Interview d’Anthony Bourbon fondateur de la success story Feed et la future de Blast.Club. Ce serial entrepreneur et investisseur cherche à résoudre les problèmes de reproduction sociale et d’élitisme par le biais de sa nouvelle initiative.
D’où est venue l’idée de Blast ?
L’idée de Blast est venue naturellement. C’est certes un cliché, mais les start-upers créent souvent leur entreprise pour répondre à des besoins personnels. C’est ce qui s’est passé en l’occurrence puisque quand j’ai vendu des parts de Feed, il y a quelques années, avec de gros montants. En effet, j’ai dû effectuer ce qu’on appelle du « remploi fiscal ». Autrement dit, je devais investir 50 % de ma plus-value dans l’économie active, dans les start-up, afin de ne pas payer trop d’impôts. Il se trouve que pour réussir à avoir les meilleurs dossiers, je réunissais des gens autour de moi : des footballeurs, des tennismans, des gens qui étaient connus. Je disais alors au fondateur « Je peux te mettre un million tout de suite dans la boîte » et cela m’a permis d’avoir les meilleurs dossiers de l’écosystème.
Quel a été le déclencheur ?
Quand j’ai fait l’émission « Qui veut être mon associé » sur M6, j’ai réalisé qu’il y avait une forte demande via mes réseaux sociaux, notamment, de personnes qui me disaient « J’aimerais investir avec toi, est-ce que c’est possible ? ». Je leur demandais alors « Combien tu veux investir ? ». Ils me répondaient « 1 000 euros ». Or, avec 1 000 euros, cela n’était pas possible parce que cela créait beaucoup trop de lignes dans ce qu’on appelle « la table de capitalisation ». Autrement dit, les fondateurs ne voudraient jamais avoir cinq cent ou mille actionnaires à gérer. Je me suis alors interrogé « Comment est-ce qu’on pourrait apporter une solution ? ». Il est à noter que l’écosystème start-up représente, pour moi, un peu un stéréotype de la reproduction sociale de l’élitisme.
Quel est le problème à niveau-là ?
Si tu n’es pas très « connecté » ou que tu n’as pas fait une grande école, c’est extrêmement compliqué de pouvoir entreprendre ou investir. Or, ce problème correspond à mon combat et ma mission, sur lesquels je communique sur les réseaux depuis plusieurs années, à savoir : remettre la méritocratie au cœur de la société et permettre à tous ceux qui ont de l’ambition, de la motivation, de pouvoir s’extraire en réalité de leurs conditions initiales.
Et blast en est la concrétisation ?
Blast, c’est effectivement une concrétisation de cette envie. Au début, je stigmatisais beaucoup et je dénonçais ce problème d’élitisme mais il me manquait la solution. Blast permet à tout le monde d’investir dans des projets à mes côtés à partir de 1 000 euros par dossier.
Donc, nous avons simultanément des grands directeurs de banque qui investissent plusieurs millions par an dans le club, mais aussi des petits porteurs qui ont 1 000 ou 10 000 euros à investir dans les start-up. Ces derniers sont ravis que nous leur présentions les dossiers, que nous leur y donnions accès, que nous les formions, mais aussi que nous leur apprenions comment cela se passe.
Comment faites-vous pour y parvenir ?
Pour cela nous proposons des rendez-vous mensuels avec des experts de l’écosystème, des entrepreneurs et des investisseurs. Nous faisons beaucoup d’afterwork, de conférences ou encore de rendez-vous en visio. Ils peuvent écouter tous les pitchs des fondateurs que nous allons financer de manière à se former et voir comment nous les challengeons. Aussi, nous avons un forum de discussion sur Discord qui réunit plus de 3 500 membres . Ces derniers échangent tous les jours dans des canaux très spécifiques. C’est un petit peu le business rêvé pour moi puisque il est à la frontière de l’entrepreneuriat et de l’investissement, mes deux activités préférées.
Quelle est la différence avec une société de crowdfunding habituelle ?
