Les générations Y et Z se construiront-elles sur le modèle de l’entrepreneur ? Les licenciements ou les menaces de licenciement des grandes entreprises, les procès en harcèlement mis à la une des médias mais aussi les souffrances que vivent leur entourage dans le monde professionnel font que les nouvelles générations ne considèrent pas les grandes entreprises comme un eldorado qui leur tracera une carrière de rêve.
Selon une enquête réalisée par OpinionWay pour Ulule en novembre 2017 auprès des 18-35 ans qui vise à comprendre les aspirations et les attentes de la jeune génération, le désir d’entrepreneuriat chez les millennials par tranche d’âge est particulièrement élevé :
57% des 18-24 ans
55% des 25-29 ans
50% des 30-35 ans.
Les écoles de management : découvrir le potentiel des étudiants
Au sein des grandes écoles de commerce, de nouvelles habitudes ont été prises : travailler en mode projet, autour d’un projet ou autour de la création d’entreprise permet aux étudiants de découvrir leur potentiel, de clarifier leur désir d’autonomie et leur projet d’avenir. De plus, ils participent à des concours qui ne manquent pas de stimuler leur envie et leur audace. Les générations Y et Z ont envie de changer, de prendre des risques, de se réaliser et les entreprises ont aujourd’hui besoin de leur énergie, de leurs talents pour innover.
Les jeunes vont-ils bouleverser les habitudes des entreprises ?
Certains l’évoquent avec jubilation, d’autres avec prudence : la vague des salariés entrepreneurs serait en train de révolutionner les modes organisationnels, les pratiques et les représentations liées au travail, la gestion des carrières et des compétences, et la création même de valeur au sein de l’entreprise. Sur des marchés de plus en plus concurrentiels et mondialisés, la quête du « salarié entrepreneur » indique un triple déplacement dialectique du collectif vers l’individu en réseaux.
D’abord, un déplacement pragmatique, qui reconnaît et valorise la créativité, la polyvalence, la flexibilité du sujet avant de poser celles du groupe. Ensuite, un déplacement stratégique, qui met en avant la responsabilité, l’engagement, la capacité à assumer des risques de l’individu avant de rappeler celles de l’organisation.
Enfin, un déplacement axiologique, qui célèbre l’autonomie, la passion, l’énergie et l’envie d’entreprendre au détriment, parfois, des valeurs de sécurité et de stabilité qui caractérisaient autrefois le salariat traditionnel. La force de ces « marginaux-sécants » de Crozier et Friedberg (1977), capables de circuler rapidement dans des systèmes d’action différents, réside non seulement dans la maîtrise des zones d’incertitude et de changement, mais aussi dans la prise de plaisir, par goût du challenge et de la complexité.
Des caractéristiques à part
Cependant, ce salarié entrepreneur est exigeant et sa posture risque d’être perçue comme ambiguë, car sa réflexivité et son potentiel de questionnement et d’action peuvent se dégrader et l’amener à des conduites mercenaires ou instrumentales à l’égard d’autrui ou de l’entreprise. Son « autonomie contrôlée » (Aizicovici et Van Eeckhout, 1999) serait donc autant une opportunité qu’un défi pour un management à inventer.
Les générations Y ou Z génération Internet, adhèrent naturellement à la posture du salarié entrepreneur, dans un processus d’identification quasi-immédiat. Le dynamisme, la créativité, l’ouverture sur le monde représentent pour eux des normes effectives de pensée et d’action, le modèle de l’entrepreneur salarié les séduit ainsi par sa propension à intégrer, développer et lancer des réseaux, ses pratiques collaboratives et horizontales, sa remise en cause des distances, des acquis, et des mondes étanches.
Les générations Y ou Z seraient en train de se construire sur le modèle de l’entrepreneur. Le « modèle », c’est-à-dire la représentation véhiculée par les discours et les pratiques, la représentation souvent fantasmée d’un entrepreneur héroïque ou aventurier, dont l’horizon premier serait celui du désir.
Pour se confronter au réel du salariat entrepreneurial, les générations Y ou Z possèdent de véritables atouts, mais aussi des fragilités, car elles jouent avec les mobilisations et les démobilisations instantanées, dans des trajectoires qui demandent une certaine maturation affective (Sainsaulieu, 1977) pour concilier la liberté et la responsabilité, l’indépendance et les multiples appartenances sociales, la décontraction et le don de soi. Des générations qui perturbent et interrogent, pour un nouveau modèle salarial, et peut-être un nouveau contrat social.
Les séduire pour recruter le profil jeune entrepreneur
Cette tendance à vouloir de plus en plus se réaliser soi-même des générations Y ou Z change la donne des managers. Ils se doivent de développer les compétences plutôt que de donner des ordres à exécuter. Il ne suffit plus de donner des objectifs mais de leur permettre de découvrir leur potentiel en leur donnant l’opportunité de pouvoir relever des défis…
Article par Miruna Radu