Pour trouver des talents, une nouvelle tendance est d’aller chercher des experts dans le vivier des micro-entrepreneurs. Travailler avec un micro-entrepreneur apparaît souvent comme une solution idéale car elle retire à l’entreprise des démarches administratives qui se révèlent souvent complexes et elle leur permet de trouver des experts qui peuvent réaliser un travail de qualité sans avoir besoin de recruter ce qui s’avère souvent chronophage.
La loi du 4 août 2008 a institué le statut d’auto-entrepreneur qui a, depuis, été fusionné avec le statut fiscal de la micro-entreprise. De fait, on parle aujourd’hui du régime du micro-entrepreneur et non plus de l’auto-entrepreneur depuis le 1er janvier 2016. De nombreuses entreprises font appel à des micro-entrepreneurs sans réellement vérifier le potentiel risque. Or, la création de ce statut a des limites légales à ne pas franchir sous peine d’être sanctionné.
Qu’est-ce qu’une micro-entreprise ?
Une micro-entreprise est une entreprise individuelle immatriculée au Répertoire des métiers ou Registre du commerce et des sociétés. Un micro-entrepreneur reste responsable de ses actes professionnels et engage, en principe, son patrimoine personnel et professionnel, il a donc une responsabilité illimitée. Toutefois, il peut décider de limiter l’étendue de sa responsabilité en effectuant une déclaration d’insaisissabilité devant notaire ou en optant pour le régime de l’EIRL pour se constituer un patrimoine d’affectation, dédié à son activité professionnelle.
Quelles sont les conditions requises pour être micro-entrepreneur ?
Ce régime s’adresse à tout porteur de projet d’activité commerciale, artisanale ou libérale souhaitant créer ou développer une activité. Cette activité doit être soumise au régime du micro BIC (bénéfices industriels et commerciaux) ou du micro BCN (bénéfices non commerciaux) pour bénéficier de la franchise de TVA. Toutes les activités ne sont pas concernées puisque les activités éligibles sont regroupées parmi trois catégories : les activités de vente, les activités de prestations de services et les professions libérales.
Enfin et surtout, les micro-entrepreneurs doivent respecter des seuils de chiffre d’affaires encaissé par an ; pour 2017 (à calculer au prorata temporis) :
• 82 800 euros pour la fabrication d’un produit à partir de matières premières ou sa revente, pour la vente de denrées à consommer sur place et pour la fourniture de prestations d’hébergement (les activités de vente)
• 33 200 euros pour la réalisation de prestations de services, la revente de biens incorporels, les travaux immobiliers et pour la location meublée (les activités de prestations de services et les professions libérales)
Ce régime a une vocation d’application large car il peut s’appliquer aux salariés, aux fonctionnaires qui voudraient cumuler les activités et aux retraités (du régime général, du régime agricole, du RSI, de la CIPA).
Quelles sont les activités ne pouvant pas être exercées en qualité de micro-entrepreneur ?
Certaines activités sont légalement exclues du statut de micro-entrepreneur
• Les activités agricoles rattachées au régime social de la MSA : paysagiste, entretien de jardins, etc…
• Les activités libérales qui relèvent d’une caisse de retraite autre que la Cipav ou le RSI : les professions juridiques et judiciaires, les professions de la santé, les agents généraux et d’assurances, les experts-comptables et commissaires aux comptes, etc…
• Les activités relevant de la TVA immobilière : marchands de biens, lotisseurs, agents immobiliers, etc…
• La location de matériels et de biens de consommation durable et la location d’immeubles non meublés ou professionnels.
• Les activités artistiques, rémunérées par des droits d’auteur, qui dépendent de la maison des artistes ou de l’Agessa.
Les activités qui sont présumées exercées sous le statut de salarié.
Dès lors qu’il y a réalisation d’une prestation et versement d’une rémunération, la loi considère que ceux qui exercent les professions suivantes sont salariés :
• des VRP (L7313-1 du Code du travail);
• des journalistes y compris photographes d’agence de presse (L7112-1 du Code du travail); • des artistes du spectacle (L7121-3 et 4 du Code du travail); • des mannequins (L. 7123-3 du code du travail), exception pour les mannequins établis dans UE (L. 7123-4-1 du code du travail);• des travailleurs à domicile (L 7411-1 du Code du travail).
Nota Bene : Les blogueurs qui rédigent des billets, pour un service de presse en ligne peuvent exercer une activité de micro-entrepreneur.
Il existe aussi des activités qu’il est déconseillé d’exercer sous le régime du micro-entrepreneur :
- Le commerce en boutique :
La TVA n’est pas récupérable sur les achats que l’entrepreneur va devoir effectuer. Les impôts et cotisations sont calculés sur son chiffre d’affaires encaissé, les achats et dépenses (loyer, électricité, eau, etc.) ne sont pas déductibles.
- Les activités qui nécessitent des salariés :
L’impôt et les cotisations sont calculés sur le total du chiffre d’affaires sans possibilité de déduire les coûts salariaux (salaires, cotisations sociales des salariés, etc.).
- Les activités qui nécessitent des investissements :
La TVA n’est pas récupérable et il n’est pas possible d’amortir les investissements.