Le crowdfunding, c’est quand tu vas acheter des produits en avance, quand ils sont encore en précommande. Tu vas acheter un savon solide avant qu’il ne soit sur le marché. Le crowdequity, tu peux investir dans les dossiers. Or, en France, le souci, c’est qu’il y a trop souvent des dossiers dont personne ne veut sur ces plateformes. Autrement dit, lorsque les entrepreneurs essayaient de lever de l’argent avec des VC (Venture capitalist, ndlr) ou des Business Angels et qu’ils n’y arrivaient pas, ils allaient sur ces plateformes qui étaient vraiment de mauvaise qualité. Elles étaient d’ailleurs gratuites, et pourtant, elles ne marchaient pas. Ainsi, certaines existent depuis plus de 10 ans mais ne font que des volumes vraiment faibles.
A l’inverse, notre idée c’était : « N’investis pas seul dans des projets que tu es incapable d’analyser. Viens plutôt avec les meilleurs Business Angels de l’écosystème. Il y a notamment Eric Larchevêque, Thomas Rebaud de Meero, Jonathan Anguelov de Aircall… Il y a aussi des experts par secteur qui viennent apporter des dossiers mais aussi investir à nos côtés. »
En quoi cela est un plus pour l’investisseur ?
C’est très rassurant pour le petit porteur d’être avec quelqu’un qui est légitime et qui investit son argent. Nous sommes les seuls à investir dans tous les projets que nous allons présenter au club. C’est une des différences avec le crowdequity classique. Le crowdequity prend des frais et gagne généralement sa vie au moment où les Business Angels ou les petits porteurs entrent et investissent. Il prend un pourcentage.
Nous, notre modèle est basé sur ce qu’on appelle un « carried ». Autrement dit, on prend 20 % des bénéfices qui seront réalisés par les start-up. L’essentiel de nos gains vient donc de la réussite de celles-ci. C’est ainsi que nous voulons gagner beaucoup d’argent. C’est la raison pour laquelle nous sommes alignés avec leurs intérêts. Le banquier ou le CGP (chargé de gestion patrimoine, ndlr) vont avoir souvent une rétro-commission donc personne ne sait jamais s’il met en avant un produit parce qu’il est bon ou simplement parce qu’il est bien rétro-payé. Nous, nous avons un alignement avec les membres qui en plus peuvent se former.
« Les deux, parce que l’un va avec l’autre. Si nous avons des projets mais que nous n’avons pas d’investisseurs, cela ne marche pas. Notre réputation va très vite en pâtir. Si, à l’inverse, nous avons beaucoup d’investisseurs mais pas de projets, ils vont se plaindre. »
Aujourd’hui, vous recherchez plus d’investisseurs ou plus des projets ?
Les deux, parce que l’un va avec l’autre. Si nous avons des projets mais que nous n’avons pas d’investisseurs, cela ne marche pas. Notre réputation va très vite en pâtir. Si, à l’inverse, nous avons beaucoup d’investisseurs mais pas de projets, ils vont se plaindre puisqu’ils vont dire « On paye une adhésion et vous ne nous présentez pas les dossiers ». C’est donc un double travail. C’est pour cela que nous sommes déjà plus de 20 personnes au bout d’un an et que nous avons investi plus de 45 millions d’euros dès la première année. Il s’agit d’un record absolu en France. Nous investissons plus que les fonds d’investissement !
Quelle est la différence avec les fonds d’investissement ?
La différence avec les fonds d’investissement, pour que cela soit clair, c’est qu’ils vont gérer l’argent de leurs LPs, autrement dit des investisseurs statutaires, des fonds de pension ou encore de personnes très riches. Avec Blast, les petits porteurs décident dans quels dossiers ils vont investir.
