Dynamique entrepreneuriale a interviewé pour vous Jacques Franchet, un ancien directeur des achats d’un grand groupe automobile français en Chine. Il fait le point sur les difficultés de l’implantation et les méthodes pour les dépasser. Jacques Franchet rejoint la Direction des achats du groupe PSA Peugeot Citroën dès les années 80 pour le marché des pièces automobiles. Après la direction des achats, il s’expatrie en Chine où il intégre une joint-venture de 1995 à 2000.
Pourquoi s’implanter en Chine ?
On peut décider de s’installer en Chine dans deux optiques différentes :
- s’implanter pour réexporter.
- s’implanter pour conquérir le marché chinois lui-même.
Ce sont deux métiers distincts car dans le cas de la réexportation, il n’y a pas de frais de douanes : les produits ressortent du territoire. Ainsi, il suffit de mettre en place sa structure et on garde la maîtrise complète : maîtrise de son processus, de son produit, de ses achats.
Dans l’autre cas, celui de la conquête du marché, il est nécessaire d’intégrer son processus c’est-à-dire de trouver les matières et les produits sur place. Il faut donc intégrer ses pièces localement pour éviter de payer ses taxes de douanes ainsi que les frais de transport. En effet, ne pas les intégrer entraîne un énorme surcoût : 2 fois et demie le prix de départ.
Quels sont les éléments déterminants dans la réussite ?
Il faut disposer soit d’un expatrié qui connaît parfaitement la Chine, soit d’une personne directement sur place. Cet « associé » aura pour mission d’apporter à l’entreprise une parfaite compréhension de l’organisation du système local. Il doit être aguerri au fonctionnement du pays pour détecter tous les pièges que peuvent tendre les chinois ou leur administration mais cela demeure également valable pour les autres pays.
En Chine plus particulièrement, l’organisation de chaque province est différente et les modalités d’obtention d’un terrain ou d’énergies peuvent beaucoup varier car il n’y a pas d’uniformisation des législations comme en France.
Il faut savoir choisir judicieusement sa région et son emplacement car, même si tout dépend du produit et de ce que l’on souhaite réaliser, il faut pouvoir disposer d’un minimum de moyens logistiques et organisationnels au niveau territorial. Ainsi, il vaut mieux être dans des centres industriels, où l’on trouve de véritables ressources en terme de moyens et de personnels : la mobilité des chinois reste souvent limitée à la région pour des raisons d’organisation du système.
Enfin, rappelons ici que les chinois n’attendent pas les français pour entreprendre et pour créer des produits adaptés à leur marché. Il faut donc se donner toutes les chances d’être crédible vis-à-vis des chinois en leur montrant que des moyens conséquents ont été mis en place en amont. Les chinois ne feront pas de commerce avec vous s’ils ne voient pas les moyens que vous êtes prêt à investir.
Y a-t’il des méthodes ou des appuis pour bien s’implanter ?
Il existe beaucoup d’aides qui ont pour but la croissance du territoire, aides plus ou moins importantes suivant le développement des régions.
On peut également trouver de nombreuses informations dans les CCI françaises et dans les zones de développement économique pour sociétés étrangères, managées en partie par des résidents français pouvant conseiller les entrepreneurs (ce qui a un coût mais lève les obstacles).
En ce qui concerne la forme d’implantation, tout est possible : la Joint-venture ou l’installation à 100%. Les conditions d’implantation sont cependant moins libres quand on touche aux domaines de la stratégie militaire ou de l’automobile (qui fait encore partie des produits stratégiques). En revanche tous les fournisseurs peuvent être indépendants à 100%.
Y a-t-il des différences culturelles notables ?
La principale divergence ne se situe pas forcément sur le plan culturel. Le personnel local que nous avons embauché n’a jamais posé de problèmes, tant sur les méthodes et conditions de travail qu’au point de vue de l’apprentissage. Il suffit d’être civilisé et à l’écoute des individus, c’est un devoir naturel de respect.
Le réel problème réside au niveau de la structure hiérarchique, dans le sens où celle-ci est affiliée au système. Au niveau de l’administration tout prend énormément de temps et l’on n’a jamais affaire au décideur lui-même. Il existe une réelle opacité au niveau de la structure décisionnelle des sociétés avec lesquelles nous travaillons, et notamment dans son comportement vis-à-vis de la société étrangère. Ainsi, au sein de la direction générale de chaque entreprise on trouve un homme du parti que l’on ne connaît pas forcément d’ailleurs.
Pouvez-vous nous donner un exemple de piège culturel ?
En Chine, tout reste très long. Le partenaire ne dira jamais « non », il semblera toujours dire « oui » du bout des lèvres. Il faut bien comprendre qu’en réalité, en période de négociation, l’associé chinois se montre toujours avenant, souriant, aimable et qu’on a donc du mal à saisir ce qu’il pense vraiment. L’autre point sur lequel il est bon d’être vigilent, c’est qu’un contrat signé en Chine n’a pas forcément la même implication que dans notre culture. Bien souvent on ne sait pas sur quel pied danser !
Y a-t-il une anecdote remarquable dont vous pourriez nous faire part ?
Une société X, venue s’implanter en Chine, avait trouvé un partenaire chinois pour faire une joint venture 50-50. Pendant que l’entrepreneur gérait l’installation de l’usine et mettait en place les équipements pour produire des pièces, le partenaire chinois en profitait pour copier tous les procédés industriels venus de France tout en négociant avec l’administration locale pour trois fois le prix de ce qu’il aurait dû.
Parallèlement à cela, il construisait une usine à 50 km de l’usine de son associé français. Le partenaire chinois s’est rendu chez les clients potentiels de la société X qui s’est retrouvée prise au piège et qui a donc dû racheter les 50% de la joint-venture. Ils ont dû trouver de nouveaux clients et ont mis 10 ans pour s’en sortir !
Finalement, conseillez-vous aux entreprises de venir s’implanter en Chine à partir d’une certaine taille ?
Une PME peut décider d’aller s’installer en Chine mais, selon moi, il demeure préférable qu’elle ait une certaine taille structurelle (à partir de 200 personnes environ).
L’implantation en Chine reste à déconseiller aux plus petites structures, sauf si elles adoptent la stratégie du regroupement d’entreprises.