D’une certaine manière, la reprise d’entreprise concerne le marché de l’occasion, sauf que les affaires « en 2ème main » font le plus souvent référence à un argus qui détermine précisément la côte du bien à partir de critères précis et quantifiables. C’est le cas par exemple pour une voiture d’occasion dont la valeur est déterminée par le modèle, le millésime, le kilométrage, les options…
Rien de tel pour la reprise d’entreprise qui consiste pourtant à acquérir « en 2ème main » un bien détenu par un cédant. Bien sûr, il existe des méthodes d’évaluation financière (méthodes patrimoniales, de rendement et de flux futurs) qui permettent de rationnaliser la valeur d’une entreprise. Pour autant, ces méthodes permettent avant tout au repreneur d’objectiver et de justifier le prix proposé, parfois très différent du prix attendu par le cédant, la valorisation n’étant pas, loin s’en faut, une science exacte.
Les particularités de la reprise d’entreprise
• Chaque entreprise est unique alors que les formules de valorisation sont générales.
• La valorisation d’une entreprise se fait souvent dans l’absolu alors que l’achat du véhicule d’occasion se fait en relatif. Il suffit par exemple d’ouvrir les pages de certains sites pour détecter plusieurs dizaines de voitures qui correspondent au cahier des charges de l’acheteur. Là encore, le repreneur d’entreprise peut utiliser des méthodes dites de comparables, mais difficilement applicables pour la raison indiquée précédemment (sauf peut-être pour les fonds de commerce).
• L’existence d’un « argus » gomme l’écart entre les notions de valeur et de prix. En effet, pour la vente d’un véhicule, la valeur (côte argus) et le prix proposé par l’acheteur seront le plus souvent proches, même si une négociation est menée.
Pas de prix de référence, un prix libre
A l’inverse, dans les transmissions d’entreprises, l’absence de prix de référence accepté par les deux parties pour le rachat d’une PME, laisse libre cours à la loi de l’offre et de la demande. En effet, le prix proposé par un repreneur individuel ou par un acheteur stratégique (groupe en croissance externe, fonds d’investissement) pourra être fort différent.
De surcroît, dans les transmissions d’entreprises, les risques perçus, à tort ou à raison, par les deux parties, amplifient les écarts entre prix proposés et prix demandés. En effet :
• Le risque de vices cachés ou de « passifs latents » (perte d’un gros client, procès non déclarés, risque de départ d’un homme-clé,…) incitera le repreneur à proposer un prix bas.
• Le risque concernant le choix d’un repreneur (est-il sérieux dans sa démarche, quels sont vraiment ses fonds propres, quelle est sa capacité à fédérer des financiers ?) amènera le cédant à demander un prix élevé.
Un écart important entre le prix de l’offre et la demande ?
• L’importance des enjeux financiers : repreneur et cédant jouent sur l’opération une partie significative de leur patrimoine, présent ou à venir.
• L’attachement du cédant à sa société, surtout s’il est fondateur de l’entreprise.
• Le « precium doloris » : le cédant surévalue souvent sa société en intégrant irrationnellement dans ses prétentions le « prix de la douleur » (travail le week-end, soucis, nuits blanches…)
• Le cédant voit également dans le prix la reconnaissance de la qualité de son travail sur une longue période, même si ces efforts passés ne se traduisent pas dans les comptes actuels de l’entreprise.
La reprise d’entreprise s’apparente donc au rachat d’un bien « d’occasion », mais s’en éloigne par bien des aspects. Valeur (calculs) et prix (négociations) peuvent alors montrer des écarts importants. Pour s’en convaincre, le repreneur pourra s’inspirer de la phrase d’Oscar Wilde : « un cynique est quelqu’un qui connait la valeur de tout et le prix de rien »