La loi du 15 juin 2010 a marqué l’avènement de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL). Depuis le 1er janvier 2011, l’exploitant individuel peut mettre son patrimoine à l’abri du risque de l’entreprise par le mécanisme innovant du patrimoine affecté.
Traditionnellement, en matière d’entreprise individuelle, il n’existe pas de différence entre le patrimoine professionnel et le patrimoine privé de l’entrepreneur individuel (règle de l’unicité du patrimoine), en sorte que tous ses biens privés sont saisissables par ses créanciers professionnels. L’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL), variante de l’entreprise individuelle « classique » n’est pas une nouvelle personne morale mais consiste, pour un entrepreneur individuel, à rattacher un second patrimoine à la personne de l’entrepreneur individuel (patrimoine affecté). à partir de 2013, la loi prévoit que l’entrepreneur pourra créer plusieurs patrimoines affectées (un 3e, 4e, etc…).
Un nouveau dispositif ouvert à toutes les activités
Commerçant, profession libérale, artisan, agriculteur,… et même auto-entrepreneur (bien que les contraintes légales comme la publication des comptes pourra constituer un frein pour ces derniers). Pour bénéficier du régime, l’entrepreneur individuel devra tenir une comptabilité autonome et déposer ses comptes auprès du Greffe du Tribunal de Commerce où la déclaration d’affectation a été déposée. Il faut ajouter que l’option pour l’EIRL pourra s’opérer soit lors de la création de l’entreprise, soit en cours d’activité.
Quelle est la consistance du « patrimoine séparé » affecté à l’activité professionnelle de l’exploitant ? Quel est le gage des créanciers ?
La loi (article 526-6 du Code de commerce) distingue une affectation obligatoire « composée de l’ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire, nécessaires à l’exercice de son activité professionnelle » et une affectation facultative pour « les biens, droits, obligations ou sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire, utilisés pour l’exercice de son activité professionnelle ». La déclaration d’affectation constitue donc l’acte essentiel qui va opérer la séparation du patrimoine affecté et non affecté. Cette déclaration va ainsi fixer la responsabilité de l’entrepreneur et déterminer l’assiette du gage des créanciers.
Toutefois, la loi prévoit expressément des cas où la déclaration d’affectation est totalement privée d’effet, en sorte que les créanciers professionnels ou, le mandataire liquidateur (en cas de liquidation judiciaire) pourra saisir le patrimoine non affecté en paiement de tout ou partie des créances professionnelles. Ceci pourra être le cas en cas de manquement grave (ce qui, par exemple, devrait être le cas d’une déclaration d’affectation incomplète ne mentionnant par les biens affectés par nature à l’exercice de l’activité professionnelle ou l’absence d’ouverture d’un compte bancaire dédié).
Cependant et même si l’EIRL présente d’importants avantages dans la mesure où il peut préserver l’entrepreneur individuel, il présente le risque d’augmenter l’insolvabilité dans la mesure où les partenaires de l’entrepreneur individuel seront méfiants à l’égard d’une EIRL dont le patrimoine affecté pourra être faible en fonction de la nature de l’activité.
Article par PHILIPPE RUFF | AVOCAT À LA COUR