Qapa ou la révolution de l’emploi

Stéphanie Delestre, fondatrice de Qapa, nous livre un témoignage tout en couleur. Cette entrepreneure a réussi son pari : révolutionner le marché de l’emploi et évoluer au fur et à mesure pour permettre à son entreprise de devenir un géant de l’emploi.

Pourquoi avoir créé cette entreprise ?

C’est une forme de lutte pour l’égalité des chances de tout le monde quels que soient leur origine, leur parcours, leurs diplômes… Et l’envie de redonner ce que j’avais reçu quand j’étais plus jeune à l’école publique car j’ai de la chance de vivre dans un pays où l’éducation est gratuite. Je me suis ensuite demandé quelle était la plus grande préoccupation des français et ce qui ressort souvent dans le top 3 est l’emploi. Je me suis posé la question de comment changer la vie des gens et là les technologies sont rapidement apparues comme une solution. Nous étions en 2010.

Etait-ce tout de suite une plateforme pour l’emploi ?

Oui tout à fait en utilisant ce qu’on appelle aujourd’hui de manière pompeuse l’intelligence artificielle. Il s’agissait d’utiliser des algorithmes pour faire matcher l’offre et la demande. Comment allions-nous faire ? Nous sommes dans un pays où paradoxalement il y a beaucoup de chômage et de nombreuses entreprises ne trouvaient pas de collaborateurs.

Nous avons pensé alors nous positionner sur les emplois non-cadres plutôt que les emplois des cadres qui avaient déjà un certain nombre de services à leur portée comme les chasseurs de tête ou des sites comme Monster ou Cadre-emploi. Or, plus de 80 % de l’emploi était donc non desservi et la plupart des plateformes n’avaient pas trouvé de modèle économique car il fallait, et c’est encore le cas, dépenser des sommes comme 800 ou 1 000 euros pour déposer une offre. Quand une petite entreprise cherche un vendeur ou une serveuse, elle n’a pas les moyens d’investir un tel budget.

Quelles ont été les grandes étapes de l’entreprise ?

La première étape a été de me lancer. Quand vous avez été salarié la moitié de votre vie et même si vous avez toujours eu l’envie de monter votre boite, c’est un vrai challenge. Le jour 1, vous avez 0 plateforme, 0 client, 0 utilisateur, 0 contact, … Vous n’avez rien ! Comment construire en n’ayant rien ? J’ai toujours voulu étant petite travailler en usine ou diriger un supermarché, inutile de me demander pourquoi. Aujourd’hui, diriger Amazon ou Peugeot, je trouverais cela génial. En revanche quand j’ai fait mes études et commencé ma carrière, il était indispensable que je sois pluridisciplinaire. Je me suis appliquée à me former un peu dans tous les domaines.

Et la suivante ?

C’est le jour où nous avons ouvert la plateforme en juillet 2011 à minuit pile grâce à un algorithme car nous avions prévu de trinquer avec une coupe de champagne. A partir de ce moment-là, le rêve est devenu réalité. Puis il y a eu le pivot à la mi 2016 de Qapa où nous sommes passés d’un positionnement de job board à une agence d’intérim 100 % digitale. Nous étions la première à avoir digitalisée tous les process y compris le sourcing car nous évoquions souvent le fait de signer les contrats en ligne. Or, notre algorithme permet de mettre en relation les entreprises avec des intérimaires performants sans discrimination.

Aujourd’hui nous sommes arrivés à la quatrième étape et nous ne sommes plus une start-up car nous faisons partie du faible pourcentage d’entreprises qui emploient plus de mille personnes en France. Nous sommes en train d’accélérer et c’est une étape importante car nous structurons notre société avec de fortes personnalités et des talents qui ont fait leurs preuves.

Quels vont être les grands défis ?

Il faut attirer les meilleurs talents chez nous au service commercial, R&D et marketing. Pour aller vite, il faut des gens exceptionnels. Ensuite, il faut une exécution parfaite de notre modèle économique, de notre positionnement, de nos actions marketing… L’ambition de Qapa est de résoudre le chômage en France. Plus on emploiera de personnes en France, plus on remplira notre mission.

Quelles sont les premières difficultés que tu as rencontrées ?

Hier soir je rentrais chez mois assez tard et je me disais : « purée, la chance que j’ai ». Tout est difficile mais je ne pourrais rien faire d’autre tellement c’est excitant, plein d’adrénaline et de rencontres de gens passionnants aussi bien chez les clients que chez les intérimaires, les partenaires et la richesse d’échanger avec d’autres entrepreneurs.

