aujourd’hui c’est l’inverse notamment la loi sur la réforme de la formation professionnelle l’année dernière et qui est en cours d’application. Ensuite, ce qui nous favorise c’est que les nouvelles populations qui entrent sur le marché du travail ont des rapports différents avec les entreprises et le travail. Les carrières sont beaucoup moins linéaires qu’avant et il y a souvent des changements d’emploi et d’employeur, voire de statut professionnel. C’est tout le secteur de la formation professionnelle qui est dans une perspective dynamique.
Finalement en quoi se distingue vos formations ?
Par rapport à la formation traditionnelle, nos formations sont plus efficaces que la formation présentielle. Nous utilisons la modalité SPOC (Small Private Online Course). En résumé, il y a un expert coach qui va accompagner les participants pendant qu’ils sont sur leur parcours de formation avec des vidéos, des activités à réaliser. Tout cela se passe avec un petit groupe de 30 personnes qui vont progresser au même rythme tous les mois à raison de 2 à 3 heures par semaine. Nos formations sont calibrées pour des gens qui travaillent et qui veulent profiter de leurs meilleurs moments pour se former durant leur semaine et développer une nouvelle compétence. Elle est étalée sur 4 semaines.
Le deuxième point est que nous collectons toutes les données de suivi des participants et nous pouvons intervenir quand ils n’ont pas compris et sont en situation de décrochage pour s’assurer qu’ils vont bien au bout de la formation et monte en compétences. Je pense aussi que nous avons un avantage sur la logistique puisque dans le cas d’une formation classique le salarié doit bloquer 2 jours et se rendre sur le lieu de formation. Tous les coûts logistiques sont réduits à néant. Nous pouvons former beaucoup plus de monde. En plus, elles sont certifiées !
Avez-vous rencontré des difficultés et comment les avez-vous surmontées ?
Oui carrément ! Parmi les difficultés que nous avons rencontrées, nous avons voulu appréhender plusieurs domaines et nous nous sommes dispersés. Comme notre produit répondait à un besoin très large, nous avons voulu nous attaquer dès le début à tous les types d’entreprise et finalement nous ne faisions rien d’efficace pour aller chercher de la croissance. C’était vraiment dur de faire ces choix qui allaient nous positionner sur un marché précis. Nous nous disions que c’était dommage de ne pas les attaquer tous de front mais nous surestimions trop nos ressources. Enfin, nous nous sommes rendu compte qu’il fallait avoir une approche basée sur le fait de résoudre un problème particulier par exemple dans l’inefficacité des formations car avec le digital nous pouvons en mesurer l’efficacité et de manière plus accessible. Nous avons fait le choix de relever un challenge à la fois.
Comment vous voyez l’avenir ?
Notre mission est de développer les compétences qui comptent pour rester employable, être performant et épanoui dans son travail. Ce sont souvent des compétences qui aident à mieux collaborer avec les autres, mieux communiquer, avoir confiance en soi. Ce sont souvent des compétences non techniques négligées par les employeurs et même par les salariés. Les soft skills représentent vraiment un enjeu majeur.
Il s’agit de former un maximum de personnes sur celles-ci. Notre ambition à horizon sur 5 ans est de former un million de français car nous nous sommes aperçus que nous pouvions vraiment changer la vie des gens. C’est d’ailleurs cela qui nous motive aujourd’hui. Il s’agit aussi de continuer à innover et après la France, nous voudrions réaliser une expansion européenne pour avoir un rayonnement encore plus fort. L’enjeu que nous avons maintenant est de recruter des vendeurs, des business des développeurs, développeurs et des créateurs de contenus.
Quelle a été votre meilleure surprise depuis le début ?
Je pense que les recrutements sont le point qui m’a le plus surpris. J’ai eu d’excellentes surprises en travaillant bien les recrutements et en voyant qu’ils pouvaient vraiment faire la différence. Nous avons appris à le faire car au début nous recrutions surement trop vite. Désormais nous avons appris à mettre le bon niveau d’énergie même si nous avons essuyé les plâtres comme tout le monde quand on démarre.
L’entrepreneuriat c’est quoi pour vous ?
C’est la création d’un produit qui répond à un vrai problème. Il s’agit de sortir du cadre pour trouver des solutions à des problèmes existants. Cela va demander énormément d’itération et d’agilité pour trouver les bonnes solutions. Il y a certes des tâtonnements, des essais et des erreurs pour trouver la bonne solution. Pour moi c’est aussi un challenge, je suis un grand généraliste donc je m’intéresse à de multiples de sujets et j’aurais surement fait un très mauvais spécialiste. Nous nous intéressons à des sujets différents : la communication, le produit, les ventes, les ressources humaines. C’est pour moi celui qui m’offrait une courbe d’apprentissage maximale alors que je démarrais ma carrière. Et puis, nous rencontrons de nombreux entrepreneurs.
« Notre ambition à horizon sur 5 ans est de former un million de français car nous nous sommes aperçus que nous pouvions vraiment changer la vie des gens. C’est d’ailleurs cela qui nous motive aujourd’hui. »
3 Conseils de Yanick Petit
- Choisir un secteur qui vous passionne : vous allez y passer quelques années donc si vous n’êtes pas passionné par votre secteur, cela peut se révéler ardu.
- Apprendre à recruter et y accorder une vigilance extrême : l’équipe est le premier facteur de succès d’une organisation sur le long terme.
- Garder à l’esprit que 20 % des causes ont 80 % des effets : c’est la loi de Paretto que j’observe partout, tout le temps et tous les jours. C’est toujours complexe à appliquer mais pour ne pas disperser c’est essentiel.