Entretien exclusif avec Taïg Khris, connu pour sa carrière de sportif en tant que champion de roller, qui a développé parallèlement un profil d’entrepreneur en lançant trois sociétés.
Comment en êtes-vous arrivé à l’entrepreneuriat ?
Après avoir débuté ma carrière de sportif, je me suis rapidement rendu compte que mon sport, le roller, n’était pas une discipline très médiatique. Il fallait que je développe d’autres activités en parallèle, que je devienne rapidement mon propre manager si je ne voulais pas m’enfermer. à 23 ans, j’ai donc créé un magasin de rollers pendant quelques années. Comme j’étais très jeune, mon père m’a conseillé sur ce projet, dont il s’occupait lorsque j’étais en déplacement pour les compétitions.
En 2001, mon activité a évolué vers l’événementiel et le conseil puisque j’ai lancé « Taïg Khris Events », une société qui organisait des spectacles de glisse urbaine et des initiations au roller, skate et BMX. Je me suis aperçu que de nombreuses mairies avaient besoin de l’appui d’un professionnel pour construire les skate-parks. J’ai donc conseillé les municipalités dans ce cadre. J’ai sous-traité la fabrication de ces espaces à des sociétés externes et je coordonnais le tout.
Qu’avez-vous réalisé ensuite ?
J’ai véritablement basculé dans l’entrepreneuriat au moment où je me suis cassé la jambe en 2006. Sur mon lit d’hôpital, j’ai eu l’idée de lancer une gamme de papeterie pour les enfants. Je sortais clairement de ma zone de confort puisqu’il ne s’agissait pas d’une activité en lien avec mon sport ! Mais je me suis lancé quand même et j’ai nommé mon entreprise « TK Concept ». J’ai réussi à convaincre des centrales d’achat dont Carrefour et Casino pour qu’ils achètent des collections de papeterie scolaire à mon effigie.
La seconde année, j’ai vendu des produits à l’effigie de Tony Parker et de M Pokora, dont j’avais racheté les droits. Cette expérience a été très formatrice, puisque je réalisais seul le design des produits la nuit sur Photoshop, je gérais des usines de productions dans différents pays, j’ai dû négocier la distribution dans les grandes surfaces, référencer les produits, positionner mes prix par rapport à la concurrence… Nous avons atteint 1,2 million d’euros de chiffre d’affaires même atteint. L’expérience a duré six ans. Avec la crise, j’ai subi une baisse d’environ 60 % des commandes et nous avons dû arrêter l’activité.
Comment avez-vous vécu cette fermeture ?
Cela fait toujours un pincement au cœur car en tant qu’entrepreneur, notre mission reste de sauver l’entreprise quoi qu’il arrive. Je me suis toujours réservé plusieurs portes de sortie, j’ai toujours eu plein de projets en tête donc je pouvais rebondir à tout moment. En quelque sorte, le sport m’a appris à tomber et à me relever. D’ailleurs, ironiquement, c’est bien souvent quand je me suis cassé la jambe que j’ai monté des entreprises.
Après « TK Concept », j’ai relancé des projets autour de mon sport. J’ai produit des événements dans le but d’établir des records. J’ai sauté du premier étage de la Tour Eiffel en mai 2010, puis j’ai battu le record du monde de saut en longueur à rollers depuis le Sacré-Cœur de Montmartre à Paris en juillet 2011. Il s’agissait d’événements que j’ai coproduits de A à Z avec deux associés. J’ai obtenu les budgets et convaincu les chaînes pour la diffusion.
Et en 2013, vous décidez de vous investir dans un nouveau projet…
Oui. Il s’agissait d’une période charnière pour moi. Je m’étais à nouveau cassé la jambe. J’essayais de monter un troisième record et je n’arrivais pas à avoir les autorisations. Les quelques contrats de sponsoring que j’avais signés arrivaient à échéance. Et je me rapprochais de la quarantaine ! Je voulais trouver un projet beaucoup plus stable et qui touche le grand public, ce que ne faisait pas le roller. Côté business, je désirais être propriétaire de ma marque. Je voulais me développer dans le monde entier sans dépendre d’une société externe ni travailler encore autour de mon image de sportif. Ainsi, je suis parti d’une feuille blanche et je me suis demandé quel était le secteur dans lequel il y avait du potentiel. Je me suis très rapidement orienté vers internet et le monde de la téléphonie.
Quel est le principe de votre nouvelle entreprise, OnOff Telecom ?
La carte SIM n’a pas évolué depuis 30 ans. Aujourd’hui, nous avons tous internet à disposition, mais nous ne possédons qu’une seule carte SIM avec un numéro unique. Il fallait que je réinvente le numéro de téléphone mobile. L’idée m’est venue lorsque j’étais en Indonésie avec des amis en février 2013. Je leur en ai parlé et j’ai perçu un enthousiasme général, j’ai commencé petit à petit à chercher comment mettre la technologie en place. J’ai rencontré de nombreux ingénieurs, qui m’ont confirmé que c’était possible techniquement. J’ai réalisé un business plan et à partir de là, tout est allé très vite. En décembre 2013, j’ai lancé mon entreprise. Mi-janvier, j’ai pris contact avec les investisseurs et quelques semaines plus tard, je clôturais un premier tour de table d’un million d’euros.
Comment conciliez-vous vie professionnelle et vie personnelle ?
Il n’y a pas véritablement de place pour ma vie personnelle… Je suis en train d’essayer de gravir une montagne. J’essaye de monter une boite de télécoms mondiale ! Je dors quatre heures par nuit, je ne vais plus boire un verre avec mes amis, depuis plusieurs mois. En ce moment, je n’ai pas une minute de break. Je démarre la journée en retard et je la termine à 4 heures du matin… en retard ! Et j’ai arrêté les compétitions de roller, même si j’aimerais bien réaliser encore un ou deux records avant d’être trop vieux pour le faire.
Quels conseils donneriez-vous aux porteurs de projet ?
Au-delà des conseils évidents, qui sont le travail et la persévérance, je leur dirais d’observer le monde qui les entoure, car il est en pleine mutation avec l’arrivée du numérique. De nombreux modèles établis vont être chamboulés et tous les nouveaux entrepreneurs peuvent facilement les faire évoluer. WhatsApp a par exemple démocratisé le sms via internet, Skype a rendu facile d’accès les appels grâce au web, Uber a révolutionné la façon de prendre le taxi… Le conseil clé, c’est de s’attacher à répondre à un besoin pour l’utilisateur. Une fois que cette ligne directrice est établie, cela devient facile de lever des fonds ou de motiver des troupes. Je l’expérimente moi-même avec OnOff ! à partir du moment où vous répondez à un véritable besoin, tout se débloque facilement. Et c’est d’ailleurs plus facile de convaincre les médias d’en parler.