Le Business Plan (BP) est un outil parfois remis en cause ! Même de fins connaisseurs de l’entrepreneuriat, comme Steve Blank et Alexander Osterwalder, lui ont réglé son compte. Il ne serait pas l’outil adapté aux start-up. Alors, quoi ? Le Business Model (BM), bien sûr ! Si la distinction paraît évidente à certains, l’expérience du terrain prouve le contraire…
Business Model : une expression à la mode
Instinctivement certains entrepreneurs ont compris qu’il valait mieux parler de BM que de BP … La notion a le vent en poupe, autant en profiter ! Encore faut-il savoir pourquoi ? Et surtout quoi mettre derrière cette expression ?
Lors de mes nombreux échanges avec les entrepreneurs, je me suis aperçu que 9 fois sur 10, à la question « Pouvez-vous me parler de votre BM ? », la réponse portait sur la tarification, la structure de prix, voire les différentes manières de générer du chiffre d’affaires. En un mot, les sources de revenus !
Le Business Model pas si limitatif
S’il est vrai que celles-ci sont parties prenantes du BM, elles n’en sont qu’une partie. Ne serait-ce que pour la partie financière du BM, il faudrait au moins y ajouter la structure des coûts. Et pour être tout à fait complet, l’intérêt du BM est de donner une vision globale de la manière dont générer de la valeur pour les clients et de s’en assurer une partie. Il aborde donc des 3 aspects : stratégie, marketing et financiers.
Si c’est bien l’offre et sa proposition de valeur qui sont au cœur du BM, la gestion de l’interface client, des ressources et activités en interne et des relations avec l’écosystème existant (ou à créer) doivent aussi être prises en compte.
On est donc loin des interrogations – néanmoins importantes – sur la rémunération par clic, par action ou par vente que se posent les start-up du web… Et c’est un peu dans le même esprit que l’on engage la discussion entre BM et BP. L’ultra-focus sur la partie financière du BP n’est pas recevable dans le cas des start-up.
Pour certains, le BP ne serait qu’une sorte de BM avec plus de chiffres ! Il est vrai que le BM peut et doit figurer au sein d’un BP mais l’erreur fondamentale est qu’ils n’ont pas le même usage.
Le BM plus adapté aux start-up ?
Le BP est le plan d’exécution de l’entreprise et d’une certaine manière donc du BM. Il s’attache à définir aussi précisément que possible les coûts et les revenus de l’entreprise ainsi que les aspects afférents au financement et à la trésorerie. Choses bien utiles en vérité… mais surtout pour des entreprises bien engagées qui ont déjà acquis une connaissance avérée de leur environnement.
Mais pas pour les start-up et surtout pas dans les premières phases ! Les start-up sont des organisations qui évoluent dans une grande incertitude : incertitude quant au marché et son potentiel, aux segments et besoins clients ainsi que des caractéristiques de l’offre (produits ou services). Dans ce cas-là, nul besoin d’un plan d’exécution – le BP – mais plutôt d’un « modèle de recherche de modèle ».
Il s’agit donc pour l’entreprise de construire un modèle global de création, livraison et capture de valeur et de le tester au plus vite, sur le terrain, en sortant des bureaux et abandonnant les formules magiques des tableurs.
Si le BP ne résiste pas aux premiers rendez-vous clients, le BM lui s’en nourrit pour évoluer. Et c’est bien la fonction itérative du BM qui en fait un outil adéquat des start-up plutôt que l’aspect linéaire, séquentiel du BP.
Exemple des différences
Voici un exemple ayant trait au segment de marché – pierre angulaire de la réussite des projets entrepreneuriaux – avec 2 approches différentes. :
- Dans le premier cas, un entrepreneur qui s’applique à développer pendant des années une solution innovante basée sur une technologie révolutionnaire dans le domaine de la navigation sur internet. Son BP montre un compte de résultat prévisionnel sur 5 ans à l’euro près. Suite aux premiers rendez-vous clients, ses plans s’en trouvent profondément modifiés : ce qu’il avait identifié comme cible prioritaire – les TPE/PME – ne sont pas en phase avec son offre. Du coup, des mois de développement inutiles et des mois de développement à venir pour repositionner l’offre sur les grands comptes. Quand on connaît l’importance de la trésorerie dans les start-up…
- De l’autre une approche plus pragmatique et moins dogmatique : une start-up spécialisée dans la gestion de l’information géographique en mode SaaS. Elle a identifié au préalable un segment – les organismes publics –, soit environ 20 000 contacts rien qu’en France. Sans attendre la fin des développements, la société décide d’aller à la rencontre de son marché et d’échanger avec les clients (alors) potentiels. Grâce aux premiers retours – et succès – l’entreprise décide de se focaliser sur les régions, départements, établissements publics et agences d’urbanisme.
Au total, un cœur de cible bien défini ramené à environ 3200 organismes sur lequel tous les efforts vont être mis (marketing mais aussi développements techniques) avec des chances de retour sur investissement bien plus importantes qu’initialement.
En conclusion
Dans le premier cas, une approche qui s’applique à convertir financièrement une idée en devenir, une solution à formaliser. Comme si tout était joué d’avance et qu’il ne restait plus qu’à… Dans l’autre, un questionnement et une remise en cause qui font évoluer le modèle de l’entreprise à un moment où elle se cherche encore.
Autant dire que mettre en œuvre une démarche active autour du BM nécessite une préparation minutieuse de la part des dirigeants. Ils ne peuvent échapper au dilemme de vivre en ayant tort plutôt que mourir en croyant avoir raison.