Il y a presque un aspect loisir, où nous allons présenter des dossiers, expliquer pourquoi nous pensons que c’est une bonne opportunité… Ensuite, c’est eux qui vont décider ou non d’investir. L’autre différence notable c’est que là où les VC (Venture capitalist, ndlr) vont bloquer ton argent pendant 10 ans et qu’il n’y a pas de liquidité, nous, nous offrons, via un marché secondaire que nous mettons en place, une sorte de bourse des start-up. Il a la possibilité de revendre ses participations quand il le souhaite. Cela change complètement la donne puisque nous ne sommes plus passifs, mais nous pouvons aussi avoir une stratégie quasiment de trading.
En moyenne, combien investissez-vous par projet ?
Entre 1 et 5 millions. Nous préférons les tickets à 2. 2,5 millions, c’est notre « sweet spot ». C’est sur ce montant que nous sommes généralement le plus efficace. Nous faisons du seed, donc c’est vraiment du début d’aventure, mais nous pouvons monter sur de la série A ou B. Surtout, nous pouvons nous permettre d’être très réactifs, d’être les premiers à entrer sur un tour de table. Aussi nous pouvons choisir d’être lead sur un tour, seul, colead avec un autre fonds ou encore follower (suiveur en français, ndlr), ne pas être les premiers sur le tour et compléter une levée de fonds. Nous sommes vraiment très flexibles. C’est cela qui nous permet de nous positionner sur les tours à forts potentiels.
Les fondateurs ont d’ailleurs compris que nous étions très réactifs et que plutôt que d’aller se faire un tour de tous les VC pendant six mois, ils ont intérêt à commencer par venir chez Blast. Si Blast leur dit « Oui », ils ont gagné six mois. C’est vraiment incroyable de pouvoir ouvrir l’entrepreneuriat à tous ! Comme je le disais, si l’on n’a pas fait une très grande école ou que l’on n’est pas connecté, c’est quand même compliqué de lever des fonds avec des investisseurs traditionnels. Aujourd’hui, des entrepreneurs avec des profils différents peuvent venir chez nous et être financés par les membres, puisque les membres se reconnaissent en eux.
Combien y-a-t-il de membres aujourd’hui ?
Nous avons déjà plus de 4 000 personnes dans le club et c’est évidemment 4 000 ambassadeurs pour les start-up financés. L’avantage, c’est que ce sont des early adopters qui vont souvent consommer leurs produits. La force de frappe est sans commune mesure. Quand une start-up est financée par Blast et qu’elle donne des éléments de wording, des visuels, une vidéo, sur notre forum de discussion à ses membres investisseurs et leur dit « S’il vous plaît, communiquez sur les réseaux sociaux à 18h00, telle news. », c’est 4 000 personnes qui vont le communiquer en même temps. C’est une forme de communication qui est vraiment excellente et qui est recherchée. Nous pouvons l’appeler « smart money », même si c’est un terme un peu galvaudé. C’est vraiment un apport supplémentaire au simple argent.
Comment est organisée la structure de représentation des investisseurs ?
Nous avons toujours une place au board, on a les « reserved matters » classiques. Ainsi, nous avons un droit de vote qui nous permet vraiment d’avoir un droit de regard sur l’intégralité de nos boîtes. Elles sont toutes suivies par l’équipe Blast, c’est-à-dire que ne nous contentons pas d’investir et après, d’arrêter de suivre la ligne. Nous sommes présents à tous les boards et nous assurons des reportings à l’intégralité des membres.
Nous avons tout automatisé pour qu’une fois tous les trimestres, les investisseurs puissent recevoir les dernières actualités et les chiffres des entreprises dans lesquelles ils ont investi. Aussi, nous avons les key opinion leaders, qui sont des experts sectoriels, qui vont nous accompagner aux boards comme les fondateurs, de manière à ce que l’aventure soit la plus efficace possible. C’est vraiment une tranquillité d’esprit pour les membres de savoir que leur investissement est suivi, maintenu et qu’ils sont en lien direct avec les entrepreneurs. Sur notre Discord, nous créons un « canal » avec les entrepreneurs, les fondateurs et tous les membres qui ont investi. De ce fait, de temps en temps, les fondateurs viennent, font une petite vidéo ou parlent avec les membres. Cela permet vraiment aux membres d’être partie prenante de l’aventure.