J’ai une chance extraordinaire d’avoir pu monter cette société et qu’elle continue à être là. J’aime mon travail ! La première difficulté c’est que l’entreprise traverse des étapes qui n’ont rien à voir les unes avec les autres : de 4 personnes dans une cuisine, nous sommes passés à une vingtaine de personnes. Il faut donc évoluer personnellement et professionnellement avec une société qui évolue. Tu passes de la demande d’une TPE à des commandes sur appel d’offre. Il faut donc accompagner les changements d’étapes, évoluer au même rythme que l’entreprise et mettre en place des process.

D’autres difficultés ?

Ensuite, les premières années tu ne sais pas si le business model est bon et c’est un peu la question. récurrente. On se demande alors : « est-ce que c’est normal que cela prenne autant de temps ? Il faut le temps de créer l’entreprise et la développer ou est-ce que je suis en train de me planter ? » On ne sait pas si on est au début du pont, au milieu ou s’il reste plus qu’un mètre à faire. C’est compliqué à appréhender notamment si l’entreprise grossit très vite. Il faut alors prendre des temps de solitude pour bien analyser ce qui se passe, ce que disent les gens et garder la foi.

C’est un engagement intense. Comme je le disais, il faut aussi attirer les meilleurs notamment en étant transparent. Il faut que les meilleurs décident de venir pour les bonnes raisons. Autre difficulté, quand c’est ta boite, tu vis 100 % dedans. Quand tu pars en vacances et que tu vois dans un magazine un article qui va te faire penser à ta boite, tu vas penser à comment faire. Dans ton bain, tu peux avoir une idée et vouloir l’exécuter de suite.

Qu’est-ce qui a fait la réussite de Qapa ?

Les équipes et nos clients ! Quand je dis clients c’est ceux qui achètent la prestation mais aussi les intérimaires. C’est aussi les équipes en interne car c’est elles qui prennent en main l’entreprise, qui donnent leur énergie, leur intelligence et leur motivation. En tout cas, ce qui me fait lever le matin c’est que nos valeurs emplies de bienveillance et de respect restent nos points forts. Après nous avons commis des erreurs mais en tout cas nous sommes honnêtes et nous essayons de le faire le mieux possible.

Est-ce que ton rôle a beaucoup évolué depuis les débuts ?

J’ai l’impression qu’il y a des boucles. Au début mon rôle c’était d’être super opérationnelle. J’avais une idée dans la tête et je l’exécutais moi-même. Aujourd’hui mon rôle c’est d’apporter la vision, de m’assurer que l’entreprise a les moyens de sa croissance, de la faire rayonner et de prendre le temps d’expliquer et d’impliquer tout le monde en partageant. C’est plus facile certes de partager à deux ou trois qu’à 100. Il s’agit de partager la vision mais aussi à tous les niveaux : partage des succès, des échecs, de l’information… Il faut vraiment évoluer car quand le nombre de collaborateurs augmente, les personnalités sont diversifiées et c’est ce qui fait la richesse de Qapa. A trois ou cent, cela demande la même énergie.

Qu’est-ce qui t’as surpris ?

Il y a des surprises tous les jours. On peut t’appeler pour te dire « finalement je vous ai intégré dans l’appel d’offre » comme un collaborateur qui peut te dire : « finalement j’ai décidé de quitter l’entreprise car mon rêve c’est de faire du cinéma et j’ai été pris dans un casting ». C’est très enrichissant ! Mais si on doit évoquer quelque chose qui m’a vraiment surpris, c’est de réaliser à quel point nous ne sommes rien sans les autres même si je le savais déjà au fond de moi.

Après l’énorme surprise j’ai constaté que j’étais capable de prendre 200 décisions dans la journée qui vont d’aller acheter du papier toilettes, en passant par répondre à un énorme appel d’offres, ou encore prendre un stagiaire, … En fait tu prends des décisions toute la journée et cela finit par être des milliers décisions dans une année voire des millions ! Quand j’arrive à la maison et que je vais au supermarché, j’ai tellement donné d’énergie que je ne sais plus quel paquet de gâteaux choisir !

Est-ce qu’il y a une différence d’attitude des proches depuis que la boite a réussi ?

En fait ils ont tous gardé la même attitude et ils sont même encore plus sévères avec moi. Ils sont très protecteurs car ils se rendent compte combien les sacrifices ont été élevés. Ils savent que je travaille 90h par semaine et que je bosse tous les week-ends mais ils ont compris pourquoi je le faisais et qu’il ne s’agissait pas d’un acte égoïste. En fait, ils sont adorables et ils m’ont accompagnée dans cette aventure. Ils me donnent la pêche dans les moments de doute. En revanche, ils sont sévères car ils ne laissent rien passer. Après son AVC une des premières questions de ma mère a été : est-ce que cela se passe bien ? Est-ce que tes collaborateurs sont contents ? Ma mère fait très attention à la justice dans l’entreprise. Mes proches veulent vraiment qu’elle soit une société honnête et exemplaire.

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