Qantis, une entreprise qui veut faire ensemble

Interview de Gaëtan de Sainte Marie, président fondateur de QANTIS et porte-voix de plus de 30 000 PME-ETI de son écosystème, auteur de l’ouvrage « Ensemble, on va plus loin » qui nous retrace son aventure entrepreneuriale.

Comment vous est venue l’idée de Qantis ?

L’idée m’est venue en Australie quand j’avais 24 ans donc il y a plus de 20 ans. Après mes études en France je suis parti à Sydney où j’ai travaillé pour une grande entreprise française pendant deux ans. Mon idée à l’origine est partie du constat que les grandes entreprises ont une organisation extrêmement performante et que si les PME se regroupaient, elles pourraient avoir la même. À l’époque, ma première idée était plutôt orientée vers l’informatique. Nous étions dans les années 97-98 et je découvre chez Péchiney qu’ils avaient des serveurs au niveau mondial reliés les uns aux autres et que, de ce fait, leurs fichiers étaient partagés à travers le monde.

Je me dis que les PME ont chacune leurs serveurs dans leur coin et qu’elles gagneraient à mutualiser leurs moyens informatiques. En quelques mots, il s’agissait de réunir les serveurs afin que chacun puisse s’y connecter. J’ai donc créé une entreprise pour mettre en œuvre ce projet, qui s’appelait do IT right, en m’associant avec deux autres personnes en 1999. C’était un jeu de mots pour dire « fais-le bien » en même temps que « IT » symbolisait l’informatique. Nous étions une des entreprises pionnières à proposer cette solution en Australie même si rapidement, 3 – 4 entreprises faisaient la même chose. Le marché n’était absolument alors pas mature et les PME n’étaient pas prêtes à mettre leurs données à l’extérieur de leurs locaux. C’était pourtant les prémices du Cloud.

Quel est le point commun entre Qantis et cette idée de base ?

L’idée fondamentale pour moi était surtout de mutualiser les moyens des PME, plus que de réaliser un projet pour l’informatique. Au bout d’un an, nous avons fait le constat qu’avant que le marché soit mature, il allait s’écouler du temps. Je décide de rentrer en France en étant persuadé que regrouper les PME est une idée judicieuse. Je trouve quatre premières PME dans le BTP à Lyon qui veulent se regrouper pour leurs achats et non leurs réseaux informatiques. C’est comme ça que nous avons commencé à travailler ensemble et que nous avons décidé de créer « PME centrale » qui sera d’ailleurs les prémices de Qantis en 2001.

Est-ce que cela a fonctionné tout de suite ?

Les 2 – 3 premières années ont été compliquées car il a fallu convaincre les équipes internes de ces entreprises. Les dirigeants de ces entreprises étaient convaincus qu’il fallait mutualiser mais pas les personnes qui travaillaient dans ces services ne l’étaient pas forcément. Il a fallu également convaincre les fournisseurs qui voyaient cela d’un assez mauvais œil au départ. Cela nous a pris deux à trois années avant que cela devienne une réalité pour tous.

Quelles ont été les grandes étapes initiales ?

La première grande étape c’est que nous avons appris à travailler de manière collaborative. Nous avons construit la méthode car elle n’existait pas. Nous avons créé l’entreprise avec les premiers adhérents et nous avons très rapidement mis en place un comité de pilotage. Puis, nous avons lancé des commissions de travail entre adhérents qui nous ont permis de négocier les accords-cadres avec les fournisseurs et mis en place de nombreuses méthodes que nous utilisons encore aujourd’hui.

Il y a 20 ans, nous étions précurseurs et nous avons expérimenté des solutions qui paraissent aujourd’hui classiques mais qui, à l’époque, n’étaient guère habituelles comme de faire travailler des entreprises ensemble qui pouvaient être même concurrentes. Entre 2001 et 2004, nous avons mis en œuvre le collaboratif. Ensuite, il a ouvert d’autres offres puisque nous avions commencé par les achats et petit à petit nous avons élargi à d’autres sujets comme la vente et la partie RH…

Au fur et à mesure, nous avons développé notre entreprise selon les besoins, ce qui nous a permis d’arriver à ce qu’est aujourd’hui Qantis. Finalement le business model est resté très similaire à celui du démarrage qui était de payer une adhésion annuelle pour rejoindre Qantis mais aujourd’hui, nous regroupons 30 000 entreprises dans des activités très diverses mais pour toujours leur permettre d’être davantage performantes.

Que s’est-il passé par la suite ?

Il y a eu le passage millième adhérent qui a été une étape symbolique en 2008, il me semble. Puis, nous avons eu le lancement de la « journée ensemble ». Il s’agit d’un événement que nous réalisons une fois tous les deux ans et qui nous permet de rassembler des membres de notre écosystème que ce soit du côté adhérent ou du côté des fournisseurs et partenaires. C’est un moment très fort de notre réseau qui permet de se rencontrer de manière collective chacun avec une prise de recul. Beaucoup se rencontrent toute l’année mais c’est l’occasion pour eux d’échanger sur le travail collaboratif et de l’expérimenter plus avant. Cela permet également l’occasion de rencontrer de nouvelles personnes et de continuer à alimenter notre dynamique collective.

2016 a été une année de changement ?

Il y a eu le lancement de notre première filiale à l’étranger en Allemagne en 2016 ainsi que la sortie de mon livre « ensemble, on va plus loin » qui nous a permis de confirmer notre attachement au collaboratif. Même à l’époque, celui-ci n’était pas encore à la « mode » dans le B2B et il n’était pas encore bien assimilé que le collaboratif est un véritable axe de la performance des entreprises. En 2018, nous avons lancé notre première plateforme digitale et qui nous a permis de nous transformer, ce qui constitue aujourd’hui un de nos principaux axes de développement.