Quand a été créée Blast ? Quelles ont été les grandes phases de développement ?
Nous l’avons créée fin 2022. Là, nous sommes à un an à peine de la création. Au début, nous avions ce que nous appelons des drops, c’est-à-dire que avions une liste d’attente qui s’intégrait progressivement. La première étape, je dirais donc que cela a été fait d’accueillir des membres dans le club. Nous avons volontairement fermé les portes pour que ce soit un club qui soit exclusif. Il faut dire que nous avions 30 000 personnes en liste d’attente et nous n’en n’avons accepté que 3 500-4 000 pour cette première année. Nous avons fait un premier drop de 500, puis de 1 500 et un troisième de 1 000.
Ensuite, nous avons mis en place un comité de sélection qui permet de filtrer l’entrée des membres puisque nous voulons avoir un équilibre vraiment sain. Il s’agit de garder l’esprit originel du club, à savoir des membres qui viennent de tous les horizons, avec des profils complémentaires, des niveaux d’études différents, de tous types de métiers et de provenances géographiques.
La deuxième étape, a été le début des investissements des projets. Nous en avons fait déjà plus d’une vingtaine, ce qui est quand même énorme en si peu de temps. La prochaine étape va se dérouler pendant « Qui veut être mon associé », puisque cela fera un an que nous avons vraiment lancé les opérations et que nous serons prêts à accueillir plusieurs milliers de membres de manière à faire grandir le club.
Comment marche la bourse d’échanges ?
C’est comme un tableau d’affichage. Un membre peut dire « Je vends mes actions Feed à tel prix », par exemple. Il met un prix, et un membre ou un non-membre a la possibilité de dire « Cela m’intéresse, je l’achète. ». Beaucoup d’entrepreneurs ont essayé de créer une bourse des start-up, sauf que c’était très compliqué à exécuter parce qu’il fallait convaincre, soit les fondateurs, soit les investisseurs de mettre à disposition leurs titres. Or, il y a toujours des droits de préemption, des droits de priorité. Bref, c’est une vraie galère juridique à le mettre en place sous cette forme.
Nous, c’est très simple puisque nous gérons les SPV (Special Purpose Vehicle, ndlr) qui rentrent dans les start-up et nous avons la main sur elles. En résumé, c’est une holding qui va détenir l’intégralité des actionnaires. Étant donné que nous sommes les directeurs de ce SPV, personne ne peut nous empêcher de le faire. Autrement dit, nous avons « blockchainisé » la table de capitalisation et automatisé ce que nous appelons les KYC (know your customer, ndlr), de manière à savoir en temps réel, qui est détenteur des actions. Pour cela, ils mettent une photo de leur carte d’identité, une preuve de logement, etc.
Qu’est-ce que cela apporte ?
Si je décide de vendre mes actions et que vous me les achetez, automatiquement, au moment de l’achat, le Cerfa sera fait par DocuSign ou une autre solution. Vous devenez actionnaire et nous, nous sommes informés que vous êtes maintenant actionnaire de la start-up et que vous avez X parts. Cela nous permet d’être très efficaces et informés en temps réel.
Comment on crée la liquidité ? Comment est-ce qu’on est sûr qu’un maximum de personnes peuvent acheter des titres ?
Seuls les membres peuvent entrer dans le marché primaire, donc, au moment de la levée de fonds de la start-up. Les non-membres, les personnes extérieures au club, peuvent acheter, mais sur le secondaire. Donc, les membres peuvent vendre les participations qu’ils ont obtenues pendant la levée de fonds à des personnes extérieures au club, mais qui, naturellement, payeront plus cher pour pouvoir être à leur tour actionnaire.
La tendance, c’est de prendre des participations majoritaires ou des participations minoritaires ?
