Emeric Thibierge, un créateur … de papier !
Emeric Thibierge, est PDG et créateur de Thibierge & Comar, société dont le chiffre d’affaire est aujourd’hui de 6 millions d’euros.
Après être parti 18 mois à Tokyo et avoir géré deux magasins Nicolas, Emeric Thibierge entre chez Arjomari. Il décide quatre ans après de créer sa propre entreprise en lançant un nouveau type d’entreprise : il invente son métier celui des créateurs de papiers. Un créateur de papiers devenu l’égal d’un créateur de mode : n’est-ce pas révolutionnaire ! Anticiper les goûts, les tendances, être novateur pour séduire le consommateur. Présent sur cinq continents, il exporte ses créations dans des pays de culture et de traditions différentes. Ses principaux marchés sont l’Allemagne, le Benelux, l’Espagne, la Grande-Bretagne, le Japon et les Etats-Unis.
Quel est selon vous votre facteur clé de succès ?
Notre premier facteur de succès est d’avoir du talent et du savoir-faire et cela se voit car nos produits plaisent. Notre second facteur clé de succès c’est d’avoir inventé un métier assez particulier et assez pointu. En effet, les créateurs de papiers ne sont pas un métier commun. Nous nous étonnons d’ailleurs que depuis 1992 nous n’ayons pas vu de concurrents émerger ou des gens qui feraient notre métier ni en France et à l’étranger.
S’il s’agit certes d’un facteur clé de succès, il s’agit aussi d’un frein puisque notre position isolée ne nous permet pas de réaliser de coopération. Cependant, la cohérence que nous avons su préserver entre notre métier et nos origines représente un autre facteur clé de succès. Au cours de mon expérience professionnelle et notamment quand j’étais chez Arjomari, affirmer ses origines françaises n’était pas de mise. Or, pour un étranger, Paris et créateur de papier offre une image cohérente, car Paris, la France c’est l’image même de la mode, de la création. Nous sommes donc dans un concept qui possède la force de la cohérence. Enfin, c’est la faculté d’adaptation dont nous avons fait preuve qui nous a permis de nous développer rapidement à l’export et en particulier aux Etats-Unis. Nous avons dû ainsi américaniser notre communication mais sans jamais nous renier.
Cela nous a été très difficile dans la mesure où il fallait placer le juste niveau du curseur entre adaptation à la culture locale et garder ses racines.
Pourriez vous nous raconter l’histoire de votre réussite à l’international ?
Nous avons d’emblée envisagé notre activité à l’international car mon expérience était internationale et je me voyais mal me restreindre à la France. D’autre part, la nature de notre métier faisait que les produits avaient vocation à avoir des débouchés internationaux. Il est, en effet, très rare d’avoir des entreprises de papiers qui restent dans leur pays d’origine. Ainsi, on constate que la plus petite entreprise dans ce domaine fait au-dessus de 50% de son chiffre d’affaire à l’étranger.
Votre terrain de prospection ?
Au départ, mon terrain de prospection était la France la Belgique, la Hollande, la Suisse, l’Italie, l’Espagne et nous avons rencontré assez rapidement du succès en France puis en Belgique et en Hollande. A peu près en même temps nous avons démarré notre activité en Finlande et en Afrique du sud. Puis nous sommes allés au-delà de l’Europe.
Nous exportions avec un réel succès. Nous étions devenus la start-up dont tout le monde parlait.
En effet, si la start-up sur internet était classique, la start-up du papier ne courait pas les rues. Il s’agit d’un secteur assez traditionnel dans lequel les usines ferment alors créer une entreprise relevait du défi.
Par ailleurs, à l’époque, nous vendions, commercialisions du papier sans avoir de machines. Il ne s’agissait pas alors d’un concept commun et de ce fait les gens se demandaient comment on pouvait produire du papier sans machine. Nous avons vite été perçus comme un spécimen singulier et nous avons donc été très facilement médiatisés.
