La double contrainte, qu’est-ce que c’est ? Ce concept reste encore relativement méconnu. Il est un type particulier de conflit engendré par une situation paradoxale, qui entraîne celui ou celle qui la vit dans un dilemme insoluble ou tous les choix possibles sont perdants ! Découverte par Gregory Bateson, célèbre anthropologue, psychologue et épistémologue américain, à l’origine notamment de l’école de Palo Alto en Californie, elle est étudiée et a notamment été utilisée par Milton Erickson, sous sa forme positive et thérapeutique.
L’utilité d’en savoir plus
Ce qui compte, c’est la détecter, l’appréhender et la résoudre. Si on parvient à la transmuter, elle peut s’avérer être une source de développement personnel et de créativité. Mais elle peut devenir, si l’on n’y prend garde, source de conflit intérieur important avec des répercussions non négligeables sur le psychisme.
Les différentes composantes de la double contrainte :
Quatre conditions doivent être réunies pour être dans le cas d’une double contrainte :
- La relation en jeu est asymétrique en raison d’un lien de pouvoir entre les protagonistes (parents/enfants, patron/employé, etc.). Un double message négatif est émis par la personne qui est en position de pouvoir. Il peut se formuler ainsi : « si tu ne fais pas ça alors tu n’auras pas ça ; mais si tu fais ça alors tu ne seras pas ça »
- La personne qui en est « victime » ne peut s’exprimer. Soit parce qu’elle n’en a pas le droit soit parce que la confusion induite est trop forte pour pouvoir la verbaliser.
- La personne qui a le pouvoir ajoute souvent à son double message une « injonction implicite négative » qui porte atteinte à l’identité même de la victime et qui va la conduire à penser, au final, que c’est elle qui est dans l’erreur, que c’est elle est la cause de ce conflit ! C’est une forme de chantage émotionnel du type « Si tu m’aimais vraiment, alors tu ferais ça pour moi »
- La situation devient récurrente et habituelle.
Un exemple célèbre de double contrainte pour mieux comprendre
Une mère offre à son fils pour son anniversaire deux cravates : une rouge et une bleue. La semaine suivante, le fils arrive en portant la cravate bleue afin de faire plaisir à sa mère. En le voyant, elle déclare alors avec des reproches dans la voix et le regard « Ah…Tu n’aimes pas la cravate rouge alors ?? » On est bien ici dans une situation de conflit avec un choix impossible pour le fils impliquant une dimension affective forte. La situation est inextricable (chaque choix étant perdant quel que soit la couleur choisie) à moins bien sûr de porter deux cravates en même temps…
La double contrainte transposée dans l’environnement professionnel
Et dans l’entreprise alors me direz-vous ? Quelle forme peut-elle prendre ? Elles peuvent surgir bien évidemment dans les relations interpersonnelles et plus particulièrement au sein de liens hiérarchiques mais aussi dans le respect de procédures, de processus ou encore dans l’exercice de missions et tâches.
La double contrainte peut dès lors s’appliquer lorsqu’il y a décalage entre soi, ce qu’on pense et ce que l’entreprise exige (voir à ce sujet l’article sur la perception de justice organisationnelle). Dans ce cas, la personne est littéralement prise en tenailles entre deux positions contradictoires.
Comment la détecter ?
Comme nous venons de le voir, ces schémas sont très insidieux et difficiles à percevoir pour ceux qui en sont victimes car ils conduisent généralement à un comportement auto-accusatoire.
1/ Par le comportement :
Peur de prendre une décision car on ne peut apporter une réponse positive au problème mais aussi dans le même temps peur de ne pas en prendre. Des réponses évasives à la question sur l’identité, comme si la réponse appartenait à une tierce personne, avec le besoin d’une autorisation pour le faire. Reconnaissance de son impuissance, acceptation sans pouvoir réagir. Parce qu’elle ne peut verbaliser, la personne prise dans ce schéma ressent évidemment colère et rancœur (non exprimées) vis-à-vis de son auteur.