Nous, nous sommes plutôt entre 15 et 25 %, donc nous sommes vraiment comme un fonds d’investissement qui entre dans une start-up. En effet, nous agissons à ce niveau un peu comme du private equity. Nous n’avons pas vocation à être majoritaire des sociétés.
Demain, je suis porteur de projet et j’ai envie de le présenter, comment je fais et combien de temps cela va prendre avant que je sois financé en moyenne ?
Cela va prendre un mois à un mois et demi en fonction de ta réactivité. Nous avons automatisé le processus et si tu vas sur notre site, tu vas voir que tu vas être dirigé par un type form. Autrement dit, d’un dossier d’inscription. Nous allons te poser plein de questions de manière à ce que les infos arrivent automatiquement sur notre CRM et que notre team d’investissement puisse creuser le dossier très rapidement. Nous allons te demander des documents obligatoires comme ton BP, ou ton deck. Ensuite, nous sommes capables de nous positionner et de dire « On fait un premier rendez-vous ». Puis, cela va se dérouler très vite avec les analyses de la team d’investissement et un comité d’investissement. Nous avons 100 points de check-up à vérifier pour être sûr que la due diligence se passe rapidement. Donc, en un mois, un mois et demi, tu es financé.
Du côté membre, demain, je veux devenir membre, comment je fais ?
Si tu veux devenir membre, c’est pareil. Il faut aller sur notre site et tu vas déposer ton adresse mail et être mis sur une liste d’attente parce que les portes ne sont pas encore ouvertes. Comme je le disais, nous sommes obligés de maîtriser le nombre de membres actuellement. Il y a beaucoup de gens qui nous disent « Mais pourquoi vous faites ça ? C’est trop bizarre. Il y a anguille sous roche ». La réalité, c’est que nous avons déjà 100 millions d’euros à déployer par an avec les membres que nous avons en ce moment au club.
Si nous acceptions le double de membres, naturellement, cela nous ferait 200 millions d’euros à déployer. Or, c’est impossible de déployer correctement autant d’argent en aussi peu de temps parce qu’il n’y a pas encore assez de projets. Et même notre équipe n’est pas encore assez structurée pour engranger encore plus de levées de fonds.
Donc, nous préférons y aller pas à pas mais garantir à nos membres que les dossiers, que nous mettons en avant, sont des dossiers dans lesquels nous croyons. Parce qu’encore une fois, nous sommes rémunérés sur le « carried » et donc sur la performance. Si nous commençons à choisir des deals juste pour faire des deals, nous savons qu’à la fin, nous ne gagnerons pas. Et en plus, la réputation du club sera détruite !
Comment cela se passe concrètement la sélection ?
Si tu veux rentrer, tu mets ton adresse mail et tu entres sur la liste d’attente. Là, une personne de l’équipe relations investisseurs va te contacter. Elle va essayer de comprendre tes motivations. Pourquoi tu veux nous rejoindre, quel est ton profil. Elle va passer du temps avec toi. Ensuite, il va y avoir une première pré sélection en interne dans la team « relations investisseurs » où il va défendre ton projet et ta candidature. Si l’équipe relations investisseurs valide le dossier, ton dossier va être dirigé vers le comité de sélection. Il est composé de mon cofondateur, Samuel, deux directeurs managers de la team Blast ainsi que de moi-même. Nous disons « oui » ou « non ». Tu peux alors entrer et payer ton adhésion de manière à rejoindre le club et investir à nos côtés.
Pour l’avenir, quels sont vos objectifs ? Ceux de 2024 ?
2024, nous allons être capables de grossir de manière structurée. Nous avons pris notre temps en 2023 alors que nous aurions pu accueillir beaucoup plus de membres, faire plus de deals. Cependant, c’était important pour nous d’assurer la plus grande qualité à tous les niveaux. Ceci, que ce soit dans l’expérience utilisateur des membres, dans le suivi des start-up ou dans la sélection des dossiers. Cela va être aussi une année de croissance assez forte. L’idée, c’est aussi de pouvoir créer nos propres fonds d’investissement. Nous avons beaucoup de CGP qui nous contactent pour que leurs clients puissent investir à nos côtés.
