Forme de communication de masse, la publicité fait partie du quotidien de tout individu. Les marques et les entreprises l’utilisent dans le but de séduire les consommateurs, pour les convaincre d’acheter un produit ou un service. Elle se développe sur différents appuis : les supports hors médias comme la communication événementielle et le parrainage ainsi que les supports médias comme la presse écrite, la radio, la télévision et le web. Pour faire évoluer le secteur, les entreprises se lancent dans une solution alternative, celle du marquage éphémère sur les trottoirs. Un procédé qui divise les pouvoirs publics.
La publicité semble avoir de plus en plus de détracteurs en France. 64 % des Français pensent qu’il y a plus de publicité actuellement qu’il y a trois ans, selon une étude « Ad Reaction » de Kantar Millward Brown (société d’études de marché basée au Royaume-Uni et disposant d’une filiale française,ndlr) effectuée fin 2017. 75 % des individus sondés pensent que cette forme de communication est présente dans beaucoup trop de lieux et sous diverses formes. 68 % d’entre eux affirment qu’elle est invasive dans leur quotidien. 56 % sont même irrités par les campagnes publicitaires. Un nouveau type d’annonce s’est développé dans l’Hexagone au cours de ces derniers mois, celui de l’affichage éphémère sur les trottoirs. Une pratique qui provoque une vague de mécontentement.
Une expérimentation lancée en décembre 2017 et vite abandonnée
L’État français a lancé le 27 décembre 2017 une expérimentation de dix-huit mois afin d’instaurer la publicité éphémère sur les trottoirs dans les villes de Bordeaux, Lyon et Nantes, selon un décret paru au Journal officiel (publication officielle du gouvernement qui a pour objectif de diffuser les textes juridiques auprès de la population, ndlr). À l’initiative du projet, la start-up lyonnaise Biodegr’ad, créée en 2011 par Tanguy Bard de Coutance, Émeric Mouillot et Guillaume Pâris de Bollardière. L’entreprise propose des publicités éphémères écologiques et biodégradables. Grâce à un nettoyeur qui propulse une forte pression d’eau potable à travers un pochoir, le message publicitaire apparaît sur le sol. Selon la société, leur procédé est 50 % moins cher que les affichages traditionnels. Des marques comme Nespresso et Kia ont déjà fait appel à leur service.
Le gouvernement a fixé des règles strictes pour l’expérimentation. Une pub ne doit pas excéder 2,50 m2, ni être placée à moins de 80 mètres d’autres marquages. Elle doit être réalisée directement au sol par projection ou application, à travers un pochoir d’eau ou de peintures biodégradables à base aqueuse ou de craie, selon le décret officiel. La publicité ne peut rester sur le sol que pendant dix jours sinon la marque qui l’a apposée devra nettoyer pour que le trottoir soit revenu à son état habituel. En aucun cas, le sol ne doit être dégradé à cause du marquage. Enfin, la pub doit intégrer la mention de la marque, du nom et de l’adresse de la personne physique ou morale qui a décidé de l’appliquer sur le trottoir. Au bout de six mois, des évaluations devaient être effectuées avec l’élaboration d’un rapport final, afin de savoir si des incidents ont eu lieu et si des dégâts ont pu être engendrés par la publicité éphémère.
Mais l’expérience a vite tourné court dans certaines villes dès le mois de janvier 2018. À Bordeaux, le maire Alain Juppé a pris un arrêté pour interdire ces publicités, justifiant qu’elles provoquent une « pollution visuelle inutile ». La municipalité de Nantes a fait de même en dénonçant un « excès de marchandisation ». La ville souhaite en effet réduire sur son espace public la densité des affichages publicitaires. Le Premier ministre, Édouard Philippe a donc suspendu l’autorisation de la publicité sur les trottoirs dans les deux agglomérations. Du côté de Lyon, le maire Georges Képénékian a stoppé l’expérimentation, mais le décret est toujours actif, car aucun arrêté n’a été mis en place. Les marquages publicitaires continuent donc de se multiplier dans les rues lyonnaises.
Un système déjà présent à Paris, mais de plus en plus réglementé
À Paris, la publicité éphémère sur les trottoirs est pourtant présente depuis des années. Mappy, service gratuit de cartographie et de calcul d’itinéraire, avait d’ailleurs mis en place en 2011, 225 visuels sur les pavés de la capitale française. Toutefois, un arrêt municipal de juillet 2011 proscrit le marquage au sol. Les entreprises qui déposent des publicités sans déclaration préalable peuvent être sanctionnées d’une amende de 7 500 euros. Depuis trois ans, la ville tente d’endiguer ce phénomène, en instaurant des mesures plus strictes. Pour dissuader les marques d’apposer ce genre de publicité, le Conseil de Paris a décidé en 2015 qu’elles devront rembourser les coûts d’enlèvements sur la base d’un forfait de 499 euros pour trois heures d’intervention. Si des traces et dégâts sont encore visibles, les sociétés devront payer 166 euros de plus à chaque heure supplémentaire de nettoyage.
Le marquage publicitaire sur les trottoirs fait donc face à une forte opposition et peut difficilement s’imposer dans l’Hexagone. La publicité en ligne reste le marché le plus important aujourd’hui. Son chiffre d’affaires en France a atteint 4,094 milliards d’euros l’an dernier, selon le SRI (Syndicat des régies de l’Internet, ndlr). Mais elle n’est pas beaucoup appréciée par les Français. 83 % d’entre eux s’estiment irrités par ce genre de communication, selon un sondage de l’institut CSA en 2016.