Interview de Thierry Petit, cofondateur de Showroomprive, le site de ventes privées sur lequel le fonds d’investissement historique de Facebook a décidé de parier.
Avez-vous toujours eu ce rêve d’entreprendre ?
Oui, en fait j’ai toujours voulu être entrepreneur, je ne voyais pas ma vie en étant salarié… C’est terrible mais je ne supporte pas qu’on me dise ce que je dois faire. J’aime la liberté, j’aime avoir ce sentiment d’avoir un vrai impact sur les choses. Et je veux pouvoir sentir que je suis maître de mon destin.
Donc vous vous êtes lancé très vite dans la création de votre première entreprise ?
Oui, nous étions en 1999 et je sentais que la vague web commençait à vraiment s’accélérer. Je me suis associé avec deux amis pour créer Tooboo.com, le premier comparateur de prix du web français. Le succès a été très rapide : nous avons lancé le site en septembre 1999, levé des fonds en janvier 2000 et revendu la société en juillet à Libertysurf !
Avez-vous rencontré des difficultés pour créer cette première entreprise ?
Non, parce que nous étions à l’époque folle d’Internet. Avec une bonne idée, on pouvait facilement trouver des fonds. On en parle aujourd’hui de manière assez négative mais je trouve que c’était une belle époque ! La plupart des grands patrons d’Internet aujourd’hui ont vécu cette époque. Certes il y a eu de la casse, mais cela a été très formateur !
A 26 ans vous avez revendu votre entreprise 100 millions de francs. Comment avez-vous vécu le fait de devenir multimillionnaire si jeune ?
Je viens d’une famille ouvrière, je me suis construit tout seul en finançant mes études grâce à des prêts. Quand j’ai créé mon entreprise, j’ai dû emprunter encore plus d’argent. Cela aurait pu être catastrophique pour le futur car, si cela n’avait pas marché, je serai aujourd’hui encore endetté à cause de cela ! J’ai pris beaucoup de risques. Après, c’est vrai que ça a été très perturbant … Quand à 26 ans vous pouvez vous acheter un grand appartement à Paris et que tout est possible pour vous, forcément il y a une période un peu difficile. Mais au bout d’un an, les valeurs familiales me sont revenues.
Vous vous êtes ensuite lancé dans la presse, pourquoi ?
Lorsque j’ai revendu Tooboo à Libertysurf, j’ai d’abord été engagé à des fonctions de direction au sein du groupe… jusqu’à ce que l’aventure me lasse car je ne prenais plus de plaisir. Je voulais retrouver le goût de la création ! Je me suis donc remémoré mon rêve d’enfant, celui de lancer un magazine. J’ai trouvé un segment non exploité en presse et j’ai travaillé sur un projet qui n’a jamais abouti : Grands-parents magazine. J’ai ensuite eu l’opportunité de gérer le magazine Mouvement, une revue spécialisée dans les arts vivants. J’ai toujours été très fan des arts vivants, et notamment de la danse.
Puis vous avez fait un tour du monde ?
Mon deuxième rêve d’enfant était de voyager partout dans le monde. La période s’y prêtait bien et j’avais envie de passer à autre chose. Je suis parti pour voyager 11 mois avec ma femme. Au final nous ne sommes revenus que deux ans après ! Pendant tous nos voyages, je me disais que la vie était faite pour en profiter et que plus jamais je ne travaillerai autant qu’avant. Mais l’envie d’entreprendre m’a encore rattrapé et depuis que j’ai créé Showroomprive, je bosse comme un dingue !
Vous vous êtes donc lancé dans un nouveau défi entrepreneurial à votre retour ?
Oui, en revenant en 2006, j’avais envie de créer une nouvelle boîte. J’avais beaucoup d’énergie, mais pas d’idées… Alors j’ai recontacté mon réseau et un fonds d’investissement avec qui j’avais travaillé à l’époque m’a présenté la famille Dayan, des destockeurs de métier. Depuis plus de 20 ans leur entreprise concurrençait Venteprivée dans le monde physique et faisait à peu près le même chiffre d’affaires. Mais depuis quelques temps leur concurrent venait de se lancer sur Internet et cartonnait. Ils cherchaient donc un spécialiste du business sur Internet pour se lancer à leur tour sur la toile. Nous nous sommes associés en juin 2006 et avons ouvert le site en octobre. Tout est allé très vite.
Aujourd’hui, qu’est devenu Showroomprive ?
6 ans après, nous faisons 250 millions d’euros de chiffres d’affaires et avons ouvert le site dans plusieurs pays d’Europe. Nous avons aujourd’hui près de 10 millions de membres. Il y a deux ans, nous avons été contactés par Accel Partner, le fonds d’investissement historique de Facebook qui a injecté 50 millions de dollars dans l’entreprise pour que nous consolidions notre place d’acteur majeur du e-commerce en Europe.
Comment faites-vous pour vous faire une place à côté du géant Venteprivée ?
Nous n’avons pas les mêmes moyens qu’eux alors nous devons être plus malins, plus flexibles, plus réactifs. Mais nous ne nous focalisons pas sur eux. Nous nous concentrons seulement sur notre ambition qui est d’atteindre les 500 millions d’euros de chiffres d’affaires dans les 2 ou 3 prochaines années.
Arrivez-vous à équilibrer votre vie pro avec votre perso ?
J’ai un peu de mal à y arriver… J’essaie de donner tout mon temps à mes enfants le weekend et le matin, mais le soir ce n’est pas facile. Alors je prends des vacances pour rattraper, c’est en voyageant au bout du monde avec ma femme et mes enfants que j’arrive à me ressourcer.
Les 5 conseils
- Il vaut mieux « fait » que « parfait » ! J’aime cette idée qu’il faut faire les choses, même si ce n’est pas complètement carré, plutôt que d’attendre 8 mois que tout soit parfait avant de se lancer. C’est une philosophie qui est très développée dans la Silicon Valley.
- S’entourer. Pour réaliser un projet, il faut rassembler les compétences. Surtout dans nos métiers sur Internet, il y a un milliard de choses à connaître en développement marketing, en photo, en service client, en logistique… Personne ne peut avoir seul toutes les compétences nécessaires.
- être capable d’accepter de lâcher du capital pour faire entrer des fonds. C’est la seule façon d’accélérer le développement de l’entreprise.
- Penser Europe, penser monde. Car, au fond, se développer à l’international ce n’est pas si compliqué que cela.
- Bien doser l’intuition et le pragmatisme. Parfois, il faut se laisser aller sur une intuition sans forcément se focaliser sur le côté rationnel des idées. D’autres fois, le coté pragmatique sera essentiel. Il faut être capable de jauger ces deux aspects.