A l’heure actuelle, il serait impossible de le faire sous un format de club. C’est pourquoi nous allons monter un fonds d’investissement de manière à pouvoir récupérer l’argent des CGP. Aussi, il y a énormément d’économies. Nous permettons maintenant l’investissement via le PEA. Le PEA, c’est un levier d’épargne qui est colossal pour les Français qui ne savent pas où investir.
Enfin, nous allons continuer à nous développer d’un point de vue équipe. Ceci sans oublier que nous avons la chance d’avoir un projet Blast à l’international, pays par pays, où nous allons avoir des key opinion leader, qui vont diriger des nouvelles zones géographiques. Il y a également des projets qui sont excitants comme un nouveau site internet ou la possibilité naturellement d’investir dans des tours de table un peu plus late stage, avec des projets plus matures. L’idée, c’est de pouvoir financer un projet de son tout début jusqu’à la fin et la sortie potentielle.
Comment expliques-tu votre essor rapide ?
C’est vrai que l’« unfair advantage » (avantage injuste en français, ndlr) que nous avons eu et que n’ont pas eu les autres, c’est que j’avais déjà de la visibilité. J’avais la chance d’être très présent sur les réseaux sociaux et nous avions travaillé depuis quatre ou cinq ans pour passer ce message justement de motivation, d’espoir à tous les jeunes qui nous suivaient. Et quand nous avons annoncé ce projet, cela a été un peu l’aboutissement de tout ce travail. Très vite, avec Qui veut être mon associé, mon livre qui a été vendu à plus de 20 000 exemplaires, les formations que nous faisions ou encore les événements notamment avec Feed, il y a eu tout de suite une énorme traction autour du projet.
Quel a été le plus grand défi de Blast jusqu’à présent ? Parce que tout semble avoir été facile et être monté vite, mais est-ce qu’il y a eu des défis ?
Je dirais que le plus compliqué, ce n’était pas d’avoir des membres, parce qu’honnêtement, nous en avons encore des milliers sur la liste d’attente, mais plutôt d’exécuter, parce que d’un point de vue opérationnel, nous avons été extrêmement vite. Nous avons dû d’abord avoir des agréments parce que nous sommes agréés par l’AMF. Donc, il a fallu faire cette partie réglementaire. Aussi, il a fallu recruter plus de 20 personnes, trouver les bons dossiers, structurer les opérations, entretenir la relation avec les membres de manière à ce qu’ils ne soient pas déçus par l’aspect club, faire le site Internet, penser l’international, créé le marché secondaire.
En bref, l’exécution, cela a été un challenge à réaliser en un an ! Cela n’a pu se faire que parce que nous avons une équipe incroyable et que j’ai, un cofondateur, Samuel, qui lui est dans l’ombre mais qui va dérouler au quotidien un nombre de tâches impressionnantes.
Que fait ton associé d’ailleurs dans l’entreprise ?
J’ai toujours dit que je ne m’associerai jamais car je n’aimais pas le principe. En réalité, je découvre les joies de l’association puisque cela me permet de faire deux fois plus de choses. Nous sommes très complémentaires et cela me permet de me concentrer sur ce qui me plaît vraiment, à savoir la communication, les investissements ou encore créer de la relation avec les membres. Samuel lui sur une partie qui lui plaît et moi me déplaît, à savoir l’opérationnel, les Excel ou encore la finance. Donc, nous sommes vraiment un binôme qui est très efficace et où tout se passe bien.
Sur les valeurs
Quelles sont les valeurs de Blast ?
