Brevet, marque, dessin ou modèle… autant de moyens pour une entreprise de protéger ses créations et sa propriété intellectuelle. Mais bien souvent, les PME et PMI s’y prennent trop tard. L’INPI et la CGPME Ile-de-France proposent en commun un programme de sensibilisation pour combler ce retard et s’assurer que les entreprises ne laissent pas leurs concurrents bénéficier de leurs efforts de recherche. Explication par Jean-Philippe Muller, délégué régional Ile-de-France de l’INPI.
Que recouvre la propriété intellectuelle pour une entreprise ?
La propriété intellectuelle au sens large regroupe la propriété littéraire et artistique (PLA) et la propriété industrielle (PI). L’INPI est en charge de cette dernière et gère les principaux types de droits de propriété : les brevets qui protègent les créations techniques ; les marques, signes distinctifs qui s’appliquent aux produits et services ; les dessins et modèles, touchant aux créations esthétiques dans un cadre industriel. Pour une entreprise, la PI est un moyen de protéger ses créations techniques, commerciales ou esthétiques grâce à des dépôts effectués dans les offices nationaux, régionaux ou internationaux. Par ce dépôt, le créateur prend date et exprime sa volonté de bénéficier d’une protection sur un territoire donné. Il entame ainsi une procédure, qui va de la vérification de la validité de sa demande à la délivrance d’un titre de propriété industrielle.
Quels sont les gains pour une entreprise ?
Lorsqu’une entreprise dispose de titres de propriété intellectuelle, plusieurs possibilités s’offrent à elle. Elle peut elle-même utiliser ses créations protégées et les inclure dans sa chaîne de production, empêchant ainsi ses concurrents d’en tirer profit. Mais l’entreprise peut également octroyer à un partenaire le droit d’utiliser ses inventions, moyennant le versement de royalties, récupérant l’investissement qu’elle a pu faire en matière de recherche et développement. Enfin, un titre de propriété industrielle peut aussi être vendu. L’acheteur devient ainsi le nouveau propriétaire, avec tous les droits qui s’attachent à cette qualité.
La propriété intellectuelle est-elle toujours choisie par les entreprises ?
Non, en effet : l’entreprise peut choisir de laisser son invention dans le domaine public ou d’interrompre à tout moment une protection obtenue. Un brevet a une durée de vie maximale de 20 ans. Chaque année, le propriétaire paye une redevance à l’office de propriété industrielle, en France, l’INPI. De quelques dizaines d’euros au début, elle augmente progressivement, pour atteindre plusieurs centaines d’euros soit 760 euros au bout de 20 ans. La rentabilité d’une invention doit se mesurer dans le temps ; la hausse progressive de la redevance brevet prend en compte l’évolution de cette rentabilité. Toutefois, le chef d’entreprise doit, pour chacune de ses inventions protégées, procéder à des arbitrages réguliers : il doit évaluer le retour sur investissement du coût de sa protection, soit par rapport à l’invention elle-même, soit par rapport au financement d’autres recherches. En fonction de cet arbitrage, il peut maintenir la protection ou décider de la lever.
Les dirigeants français connaissent-ils suffisamment la propriété industrielle ?
Souvent les entreprises viennent à l’INPI pour la première fois parce qu’elles ont vécu une mauvaise expérience. Elles n’ont pas protégé leur invention avant de la rendre publique ; leurs concurrents ont pu ainsi l’utiliser. La principale difficulté vient d’une méconnaissance de la propriété intellectuelle. Les causes sont peut être à rechercher dans la formation des dirigeants. Dans leur cursus technique, économique ou commercial, ils ont souvent été peu sensibilisés aux enjeux juridiques de la PI.
Beaucoup d’entreprises innovent également sans le savoir, ne se considérant pas comme de réels inventeurs. Or, la PI ne protège pas uniquement une innovation globale et très novatrice ; elle s’intéresse aussi aux petites améliorations apportées à un produit qui suffisent à différencier un produit sur le marché. La protection qui est accordée a aussi une contrepartie : en déposant une demande de brevet, un inventeur rend public son invention par une publication officielle, et empêche ainsi sa reproduction et sa commercialisation sans son accord. Cette publication permet aussi de faire avancer la science en favorisant les démarches novatrices.
Comment sensibiliser les PME/PMI qui n’ont pas de service juridique dédié ?
Une de nos missions essentielles est de vulgariser la notion de protection industrielle auprès des dirigeants, des étudiants, voire des plus jeunes encore. En s’associant, l’INPI et la CGPME Ile-de-France se retrouvent dans leur objectif d’aider au développement des PME/PMI. L’INPI a ainsi l’opportunité de s’adresser directement aux entreprises adhérentes de la CGPME Ile-de-France. Nous avons conçu en commun un programme d’information, se déroulant au cours de petits déjeuners et, tous les seconds jeudi du mois, des permanences de spécialistes INPI dans les locaux de la CGPME. C’est un bon moyen pour le dirigeant d’exposer la situation de son entreprise au regard de ses innovations et d’obtenir des recommandations et des contacts pertinents.
Vous allez plus loin en proposant des pré-diagnostics personnalisés…
En effet, nous avons développé un pré-diagnostic, destiné aux PME/PMI innovantes n’utilisant pas ou peu la propriété industrielle, et plus particulièrement le brevet. Ces « mini audits » sont destinés à mettre en évidence l’intérêt qu’il y a à adopter une stratégie de propriété industrielle et à dégager des pistes d’action. Les PME/PMI sensibilisées à travers ce partenariat en bénéficieront gratuitement, le coût de la prestation de 1 500 euros étant totalement à la charge de l’INPI.
Quels conseils donneriez-vous à un chef d’entreprise ?
Je donnerais deux conseils. Le premier est de toujours disposer d’un contact référent en matière de propriété industrielle, que ce soit à l’INPI ou dans un cabinet privé (conseil en propriété industrielle ou avocat). Le deuxième est de se renseigner avant toute divulgation d’information sur une innovation. Pour être efficace, la démarche de protection doit être déclenchée à temps.
Exemple : s’abstenir de s’adresser à la presse, même locale, de publier un résultat, sans avoir au préalable déposé une demande de brevet. Dans le cas contraire, la demande de protection risquerait d’être rejetée et les efforts investis en termes de recherche anéantis.