De la même façon qu’on parle de transition entrepreneuriale écologique ou énergétique, celle entrepreneuriale occupe une place de choix dans notre société. Plus qu’une tendance, il s’agit d’un véritable phénomène qui envahit progressivement le territoire et implique de nouveaux enjeux. État des lieux de l’entrepreneuriat en France.
Chaque année, plus de 550 000 entreprises voient le jour, contre 216 000 il y a dix-huit ans. À l’occasion de sa 19ème édition, le Salon SME (ex Salon des Micro-Entreprises) a publié une étude pour mieux comprendre la manière dont les Français intègrent l’entrepreneuriat dans leur trajectoire professionnelle ). Les résultats de l’enquête révèlent, pour la France, une véritable transition entrepreneuriale, comme le définit le président du Salon, Alain Bosetti. Mais de quoi s’agit-il au juste ?
Vers une société d’indépendants et d’entrepreneurs
Concrètement, la transition entrepreneuriale renvoie à une évolution progressive d’une société de salariés en CDI vers une société d’indépendants et d’entrepreneurs. En clair, le mouvement inverse de celui initié au XIXème siècle par la révolution industrielle, où les moyens de production techniques et humains, ainsi que les capitaux restaient très concentrés. Deux siècles plus tard, les Français n’hésitent pas, pour beaucoup, à inclure l’entrepreneuriat dans leur trajectoire professionnelle, de manière permanente ou temporaire, en activité principale ou secondaire. La société étant en pleine mutation, le phénomène prend, progressivement, de l’ampleur ces dernières années.
Ce glissement progressif devrait, en effet, s’accentuer du fait de la démocratisation de la création d’entreprise, jugée tabou il y a quelques années, et des opportunités liées au web ainsi qu’à l’innovation. Mais surtout, le désir d’indépendance et de liberté hantent de plus en plus de Français. S’il est semé d’embûches, l’entrepreneuriat demeure, avant tout, l’occasion de vivre de sa passion voire, qui sait, de changer le monde…
Un accès à la création d’entreprise démocratisé
15 % de la population sont ou ont déjà été entrepreneurs, selon l’étude menée par l’institut Creatests pour le compte du Salon SME (réalisée sur internet en juin et juillet 2017 auprès de 2 071 Français âgés de 18 à 65 ans et résidant en France métropolitaine, ndlr). « Si on ramène ce chiffre à la population active globale, cela représente 6 millions de Français qui passent par la case entrepreneuriat au cours de leur trajectoire professionnelle », explique Alain Bosetti, cofondateur du Salon SME. Parmi ces derniers, 29 % savaient qu’ils entreprendraient à un moment ou à un autre de leur carrière. « On est en train d’évoluer d’une société de salariés en CDI vers une société d’indépendants et de free-lances, car l’accès à la création d’entreprise se démocratise », ajoute-t-il.
Dans 69 % des cas, une seule activité a été créée alors que, pour les 31 % restants, plusieurs activités de nature entrepreneuriale sont ou ont été exercées tout au long de leur trajectoire professionnelle. Malgré le fait que la gente masculine l’emporte avec 36 % d’hommes qui déclarent avoir eu ou exercer au moins deux activités entrepreneuriales, les femmes adoptent, elles aussi, la tendance avec un taux qui s’élève à 28 %. Alain Bosetti conclut : « Il est derrière nous le temps où l’on «faisait carrière». […] Nous avons tous nos propres trajectoires, que nous souhaitons évidemment piloter nous-mêmes. C’est plus simple quand on est entrepreneur ! ». Il est vrai que nombreux sont les facteurs poussant les Français à se lancer dans l’aventure. Reste à savoir lesquels…
Ces facteurs qui favorisent l’entrepreneuriat
Quels sentiments ?
Difficile et enrichissante, l’expérience entrepreneuriale ferait naître chez 40 % des entrepreneurs (ou ex entrepreneurs) un sentiment de fierté, d’après l’étude publiée par le Salon SME. Plus de 50 % s’estiment d’ailleurs prêts à la renouveler sans hésiter, alors que 34 % le referaient peut-être. On enregistre également 81 % des entrepreneurs qui se sont lancés par choix, contre 19 % par obligation afin de se créer leur propre emploi ou de compléter leurs revenus.
Nouvelles conceptions ?
Si le phénomène de la transition entrepreneuriale ne peut, véritablement, être imposé (tout le monde ne détient pas la volonté ou la capacité à entreprendre), il peut, en revanche, être favorisé. Bon nombre de salariés, fatigués des règles que leur hiérarchie leur impose, émettent l’envie de créer leur boîte. Les relations parfois tumultueuses, vécues au quotidien, avec leur employeur ou le manque de perspectives d’évolution internes semblent les pousser à sauter le pas. Au-delà de ce désir d’autonomie et de cette quête de liberté, ils souhaitent parfois, simplement, pouvoir vivre de leur passion. 74 %, selon l’enquête, auraient créé leur entreprise pour lancer leur propre idée. Entreprendre leur(s) rêve(s) pour ainsi dire, tout en restant maîtres de leur destin.
Un autre facteur clé qui pousse bien des Français à devenir entrepreneurs repose, sans doute, sur l’essor du web et des nouvelles technologies. Sources d’opportunités, ils facilitent, entre autres, la mise en relation entre prestataires et prospects / clients. Sur la toile, les plateformes de recrutement favorisent également le développement des indépendants. D’un autre côté, l’assurance-chômage accordée à ces derniers, au même titre que le doublement des plafonds de revenus pour les micro-entrepreneurs ou, tout simplement, le chômage en lui-même, ont aussi fait grimper les chiffres de créations d’entreprise en France. Dernier point : les employeurs ont, aujourd’hui plus qu’avant, du mal à embaucher en CDI, au profit du CDD. Pour cause, les fluctuations du marché qui contraignent les entreprises à faire preuve d’une certaine flexibilité. Les charges patronales étant particulièrement élevées, certains piochent même du côté des indépendants et des micro-entrepreneurs.
L’essor du web ?
Et, pour les salariés, l’entrepreneuriat ne serait-il, finalement, pas une alternative au CDD ? « Franchement, qu’est-ce qui est plus précaire et instable ? Le CDD ou l’entrepreneuriat ? Aujourd’hui, il est plus facile de trouver un client qu’un patron. Et je pense qu’il est beaucoup moins précaire d’avoir cinq clients qu’un employeur ! », s’exclame le président du Salon SME. L’augmentation du nombre d’entrepreneurs ou d’indépendants n’est pas la seule conséquence de cette transition entrepreneuriale. L’émergence de nouvelles tendances se place comme un élément fondamental en matière de création comme de développement d’entreprise. Mais, quelles sont-elles et comment les appréhender ? C’est ce que nous allons tenter de découvrir tout au long de ce dossier.
« Si on ramène ce chiffre à la population active globale, cela représente 6 millions de Français qui passent par la case entrepreneuriat au cours de leur trajectoire professionnelle »
Alain Bosetti, cofondateur du Salon SME