La rumeur vient s’installer dans la vie de l’entreprise sans crier gare. Elle est parfois fondée mais elle prend souvent l’apparence d’un jugement sans appel et il est souvent difficile d’en déceler l’origine. Elle porte les habits de toutes les idées préconçues de notre monde manichéen du bien et du mal et permet à certains de se mettre en valeur grâce à elles. Comment gérer les rumeurs au travail ?
Des rumeurs qui peuvent porter préjudices
Une rumeur qui circule dans l’entreprise peut engendrer de profonds malentendus et avoir des conséquences désastreuses sur l’implication des salariés. Le manager doit prendre conscience qu’une rumeur si petite soit-elle peut nuire à la réputation de l’entreprise. Elles peuvent rapidement prendre de l’ampleur dans les entreprises, particulièrement en cas de plan social, de fusion, des moments où l’entreprise passe un cap difficile. Le manager ne doit pas sous-estimer ce phénomène et le traiter. Mais comment prévenir la naissance d’une rumeur ? Au travail, les enjeux peuvent être grands quand les esprits des salariés s’affolent face à des informations mal fondées. Le manager doit alors découvrir un nouvel aspect de son métier bien loin de ses préoccupations de croissance.
Mais qu’est-ce qu’une rumeur ?
« Une rumeur est un bruit qui circule et que l’on répète, tenu pour information, sans que l’on en connaisse la source », selon le sociologue Jean-Noël Kapferer, auteur du livre Rumeurs, le plus vieux média du monde, édité en 1987 et qui reste un des fondamentaux sur le sujet. L’exactitude d’une rumeur n’est pas vérifiée, mais cela ne n’indique pas qu’elle est fausse. Or, cette information se répand dans l’entreprise de manière subtile et échappe à tout contrôle si on n’y prend pas garde. Internet joue évidemment un rôle d’accélérateur de la rumeur car le web amplifie les rumeurs, particulièrement celles liées au scénario catastrophe comme celles liées à la concurrence, à la mondialisation…
Développer sa capacité à les détecter
La détection d’une rumeur n’est pas toujours évidente pour le manager. Ce dernier, ayant déjà une tonne de choses à accomplir en une journée, il n’a pas vraiment le temps de s’intéresser aux rumeurs. Et pourtant, il le devrait pour en contrecarrer le développement et essayer d’en comprendre l’origine (quel malaise) ou bien la compétition entre salariés, les cabales…Arracher la racine du mal dès qu’elle pointe son nez se révèle indispensable. Il faut donc être attentif aux différentes rumeurs qui circulent au sein de l’entreprise car, souvent, le manager n’est pas au courant qu’il y en a une jusqu’à l’intervention d’un collaborateur au travers d’un sous-entendu, voire d’une accusation.
La rumeur est le revers de l’inquiétude
La propagation de rumeurs est révélatrice d’un malaise dans la vie de l’entreprise. Le déficit de communication de la part du management constitue ensuite l’élément déclencheur. « Les rumeurs naissent souvent lors de situations de crise, lorsque les gens sont inquiets. C’est le résultat d’un manque de confiance dans la communication interne. Les salariés pensent que la direction leur ment », explique Jean-Noël Kapferer. C’est donc le manager qui doit se préoccuper des rumeurs avant qu’elles ne dégénèrent. Pour y parvenir, il est indispensable « de bâtir sa stratégie de communication sur la franchise en toutes circonstances ».
Dans les cas des rumeurs fortes, il est conseillé au manager de s’abstenir de répliquer à chaud. Par exemple, il est complètement inutile de démentir en disant : « non, je ne démissionne pas. Je ne démissionnerai pas. » L’idéal est de laisser dire. Lorsque vous évitez de répondre à des rumeurs comme le favoritisme, le désamour, le départ ou encore la hiérarchie, vous vous rassurez. Mais les gens vont toujours croire ce qu’ils veulent et rien ne pourra les faire changer d’avis. Notez bien que le déni est pire que de ne rien faire.
L’entreprise étant un milieu clos, une autre option consiste enfin à identifier la source de la rumeur et à l’isoler. Le problème pourra ainsi être réglé directement avec le salarié impliqué, en entretien individuel. Evidemment, cette solution est à privilégier dans une PME.
Que conseiller pour éviter le développement de la rumeur ?
Selon Hamid El Otmani, directeur général de LMS-ORH, « La rumeur naît et se développe dans un environnement propice où les individus et les institutions vivent dans un climat de frustrations, malaise latent, velléités de changement, morosité ambiante…Ces contextes socio-politiques se retrouvent au sein de l’entreprise où les acteurs internes peuvent être relayés par l’environnement immédiat (fournisseurs, clients, prestataires…) pour créer et colporter la rumeur ». Il conseille ainsi : « Le manager doit adopter une attitude offensive en matière d’information reposant sur des crédos : pérennité, crédibilité, exhaustivité, transparence, écoute et réactivité. Il faut également identifier des valeurs relatives à la recherche de la vérité dans le référentiel de l’entreprise, sensibiliser aux effets de la rumeur par la pédagogie basée sur l’exemple et surtout ne pas ignorer la rumeur quand elle prend des proportions significatives ».
Pour y remédier, vous devez prévoir et anticiper afin de pouvoir répondre aux questionnements potentiels. L’information ou même la surinformation sont toujours les meilleurs appuis ; la rétention d’information peut conduire à créer des clans, des favoritismes qui sont nuisibles pour la cohésion de l’entreprise.
Mettre en place les trois passoires dans l’entreprise, une excellente idée !
Socrate avait, dans la Grèce antique, une haute réputation de sagesse.
Quelqu’un vint un jour trouver le grand philosophe et lui dire : « Sais-tu ce que je viens d’apprendre sur ton ami ? »
- Un instant, répondit Socrate, avant que tu ne me racontes tout cela, j’aimerais te faire passer un test très rapide.
Ce que tu as à me dire, l’as-tu fais passer par le test des trois passoires ?
- Les trois passoires ?
- Mais oui, reprit Socrate. Avant de raconter toutes sortes de choses sur les autres, il est bon de prendre le temps de filtrer ce que l’on aimerait dire. C’est ce que j’appelle le test des trois passoires.
La première passoire est celle de la vérité. As-tu vérifié si ce que tu veux me raconter est vrai ?
- Non, pas vraiment. Je n’ai pas vu la chose moi-même, je l’ai seulement entendu dire…
- Très bien ! Tu ne sais donc pas si c’est la vérité. Voyons maintenant.
Essayons de filtrer autrement, en utilisant une deuxième passoire, celle de la bonté.
Ce que tu veux m’apprendre sur mon ami, est-ce quelque chose de bien ?
- Ah non ! Au contraire ! J’ai entendu dire que ton ami avait très mal agi.
- Donc, continua Socrate, tu veux me raconter de mauvaises choses sur lui et tu n’es pas sûr si elles sont vraies. Ce n’est pas très prometteur !
Mais tu peux encore passer le test, car il reste une passoire, celle de l’utilité.
Est-il utile que tu m’apprennes ce que mon ami aurait fait ?
- Utile ? Non pas réellement, je ne crois pas que ce soit utile…
Alors, de conclure Socrate, si ce que tu as à me raconter n’est ni vrai, ni bien, ni utile, pourquoi vouloir me le dire ? Je ne veux rien savoir et, de ton côté, tu ferais mieux d’oublier tout cela !