Nous avons alors très vite rencontré beaucoup de succès et notamment aux Etats-Unis et alors nous nous sommes retrouvés à exporter dans 15 pays. C’est alors que nous avons décidé de lancer une deuxième gamme de produits qui se sont vendus dans 15 ou 17 pays. C’est la sortie du troisième produit, qui était la plus audacieuse puisque nous avions déjà une base d’activité établie, et c’est elle qui a finalisé ce succès. Nous avons lancé le premier papier calque de couleur et nos ventes se sont alors exportées vers 45 pays différents pays, des pays aussi incroyables que Chypre, le Canada, le Chili.
Pourriez-vous donner des conseils à une entreprise qui voudrait s’exporter à l’étranger ?
S’exporter c’est se développer.
Tout d’abord je pense que les gens qui ne songent pas à s’exporter à l’étranger font une erreur. On parle souvent du fait qu’il n’y a pas d’idée mais s’exporter c’est déjà une idée, en l’occurrence une vraie idée de développement. Cependant, il faut être en premier lieu à l’aise dans son propre pays Pour aborder, les marchés étrangers, il faut tout de même être à l’aise sur son marché national c’est-à-dire que dans son propre pays son affaire marche bien. Il ne sert à rien d’aller à l’export si c’est pour fuir son marché d’origine.
Le point d’appui c’est le marché national.
Il est absolument nécessaire de réussir sur le marché national. Mais pas de précipitation Il faut faire les choses progressivement et commencer par les marchés les plus faciles donc les marchés francophones et latins. Ensuite viendront d’autres pays et enfin il faudra finir par des marchés difficiles tels que le marché japonais. Bien entendu, la difficulté des marchés dépend des secteurs.
Sans oublier l’importance des réseaux Avant de s’exporter, il est aussi nécessaire de disposer d’un certain réseau de relations nécessaire de s’entourer de gens compétents, mais aussi de gens qui ont une compétence internationale c’est-à-dire de collaborateurs qui maîtrisent l’anglais et qui connaissent déjà le secteur car trouver le bon distributeur quand on arrive dans un autre pays c’est primordial. En résumé, il faut donc s’attacher les compétences de personnes expérimentées.
Et aussi exporter le meilleur de soi-même rend la tâche plus aisée
Posséder ou développer une facilité d’adaptation. Pour bien exporter, il faut posséder ou développer une faculté d’adaptation. Ainsi, si on est psychorigide ce n’est pas la peine. Il ne faut pas arriver dans un pays en critiquant les autres. En France, nous ne sommes pas forcément très doués dans ce domaine là. J’illustrerai ce propos avec une phrase connue : « L’avenue des Champs-Élysées, c’est la plus belle du monde ». Nous en sommes totalement convaincus et nous avons souvent une très haute estime de nous-mêmes. Cependant, si nous abordons les marchés étrangers avec cet esprit là, ce n’est guère gagné.
Il ne faut en effet pas aborder les marchés étrangers avec un air supérieur. A défaut on risque de ne pouvoir intégrer ces marchés. Il faut donc clairement développer une capacité d’adaptation et acquérir une certaine humilité. Mais sans se renier Par exemple, quand nous avons décidé d’attaquer le marché Américain, nous avons fait très attention aux spécificités locales et nous sommes partis de l’idée qu’il nous fallait oublier tout ce que nous savions.
Nous avons donc fait plusieurs voyages et c’est cet état d’esprit qui nous a permis de ne pas sombrer dans l’écueil précité. C’est ainsi que nous avons dû nous adapter pour fusionner avec les spécificités locales, ce qui nous a notamment conduits à créer une filiale à New York pour tout ce qui était logistique et qui a aujourd’hui 36 ans. Je finirai notre rencontre sur un constat qu’il est primordial de faire : c’est que la nécessité d’adaptation est moindre dans certains pays que dans d’autres. Ainsi elle est moindre en Hollande que dans des pays comme les Etats-Unis ou le Japon. Cependant le potentiel de certains pays justifient un degré d’adaptation plus fort.