2/ Par le langage et les tournures de phrases employées :
La forme interrogative la plus courante impliquant une double contrainte utilise une négation du type
- « Ne fais-tu pas ? »
- « Ne veux-tu pas ? »
- « Ne sais-tu pas ? »
- « Ne peux-tu pas ? ».
Une autre forme de formulation s’appuie sur le pourquoi :
- « Pourquoi veux-tu ? »
- « Pourquoi dois-tu ? »
- « Pourquoi restes-tu ? »
3/ Par la responsabilisation :
Victime cherche bourreau ! (Voir triangle de Karpman). Il est très important de réaliser que celui qui la subit a choisi ses propres réactions et doit accepter sa part de responsabilité dans ce jeu de rôle. Cette prise de conscience et acceptation de sa co-production de la double contrainte est un préalable fondamental à sa résolution.
Les solutions pour la résoudre
Maintenant que l’on a appris à la détecter, comment faire pour la résoudre ?
C’est ici que les outils PNL s’avèrent très utiles. Ces situations étant très complexes, s’en libérer va supposer d’apprendre à gérer chacune des conditions nécessaires à son apparition et ce avec des moyens et protocoles adéquats. Cela implique d’aider la personne à développer sa capacité à gérer les six dimensions suivantes :
1. Réduire l’intensité ou modifier la nature de la relation qui la provoque
Il s’agira de se dissocier de ses réactions émotionnelles dans un premier temps puis d’acquérir une indépendance émotionnelle en diminuant le pouvoir détenu par l’autre en devenant moins dépendant de cette personne.
2. Apprendre à distinguer les messages contradictoires
A partir des tournures de phrases listées précédemment, apprendre à distinguer les messages en devenant plus conscient des incongruences et qu’il existe, dans toute communication, différents niveaux.
3. Faire des « méta-commentaires »
Méta-communiquer à propos de la de la double contrainte que l’on expérimente consiste en une reconnaissance honnête et sincère de l’expérience que l’on vit qui serait du type :
« Je suis dans une double contrainte à propos de X » ou « Si je ne fais pas ça, je me sens « mal » parce que » ou bien encore « Si je fais ça, je me sens « mal » parce que »
4. Filtrer ou neutraliser les messages négatifs relatifs à l’identité
C’est la fameuse injonction négative de la double contrainte. En PNL, on apprend à séparer l’identité (ce que je suis) du comportement (ce que je fais). Particulièrement dans la double contrainte ou les protagonistes sont étiquetés « bourreau » et « victime ». De même, on s’appuiera sur un autre postulat qui est que « derrière chaque comportement, il y a une intention positive pour la personne». La question deviendra alors : Quelle pourrait être l’intention positive (pour lui/elle) qui se cache derrière le comportement du « bourreau » ?
5. Trouver un moyen de « sortir du cadre »
Une façon d’y parvenir est d’utiliser la technique de dissociation qui implique de se mettre dans une « position d’observateur » de la relation. C’est ce que l’on nomme en PNL se mettre en position Méta. C’est la capacité à se situer à l’extérieur comme si on regardait ses propres actions mais également son interaction avec les autres comme un film qui se projète sur un écran. Cela donne une chance à la personne d’avoir une perspective différente. Il sera intéressant aussi d’utiliser ce que l’on les nomme positions de perception.
6. Faire en sorte que cette situation ne devienne pas récurrente
Une façon d’y arriver est de développer des stratégies pour isoler les situations de double contrainte. C’est-à-dire, distinguer ces situations comme des événements ponctuels liés à un comportement plutôt que de les percevoir comme une généralisation liée à « l’identité » de la personne.
Dans une démarche de coaching
Le traitement d’une double contrainte a toute sa place dans une démarche de coaching. Notamment dans la régulation des relations interpersonnelles problématiques et la prévention des risques psychosociaux. L’accompagnement facilitera alors la mobilisation des ressources adéquates pour y faire face, les dépasser et les transformer. La neutralité bienveillante du coach permettra également la réduction de la charge affective et le stress et l’anxiété associés.