Quand est-ce que vous avez changé de nom ?

Il s’est opéré en 2019 pour plusieurs raisons. C’était d’abord pour marquer notre entrée dans le digital parce que « PME centrale », cela ne faisait pas très digital. La deuxième raison c’était pour ouvrir l’aspect international puisque cela faisait quelques années que nous étions présents en Allemagne. Enfin, nous souhaitions aussi montrer que, même si nous sommes partis avec des PME à la base, aujourd’hui Qantis c’est aussi des ETI, des réseaux d’entreprises, des réseaux professionnels. S’appeler « PME centrale » était un peu réducteur que ce soit pour la typologie de la société ou encore le fait que notre métier ne concerne pas que les achats mais aussi tous les autres aspects.

Finalement, nous accompagnons nos adhérents plus largement dans le développement de leur performance quelle que soit la typologie de la performance. Qantis vient du latin et fait référence à tout ce qui touche la mécanique quantique et fait sens car c’est l’étude de l’interaction entre les éléments. Nous avons enlevé le « u » car le domaine n’était pas disponible (rire) et que cela faisait plus moderne. Surtout, nous avons choisi « qantis.co » et non pas « .com » pour montrer l’aspect collaboratif.

Quelle a été la plus grande difficulté depuis le début ?

Le plus difficile a été de convaincre que la mutualisation était un vrai levier de performance à la fois pour les adhérents de l’écosystème mais aussi pour les partenaires et les fournisseurs. Pour l’exprimer différemment, il a fallu montrer que finalement que l’on est plus fort à plusieurs que tout seul même si cela peut paraître évident aujourd’hui. Côté adhérents même si c’est une phrase que l’on entend beaucoup dans le milieu de la PME, il y a 20 ans les gens étaient un peu individualistes et il y a eu énormément de changement de ce côté-là.

Du côté fournisseur, il fallait montrer qu’avoir des PME qui se regroupent, ce n’est pas seulement une centrale d’achat de base qui cherche à tirer les prix vers le bas et faire des économies. C’est bien plus intéressant que cela pour eux car on écrit l’histoire ensemble. Bien sûr, il y a des conditions intéressantes par l’effet de volume mais c’est aussi l’opportunité pour des fournisseurs de développer leur chiffre d’affaires grâce à nos adhérents. Nous ne sommes pas dans le système où nous sommes les uns contre les autres mais les uns avec les autres.

Quels sont vos défis à venir ?

Déjà le premier défi c’est quand même « l’univers Covid », j’ai envie de dire. C’est difficile pour tout le monde que ce soit pour les PME ou pour leurs collaborateurs. Tout le monde est quand même sous pression et un peu chamboulé. Il faut continuer à naviguer avec confiance dans un milieu qui est très anxiogène, plein de brouillard. Si nous voyons un peu plus loin, il faut noter que si en France la PME est adorée par tout le monde, mais ne s’avère pas suffisamment valorisée par les acteurs politico-économiques.

C’est un problème parce que nos élus nous répètent que nous sommes moins forts que les Allemands car ces derniers possèdent des PME et des ETI fortes mais que rien n’est véritablement fait. Finalement, on reproche à la PME d’être petite. Notre défi est donc de montrer qu’en regroupant, tout en laissant l’indépendance à chacun, nous représentons une véritable force à la fois économique et sociale car une PME est avant tout un acteur social. Elle est en permanence en contact avec les collaborateurs des différentes entreprises et bien liée à son environnement. Par exemple, quand on parle de RSE, la PME est un acteur par nature car elle est implantée naturellement dans son territoire. Il s’agit de montrer que la PME possède tous les ingrédients pour être l’acteur principal de la relance économique des prochaines années, qu’il faut lui faire confiance, et c’est ce que nous proposons avec Qantis.

Quels ont été vos facteurs clés de succès ?

Agilité, collaboratif et intuition même si j’y reviendrai plus tard dans la partie conseil. Mon équipe, mes adhérents et mes fournisseurs, cette communauté, que nous avons construite depuis 20 ans, a fait un peu comme une boule de neige qui s’est petit à petit renforcée et c’est ce qui a fait notre succès. S’il y a une chose à retenir, ce serait cette co-construction permanente et cet état d’esprit collaboratif qui s’est constitué petit-à-petit. J’aime bien dire que c’est ce qui nous a permis de consolider au fur et à mesure par petits pas.

Un point supplémentaire à aborder ?

Il y a le sujet qui me tient à cœur : celui de l’engagement en dehors du monde de l’entreprise. Par exemple, je suis président d’une association qui s’appelle « Entreprendre pour apprendre » et qui permet aux jeunes des collèges et des lycées de vivre des aventures entrepreneuriales et de créer une mini entreprise. Aussi, j’ai été longtemps engagé dans le CJD et d’autres engagements, qui m’ont permis de garder l’esprit frais et d’aller me confronter à d’autres univers. Je tenais à souligner que ce sont des sources d’innovation exceptionnelles à la fois pour le dirigeant et pour son entreprise. En dehors de cet intérêt, il ne faut donc pas négliger l’engagement sociétal et notre responsabilité que nous avons en tant que chef d’entreprise vis-à-vis de l’écosystème également. 

 » Le plus difficile a été de convaincre que la mutualisation était un vrai levier de performance à la fois pour les adhérents de l’écosystème mais aussi pour les partenaires et les fournisseurs. »

Interview de Gaëtan de Sainte Marie, président fondateur de QANTIS
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