Bien souvent, la phase de démarrage d’une start-up est un moment d’euphorie et d’enthousiasme à tout crin. C’est bien normal, nécessaire même, mais attention à ces efforts mal contrôlés, à cette ivresse fallacieuse. Le vrai challenge pour le jeune entrepreneur est de canaliser toutes les énergies de l’entreprise en un seul faisceau de manière à ce qu’un produit rencontre son marché…
Le mythe du produit universel
Au démarrage d’une start-up, le créateur ; au départ une idée, un concept ou une technologie. Et ce sentiment pour le chef d’entreprise à venir que cette idée va emporter l’adhésion des foules… Mais une idée n’a jamais généré de chiffre d’affaires ! Un des premiers jalons de la start-up est ce passage de l’idée au produit. Autant l’idée peut être intéressante, innovante, voire révolutionnaire – même si les contours en sont incertains – autant le produit doit être défini, décrit et surtout clairement pensé pour un marché précis. Pris dans l’enthousiasme de son « idée/concept », le jeune entrepreneur vise à l’universalité.
Cette approche peut se comprendre pour des produits grand public peu innovants ou d’innovation continue, c’est-à-dire que leur nouveauté est facilement assimilable par le client. La tablette se situe clairement dans cette perspective : concept innovant s’il en est, il n’en demeure pas moins que pour les utilisateurs d’ordinateurs portables ou de smartphones, peu de freins à l’adoption de la tablette et peu de changements de comportement à venir. C’est en partie ce qui explique sa très rapide adoption.
Quid sur les produits de rupture
Mais qu’en est-il des produits vraiment innovants, porteurs d’innovation de rupture ? Par nature, ce type de produits engendre des modifications de comportement et requiert donc par avance pédagogie, évangélisation. Autrement dit, la start-up va devoir mobiliser des ressources marketing importantes pour aborder le marché. Quel marché ? Celui-ci devra être bien identifié et plus il sera étroit, plus les chances de succès seront fortes. C’est un paradoxe parfois bien difficile à appréhender car potentiellement contre-nature. Et pourtant…
A l’universalité de l’idée il faut répondre segment de marché, au mythe du produit « qui fait tout » proposition de valeur. S’il y a bien une caractéristique commune à bien des start-ups en France, c’est la sous-capitalisation et une trésorerie limitée. Inutile donc de vouloir s’attaquer au gros du marché dès le début : les efforts commerciaux, marketing et de développement sont hors de portée.
Concentrer les efforts de développement
Si la cible est généraliste, alors le produit devra plaire au plus grand nombre et posséder une multitude de fonctionnalités… et donc de nombreux développements en amont. A l’inverse, si l’on identifie précisément un segment de marché ou une typologie de clients, on peut alors s’assurer – à moindre frais – de répondre précisément à ses attentes. Il faut trouver ce socle de besoins identiques, base de la segmentation… et ne pas se laisser aller à des développements spécifiques.
En début d’activité, la tentation pour les start-ups est en effet grande de se laisser entraîner par des clients à la recherche de solutions répondant très précisément à leurs attentes… ce qui entraînera des développements spécifiques. D’un autre côté, la start-up est bien trop heureuse d’avoir trouvé un client qui adopte son concept et qui la finance. Attention, pourtant ! Durant cette phase où les moyens sont limités, le risque est de s’éloigner de ce qui constituait le cœur de métier ou du produit et de le négliger. Si l’on prend en compte le phénomène de « fenêtre d’opportunité », le risque paraît plus grand encore. Sans parler de la « to do list » des développeurs et ingénieurs qui s’allonge considérablement !
La solution pour bien s’intégrer
Alors, que faut-il faire : refuser des clients ? Pas forcément si la proximité avec le produit originel est réelle et surtout si les développements peuvent être réintégrés et venir améliorer le produit ou en constituer une offre élargie. Ce sont des points qu’il faudra aborder avec le client, notamment contractuellement.
On peut également aborder cette question d’un point de vue organisationnel. L’idée consiste à scinder l’équipe technique en deux avec :
- des développeurs dédiés au cœur de métier ou de produit, à la R&D d’un côté
- des développeurs dédiés à la production, proche du client et des projets de l’autre
L’idéal est bien évidemment de faire financer les seconds alors qu’ils contribuent également aux succès des premiers ! Le risque associé à la non mise en place de ce système est de développer des solutions en parallèle.
Ce qui pourrait survenir
Dans une start-up high-tech du logiciel, les développements clients avaient été jusqu’à modifier le cœur de leur solution ; la société se retrouvait donc avec 2 solutions logicielles. In fine, elle a dû réécrire son logiciel pour en faire une solution « propre » et prête à être réutilisée rapidement à l’avenir. Il est vrai que cette approche dichotomique (R&D vs. production) ne peut pas toujours être mise en œuvre, surtout si les ressources humaines sont trop limitées. J’ai en tête cette start-up qui développait 2 projets innovants… avec un seul développeur ! Conclusion : gros crash lors d’une présentation de la version bêta de la solution. L’un des deux projets a été abandonné dans la foulée… pour recentrer sur l’essentiel.
Encore une fois, une start-up ne peut s’engager dans plusieurs directions à la fois – surtout au démarrage de son activité. Elle doit concentrer tous ses efforts, toutes ses ressources afin que la proposition de valeur associée à son produit soit la plus claire et la plus forte possible. Et ces efforts concernent aussi bien les équipes techniques et le dirigeant que les équipes commerciales et marketing. Mais cela, ce sera dans le cadre d’un prochain article….