- Les activités qui nécessitent des relations intra-communautaires :
Le micro-entrepreneur doit acquitter la TVA sur les marchandises importées en provenance de pays tiers mais il n’a pas la possibilité de la déduire, comme c’est déjà le cas pour les opérations qu’il effectue sur le territoire français.
Les dérives du statut de micro-entrepreneur
Si la majorité des entreprises font travailler des micro-entrepreneurs dans les règles de l’art, des dérives existent aussi : Recours à des auto-entrepreneurs pour des postes fixes dans l’entreprise, recrutement de « faux indépendants », utilisation du régime de micro-entrepreneur comme « super période d’essai » pour s’exonérer des règles du droit du travail et des charges sociales. Les juridictions rappellent régulièrement la frontière entre auto-entrepreneuriat et salariat déguisé et n’hésitent pas à punir les employeurs indélicats.
Attention aux risques de requalification
Pour la Cour de cassation « l’existence d’un contrat de travail ne dépend ni de la volonté des parties, ni de la qualification donnée, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur. » Il convient de vérifier qu’il n’y ait pas de lien de subordination et analyser avec la situation selon un faisceau d’indices.
Les questions à se poser sont les suivantes :
• La décision d’exercer en qualité de micro-entrepreneur correspond-elle à un projet personnel ou a-t-elle était imposée par le client ?
• L’entrepreneur a-t-il les outils/matériels nécessaires à sa mission ?
• L’entrepreneur peut-il organiser son travail à sa convenance, décider comment, quand et où fournir ses services ?
• L’entrepreneur doit-il se conformer à des instructions, des délais ou des comptes rendu périodiques ?
• L’entrepreneur travaille-t-il pour plusieurs clients ?
• Existe-il un contrat de prestations entre l’entrepreneur et son client pour chaque mission ?
• La facture est-elle « à la mission » ou au nombre d’heures ou de jours ?
• Le client est-il l’ancien employeur de l’entrepreneur ? Dans l’affirmative, exerce-t-il une activité proche ou identique de son ancienne activité salariée avec son ancien employeur ?
Dans le cas d’une hôtesse intervenant lors d’un événement, avec le statut micro-entreprise, à qui le donneur d’ordre impose des horaires et un lieu fixe, il faudra vérifier si elle travaille pour plusieurs clients dans le cadre de contrats de prestations de service, si elle utilise son matériel, etc. …Les indices reposant uniquement sur les horaires et le lieu de travail imposés ne sont pas suffisants pour que la relation de travail soit requalifiée en salariat.
L’objectif est de pouvoir démontrer que l’entrepreneur exerce de manière indépendante, sans lien de subordination et dans le cadre d’une relation commerciale et contractuelle négociée entre les parties.
La requalification de la relation de travail pourra être demandée :
– par le micro-entrepreneur, en saisissant le conseil des prud’hommes,
– ou par l’administration (inspecteur du travail, Urssaf, services fiscaux par exemple), qui saisit alors le procureur de la République.
Uber : le cas qui fait polémique !
Concernant Uber, le cas est juridiquement complexe ! Les chauffeurs sont en général des micro-entrepreneurs et passent par obligatoirement par la plateforme (ou applications mobiles). Cependant, les tribunaux ont tendance à revenir sur la qualification de la relation de travail. Aux Etats-Unis, le 16 juin 2015 (Uber Technologies Inc. c/ Barbara Berwick), un Tribunal de San Francisco a jugé que les chauffeurs Uber n’étaient pas des travailleurs indépendants mais des salariés. La même décision a été rendue par le Tribunal du Travail de Londres le 28 octobre 2016 (Y Aslam, J. Farrar, c/ Uber BV, Uber London Ltd, Uber Britania Ltd).
En France, l’Urssaf de l’Ile-de-France a lancé contre Uber des actions devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale et au pénal pour travail dissimulé. Des procédures sont pendantes devant le Conseil de prud’hommes. Affaires à suivre ! Il est donc important de suivre l’actualité juridique sur l’évolution de ce statut ainsi que leur limite juridique. A partir du moment où vous faites appel à des micro-entrepreneurs que cela soit pour une prestation de services ou pour construire une plateforme de mise en relation. Posez-vous toujours les questions que nous avons énoncé ci-dessus au risque un jour de vous faire sanctionner.
Les sanctions possibles
Si les juges estiment que l’entreprise a cherché volontairement à échapper à ses obligations d’employeur, cela constitue une fraude constitutive du délit de travail dissimulé (article L. 8221-5 du code du travail). L’employeur risque alors une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 3 ans ainsi que 45 000 euros d’amende. Ces sanctions peuvent être doublées en cas de récidive. L’employeur devra payer des salaires et des cotisations sociales sur la base d’un poste équivalent dans l’entreprise. Cette régularisation est rétroactive et débute dès le premier jour de la relation de travail. Le micro-entrepreneur peut également solliciter le versement d’indemnités en cas de rupture de la relation de travail. Par ailleurs, celui qui pensait être un micro-entrepreneur pourra quant à lui être condamné à rembourser des prestations sociales ou des allocations chômage éventuellement touchées.