Interview de Sévan Barsikian, cofondateur de My Major Company.
Comment avez-vous rencontré vos deux associés ?
Après avoir fait 5 ans d’études de droit, j’avais surtout envie de ne pas exercer la profession d’avocat qui m’angoissait beaucoup ! Alors, plutôt que d’aller passer le barreau, je suis entré en stage dans une maison de disque, chez BMG. Là-bas, on m’a demandé de recruter deux autres stagiaires pour travailler avec moi. Et c’est comme ça que je suis tombé sur Anthony et Michael et que nous sommes devenus amis. Nous avions tous les trois des envies d’indépendance. Et, ce bureau à trois amis, nous voulions le dupliquer, parce qu’on aimait être ensemble, travailler comme ça.
Comment avez-vous eu l’idée de monter My Major Company ?
Nous avons commencé par créer ensemble Bamago, un label de musique que Michael a géré seul dans un premier temps. Anthony et moi sommes restés à des postes de direction chez BMG. Bamago a signé un petit groupe qui n’a rien donné. Deux ans plus tard, le bassiste de ce groupe est revenu nous voir en nous parlant d’un site allemand qui permettait aux internautes de produire les artistes. Il pensait qu’il y avait peut-être quelque chose à faire avec cette idée là en France. Le lendemain, en repensant à la discussion que nous avions eue, nous nous sommes dit « pourquoi pas ? ». Je ne sais finalement pas trop pourquoi on s’est accroché à cette idée. Ça aurait très bien pu ne jamais se faire. Nous avons commencé à faire un business plan. Mais, à l’époque, nous n’avions aucune notion économique ou financière, alors on a fait ce qu’on pouvait !
Vous étiez les premiers en France sur le modèle du financement participatif. Comment avez-vous réussi à faire connaître ce nouveau système ?
Au départ les gens nous ont pris pour des ovnis ! Mais nous avons pu bénéficier du parrainage de pas mal d’artistes comme Jean-Jacques Goldman, Passy ou Julie Zenaty, ce qui aide bien. Et nous avons eu la grande chance de tomber tout de suite sur Grégoire, qui a vendu plus de 1,5 millions de disque dès son premier album. C’est ce succès qui nous a apporté une énorme visibilité tout de suite. Et ça ne s’est pas arrêté là, il y a eu ensuite Joyce Jonathan, Irma et, plus récemment, l’album Génération Goldman qui ont cartonné.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées au démarrage de My Major Company ?
Au départ, les médias ont eu un peu de mal à nous faire confiance. Comme nous étions un petit label indépendant, les radios par exemple se demandaient s’ils ne prenaient pas un risque en passant en boucle nos titres. Ils ne savaient pas si nous pouvions assurer derrière, produire et diffuser le disque. Et puis, nous avons connu pas mal de galères lors de la conception du site. Nous sommes tombés sur un prestataire qui nous a fait perdre beaucoup de temps, et beaucoup d’argent, avant de lancer le site.
Comment avez-vous été perçus par les acteurs classiques de la production musicale ?
Je ne crois pas qu’on ait été vu d’un bon œil par les leaders de l’industrie du disque ! Et c’est d’ailleurs toujours le cas maintenant. Comme nous cherchions un distributeur, nous sommes allés voir quatre grosses majors. Deux d’entre elles se fichaient royalement de nous, une nous a accueillis très froidement. Et la dernière, Warner, a accepté de devenir notre distributeur.
Vous avez accueilli la holding de Stéphane Courbit dans votre board. Comment cela s’est fait ?
C’est Stéphane qui est venu vers nous. à l’époque nous cherchions à lever des fonds. Une banque d’affaires nous aidait dans cette opération et nous avions pas mal de rendez-vous, mais qui n’aboutissaient jamais. Stéphane ne savait pas que nous étions en pleine levée. Mais, dès qu’il a monté sa holding, la Financière Lov, il nous a appelés en nous disant qu’il adorait l’idée et qu’il voulait collaborer avec nous. Il se trouve aussi que nous avons avec lui une histoire familiale commune. Stéphane possèdera bientôt 50 % du capital de l’entreprise. Un autre business angel très médiatique va bientôt rentrer au board pour remplacer un ancien investisseur qui se retire. Mais je ne peux pas en dire plus…
Vous avez lancé de nouveaux pôles en plus de la musique. Pourquoi ?
Nous avions envie de faire un peu autre chose, même si notre ADN reste la musique. Nous avons également observé l’exemple de la startup américaine Kickstarter qui cartonne aux états-Unis. L’essor de cette plateforme de financement participatif plus généraliste nous a poussés à nous ouvrir, pour éviter que, si nos rivaux américains décident d’arriver en France, ils raflent tous les projets intéressants ! Donc aujourd’hui nous nous sommes lancés dans les livres, la BD, le théâtre, le design… et plus récemment dans les monuments nationaux. Ces nouveaux types de projets fonctionnent très bien.
Quelle est votre ambition pour l’avenir de l’entreprise ?
C’est l’international. Nous avions ouvert en Angleterre et nous nous sommes complètement plantés ! Nous avons fait la bêtise de vouloir prendre un management très expérimenté, l’ancien patron de Warner Europe, sans nous rendre compte qu’à ce stade de management on est complètement déconnecté du terrain. Nous avons donc eu du mal à dénicher de bons artistes, car les talents, on ne peut les trouver qu’en allant sur le terrain justement. L’Angleterre, on y retournera, mais sur un autre mode. Là nous venons d’ouvrir en Espagne en joint venture. Et nous nous lançons bientôt, sous forme de franchises, au Moyen-Orient.
Et après My Major Company, quels sont vos rêves ?
Avec mes deux associés, on a tendance à ne jamais se séparer. Et, en général, c’est le premier qui arrive quelque part qui embarque les deux autres. On fonctionne comme ça depuis 15 ans ! Michael se verrait bien devenir président d’un club de foot. Anthony est très impliqué dans le cinéma, et sort dans deux mois son premier long métrage avec Alain Chabat et Max Boublil. Moi c’est plutôt la radio qui me passionne. Donc, une fois que l’aventure MMC sera terminée, ce sera foot, cinéma, ou radio !