Le retour d’expérience, étape incontournable de culture de crise

A lire !

« Les savoirs sont dans le ventre les uns des autres, ils sont mêlés comme des chemins de vaches » (proverbe africain). Il y a quelques semaines, nous avions développé la théorie du travail de retour d’expérience, le fameux « Retex ». Toute la pertinence d’un Retex peut dépendre de sa bonne exploitation.. ou pas ! Démonstration en quelques exemples.

Buffalo Grill… Puis Quick ensuite

Le 18 décembre 2002, l’enseigne Buffalo Grill est mise en examen sur la plainte de familles de clients réguliers, victimes de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Le 27 décembre 2002, l’entreprise admet un écoulement de viande britannique.

L’analyse des évènements montre plusieurs éléments :

  • Des conséquences immédiates et désastreuses. Perte de crédibilité; image de marque détériorée; forte baisse de la fréquentation; chute de la cotation du titre en Bourse. 
  • Une faiblesse initiale en communication incontestable et un déni de la situation.
  • Une réaction offensive brutale après 10 jours de silence. La marque fait appel à une agence extérieure (Image Force) pour une campagne de plus d’1 M€, traitant deux axes : Buffalo traverse l’épreuve avec force et courage, Buffalo affiche en toute transparence, la qualité et la traçabilité de ses produits.

Deux ans après, l’enseigne a renoué avec la croissance et retrouvé ses clients. Elle envisage même d’ouvrir de nouveaux restaurants. Elle a su, dès son premier RETEX, repérer ses forces et capitaliser (revoir le premier paragraphe de la première partie : lien) sur elles (accueil des clients, force de la chaîne, professionnalisme,..), identifier les points négatifs (essentiellement l’absence de communication offensive) et mettre en œuvre les décisions d’amélioration avec volonté.

Cela n’a pas été perdu de vue par l’enseigne Quick qui, neuf ans plus tard, se retrouve plongée dans le même marasme. Le 22 janvier 2011, un adolescent dine d’un hamburger dans un restaurant Quick. Il décède dans la nuit après des maux de tête et des vomissements. Une véritable crise médiatique débute instantanément. Le restaurant incriminé est fermé.

Dès le 24 janvier, Quick lance une politique de communication volontariste : révision de son site Internet, page Facebook dédiée, messages et vidéos plutôt que communiqués de presse, recours à des experts. Le groupe a joué la carte de la transparence, faisant taire les rumeurs naissantes. Très vite, malgré la mise en examen du Directeur du restaurant, la marque Quick retrouve ses clients et son image.

Elle a su valoriser l’expérience acquise, sensibiliser (tel qu’expliqué dans la partie son : lien) le personnel sur l’amélioration des processus, mettre en œuvre les actions fortes tirées des RETEX extérieurs.

Accident du Concordia

Le navire de croisière Costa Concordia a heurté, dans la nuit du 13 au 14 janvier 2012, un rocher près de l’île de Giglio (Italie), provoquant la mort de 32 personnes.

Il ressort du RETEX (Cdt B. APPERRY, Expert Maritime ISO/ISM/ISPS) 4 points importants :

  • Cet accident est bien la conséquence d’une grossière erreur de navigation.
  • La communication en situation de crise a été inexistante du fait des nombreuses langues de l’équipage et des passagers. 
  • L’équipage international a été inopérant dans le processus d’évacuation.
  • La Compagnie n’avait pas vraiment agi envers les comportements « risqués » voire irresponsables (passages au plus près des côtes, compétitions entre capitaines) de son personnel. Elle n’a pas aidé non plus son équipage pendant la crise.

Les leçons ont été partiellement retenues par Costa Croisière. Quelques exemples :

– Dans la nuit du 6 au 7 février 2012, un incendie se déclare à bord du Costa Voyager alors en mer rouge, provoquant la panique des voyageurs (bien gérée par l’équipage italien) et de gros dégâts matériels sans pertes humaines.
La compagnie a peut-être compris que la langue est d’importance primordiale dans la panique. La majorité des personnes à bord pratiquaient l’italien. Des flyers en plusieurs langues avaient été distribués. Ce point négatif semblait avoir été identifié. Le navire reprendra rapidement sa route.

– Le 27 février 2012, un incendie se déclare à bord du Costa Allegra en Océan indien. Le bâtiment, touché aux hélices, dérive une journée avant d’être remorqué vers les Seychelles. Du fait de l’incapacité de l’équipage à faire face, les passagers vivront trois jours sans eau ni électricité, dans des conditions sanitaires déplorables. Il n’y aura toutefois pas de victimes.
Cinq semaines après l’accident du Concordia, la direction n’a pas valorisé l’expérience acquise en faisant connaître les conclusions des RETEX à tous ses équipages. Une seule peut-être : le navire, ancien, finira chez les ferrailleurs turcs en octobre 2012.

Analyser et exploiter les retours d’expérience internes ou externes à l’entreprise sont des actions indispensables pour s’assurer les meilleures chances de réponse et de réactivité face à une crise potentielle. Elles ne demandent que du temps et de la volonté. Mais le retour sur investissement est sans commune mesure. A vous de jouer !

Plus d'articles

Derniers articles