Les valeurs, elles me sont très personnelles et d’ailleurs, nous les retrouvons aussi chez Feed. C’est en premier la méritocratie. Tout le monde doit avoir la possibilité de réussir, quel que soit son milieu, mais avec de la passion. Pour nous, c’est important quand nous sélectionnons les membres et que nous avons le comité de sélection, où nous les rencontrons pendant plus d’une heure, de voir des personnes qui ont envie d’apprendre, de se dépasser, de découvrir mais aussi de renvoyer l’ascenseur et d’aider les autres membres sur les sujets qu’ils maîtrisent. C’est cette bonne ambiance qui fait que Blast est bien plus qu’un moyen d’investir. Il s’agit d’un véritable club où les membres se retrouvent ville par ville, quasiment chaque semaine, font des afterwork, échangent. Vraiment, c’est quelque chose qui passionne.
Quelles sont les autres valeurs ?
Il y a une notion d’ambition. Nous ne sommes pas là pour faire des petits gains. Nous ne nous cachons pas d’avoir vraiment une envie de gros gains. En effet, nous voulons essayer d’avoir les mêmes résultats que j’ai pu avoir lorsque j’investissais personnellement en tant que Business Angel et que j’enchaînais tantôt cinq, tantôt dix, tantôt plus. Nous voulons des membres qui ont envie de rêver grand ! Notre dernière valeur, c’est le travail. Parce qu’évidemment, on n’a rien sans rien. Il faut travailler de manière intense pour réussir.
Nous attendons de la part de nos membres qu’ils travaillent sur ce que nous appelons les due diligence et qu’ils n’investissent pas au doigt mouillé. Ils doivent avoir le temps nécessaire pour échanger avec les fondateurs, poser leurs questions, s’impliquer dans le club ou bien participer à l’organisation des événements. Nous avons des ambassadeurs qui ont été élus dans le club, de manière à ce que la gestion du club soit horizontale, un peu comme dans le Web 3. J’aime que ce modèle soit vraiment démocratique et pas vertical. Je ne veux pas donner des ordres que tout le monde exécute. Le club vit ainsi par lui-même en autosuffisance et nous donnons des budgets aux ambassadeurs, ville par ville. C’est eux qui organisent les apéros, les événements, la distribution de sweats, de cadeaux…. Et cela nous permet vraiment de pouvoir « scaler » tout en gardant cet esprit club qui est fondamental.
Comment se passe la valorisation des entreprises ?
C’est une négociation entre l’équipe « investissement » et les fondateurs. Classiquement, nous allons faire des propositions qui sont parfois acceptées, parfois négociées. Ensuite, pour le secondaire, c’est vraiment de gré à gré, un peu comme si vous vendiez une voiture sur LeBoncoin. Vous fixez un prix et si vous exagérez, personne ne voudra l’acheter. A l’inverse, si vous êtes au bon prix, des personnes vous feront des propositions.
Je suppose que vous utilisez rarement les méthodes comme DCF ou autres pour calculer la valorisation d’une boîte ?
Oui, au début, nous sommes plutôt sur des indicateurs assez basiques comme des multiples de chiffre d’affaires, parfois l’Ebitda, mais cela reste relativement rare. Nous allons parier sur l’avenir plus que sur ce qui a déjà été réalisé parce que souvent, ce sont des entreprises qui n’ont pas beaucoup de bilan. Le lien avec le fondateur et le feeling avec l’équipe ont un impact significatif. Ils sont évidemment présentés aux membres du club lors de visios, de manière à ce qu’ils puissent se faire leur propre opinion. Il y a des fondateurs qui vont déclencher de l’empathie, qui vont être portés par une mission, qui ont envie de changer les choses.
C’est souvent cela qui va motiver les investisseurs individuels à se positionner. Nous avons beaucoup parlé d’argent, mais il y aussi l’impact qui va être généré par les projets. Cela parle énormément à la communauté, que ce soit à l’impact sur l’écosystème ou autres. Parfois, il s’agit de l’impact humain avec des sociétés qui vont recruter des personnes avec un handicap. Parfois, ce sont des personnes qui vont avoir un impact international et qui vont recruter des profils en France. Nous ne sommes pas au niveau du private equity où nous nous basons uniquement sur des indicateurs financiers, même si évidemment nous leur fournissons l’intégralité de la documentation, à savoir les BP, les SWOT, les analyses, les due diligence, de manière à ce qu’ils puissent être accompagnés dans leur prise de décision.
