Depuis son lancement en 2010, la cigarette électronique a connu un essor considérable tant aux États-Unis qu’en Europe. Le marché français n’a pas dérogé à cette tendance, avec un succès aussi rapide qu’inattendu et l’ouverture de nombreux points de vente. Les chiffres observés ont cependant été à la baisse pour l’année 2015, indiquant une possible saturation du marché. Tour d’horizon de la situation actuelle et des perspectives d’avenir.
Les chiffres du secteur.
D’abord marginale, l’utilisation de la cigarette électronique s’est développée de manière spectaculaire en quelques années. On compte aujourd’hui en France 2,5 millions de « vapoteurs », pour 14 millions de fumeurs. Les dernières études font état d’environ 1,5 million de consommateurs réguliers. On estime le chiffre d’affaires total du secteur à 355 millions d’euros, en baisse de 10 % par rapport à 2014. Le territoire français est maillé par un réseau extrêmement dense de 2 000 boutiques spécialisées. Les commerces indépendants dominent, mais plusieurs franchises dynamiques sont désormais bien implantées comme J Well (159 établissements en mai 2015), Clopinette (80 points de ventes) et Yes Store (56 magasins). Les boutiques représentent encore 6 ventes sur 10 en France, mais l’on observe une montée des achats en ligne. Selon un sondage réalisé par TNS-Sofres (février 2015), les vapoteurs dépensent en moyenne 35 euros par mois, soit trois fois moins que les fumeurs. Les tendances du marché ont nettement évolué au cours des années. En 2012, 70 % des ventes correspondaient aux équipements et 30 % aux recharges ; la situation inverse se présente aujourd’hui, avec 70 % des achats concernant les e-liquides et 30 % les dispositifs. Un chiffre permet enfin d’estimer les potentialités du marché de la cigarette électronique : à ce jour, on estime qu’un fumeur sur deux ne l’a encore jamais essayée.
Un démarrage en trombe …
Le secteur de l’e-cigarette est l’un de ceux à avoir connu le plus fort développement en France ces cinq dernières années. Cette croissance spectaculaire a pris de court les grands groupes de l’industrie du tabac de même que les buralistes. En 2010, l’e-cigarette se cantonnait à une niche d’à peine 11 points de vente dans l’Hexagone, pour un chiffre d’affaires avoisinant les 4 millions d’euros. L’année suivante, les profits réalisés dans le domaine s’élevaient à 40 millions d’euros ! Cet essor quasi exponentiel a continué jusqu’à la fin de l’année 2014, le marché pesant alors 395 millions d’euros, en hausse de 44 % par rapport à l’année précédente, pour 2 406 points de ventes identifiés sur le territoire. Entre 2012 et 2014, près de deux magasins ont ouvert chaque jour en France. Dans les grandes agglomérations, les boutiques ont connu une véritable prolifération, avec une soixantaine de magasins spécialisés pour la seule ville de Marseille. La cigarette électronique est devenue un phénomène de société, au point d’intégrer la culture populaire, notamment à travers des films et des séries en vogue comme True Detective. L’économie de l’e-cigarette représente actuellement 2,2 % du marché des produits dérivés du tabac.
…puis un ralentissement.
Après une telle explosion, la saturation du marché était inévitable. Il semble avoir été atteint au cours de l’année dernière, avec une baisse des ventes et les premières fermetures d’établissements. Pour l’année 2015, le chiffre d’affaires global a chuté de 10 % et 400 points de vente ont disparu, soit une diminution de 17 % des boutiques existantes. L’effet de curiosité s’est estompé et le secteur, à la suite de ce net ralentissement, doit à présent se restructurer. Le marché américain est touché quant à lui par la même tendance depuis septembre 2013. Une étude réalisée par l’institut indépendant Xerfi diagnostique le début d’une phase de maturité pour le secteur, freiné désormais à la fois par l’évolution législative et par la difficulté de renouveler la clientèle. L’année 2015 a été marquée par des campagnes contradictoires sur la nocivité supposée de l’e-cigarette, qui a certainement refroidi des utilisateurs potentiels. Bien qu’essoufflé, le marché de la cigarette électronique dispose néanmoins d’atouts réels pour assurer son redémarrage.
Atouts et limites du secteur.
Selon l’étude menée par le groupe Xerfi, la stabilisation du secteur est une étape nécessaire avant une reprise probable. Le scénario avancé conjugue une offre innovante et une réglementation plus stricte à une hausse du prix du tabac. Conséquences : une croissance annuelle estimée à 8 %, pour un chiffre d’affaires de 450 millions d’euros en 2018. Ce développement pourrait se faire autour d’enseignes franchisées, avec une nette diminution du nombre de commerces indépendants, pour un total de 800 points de vente. Plus que la saturation du marché, les limites du secteur semblent se situer sur le plan législatif. Les puissants lobbies du tabac et de l’industrie pharmaceutique voient en effet d’un mauvais œil le développement de la cigarette électronique, qui a entraîné ces dernières années une chute des ventes de cigarettes et de patchs à la nicotine. Les campagnes de communication agressives réalisées pourraient bientôt influencer la législation en vigueur. La loi Santé, qui prendra effet en mai 2016, va déjà interdire le « vapotage » au travail, dans les écoles et dans les transports publics. Bruxelles pourrait suivre, en limitant la taille des réservoirs utilisés. Cette mesure rendrait obsolètes les dispositifs les plus récents, pour favoriser les « cigalikes » commercialisées par le géant Imperial Tobacco. Les initiatives des pouvoirs publics joueront donc un rôle fondamental dans l’évolution du marché, dans un sens comme dans l’autre. Au Royaume-Uni, l’agence de santé Public Health England vient de reconnaître l’e-cigarette comme substitut nicotinique viable pour le sevrage tabagique, et pourrait donc prochainement la rembourser…