Est-ce que pour toi, est-ce que tu ressens que les investisseurs aujourd’hui recherchent vraiment ce côté impact des entreprises ?
Les dossiers qui fonctionnent très bien chez nous, ce sont ceux qui changent les choses. Si nous leur proposons un dossier d’un énième savon solide ou d’un énième maillot de bain, cela ne stimule pas les investisseurs. Nous, nous investissons dans le spatial, dans la biotech, dans le futur des banques, dans la foodtech, donc l’alimentation de demain… C’est toujours des sujets qui, à leur niveau et de différentes manières, vont réussir à changer les choses. Aussi, ce sont des entrepreneurs, et c’est pour cela que c’est passionnant. Ils sont portés par quelque chose qui les dépassent, ils ont envie de mettre la France sur le devant de la scène, d’aller défier les Asiatiques ou les Américains.
C’est toujours un moment extrêmement valorisant et agréable de les mettre en contact avec nos 3 500 membres, qui avec leurs économies, ont envie de participer à cette aventure. Ces fondateurs regorgent d’idées, d’énergie, de motivation et nous le ressentons dans nos échanges et quelquefois, lors des débats. Évidemment, les challenges sont nombreux pour les entrepreneurs et les épargnants qui ont mis cinq ou dix ans pour mettre cet argent de côté. Ces derniers ne veulent pas investir n’importe comment et donc ils vont bousculer à certains moments un peu les entrepreneurs. Cependant, c’est toujours dans un bon état d’esprit, bienveillant. Nous constatons clairement une envie de la part des membres d’avoir de l’impact. Ils ne veulent plus investir, ils nous le remontent souvent, dans des projets obscurs, des SCPI sans intérêts ou des produits financiers structurés.
Comment faites-vous pour déterminer cela ?
Nous, nous allons creuser pendant des mois avec les fondateurs pour comprendre leurs projets. Nous allons les présenter, nous allons expliquer pourquoi nous y allons. Je pense que les Français, voire les gens de manière générale, ont envie d’investir de l’argent dans quelque chose qu’ils comprennent et qui les valorisent. Ils ont envie de pouvoir en parler en repas de famille, à leurs amis. Les Business Angel, et même si cela peut paraître paradoxal, depuis 10 ans, tout le monde en parle, même les politiques, on est la start-up nation, etc.
Cependant, c’était une classe d’actifs qui était extrêmement compliquée d’accès. Si vous n’aviez pas des très gros tickets moyens à mettre, des 100 000 ou 200 000 par ticket, ou alors la possibilité d’être connu ou visible, parce que vous étiez entrepreneur ou très bien connecté, il était impossible d’investir dans ces start-up. Et pourtant, cette classe d’actifs est la plus rémunératrice d’Europe depuis 10 ans (!) quand nous la comparons à l’immobilier, à la Bourse, au LBO, au private equity. Donc, le early stage en Europe, c’est ce qui performe le mieux et les épargnants n’y avaient pas accès ! Un paradoxe.
Est-ce qu’il y a des mouvements pour ce changement ?
Nous sommes à un moment incroyable puisque même le gouvernement, avec la loi Tibi 2, du député Paul Midy, vient de faire passer de nouvelles mesures pour diriger l’épargne des Français vers l’investissement en start-up. Il y a de grosses défiscalisations en 2024 qui vont aller jusqu’à 50 %. De nombreuses mesures vont dans ce sens, que d’ailleurs nous prônons. C’est un plaisir pour nous d’être à l’initiative de ce type de projet.
« Entre 1 et 5 millions. Nous préférons les tickets à 2. 2,5 millions, c’est notre « sweet spot ». C’est sur ce montant que nous sommes généralement le plus efficace. »