Au premier janvier 2010, la France comptait un total de 3.432.089 entreprises (secteur marchand hors agriculture). Parmi elles, 2.253.718 (65,66%) n’ont aucun salarié, 982.782 (28,63 %) ont de 1 à 9 salariés et environ 100.000 (2,91%) ont de 10 à 19 salariés.
Au total, c’est donc 3.336.500 entreprises (97,2%) qui ont moins de 20 salariés. (Source INSEE)
Pour le reste, la population des entreprises françaises au 1er janvier 2010 se compose de la manière suivante :
– Environ 63.200 entreprises de 20 à 49 salariés
– 25.108 entreprises de 50 à 199 salariés
– 4.757 entreprises de 200 à 499 salariés
– 2.035 entreprises de 500 à 1.999 salariés
– 493 entreprises de 2.000 salariés ou plus.
La vocation des petites entreprises à se développer
Toutes les entreprises n’ont pas nécessairement vocation à se développer et à créer des emplois. C’est le cas d’une bonne part des entreprises sans salarié qui représentent près des 2/3 (65,66%) de l’effectif total.
Mais parmi les entreprises de moins de 20 salariés, qui représentent 97,2% de la totalité des entreprises, nos études sur le terrain ont montré qu’elles seraient de l’ordre de 800.000 (25%) à en avoir l’intention et/ou la vocation.
Pour autant très peu de ces entreprises parviennent à franchir la taille de 20 salariés autrement qu’en étant absorbées par des entreprises plus importantes. Tout se passe comme si le développement des entreprises se heurtait à un mur infranchissable (comme le fût en son temps le mur du son pour les avions).
Le « mur du son » de la structuration managériale
Après avoir longuement étudié le phénomène et essayé de le comprendre pour mieux l’affronter, nous lui avons donné le nom de seuil de structuration managériale.
On invoque souvent la sous-capitalisation des petites entreprises et leurs difficultés à financer leur croissance. C’est sans doute un obstacle dans bien des cas, mais cela n’explique pas ce blocage. Pour moi, l’origine du problème de la structuration managériale vient d’un saut qualitatif dans le mode de gouvernance de l’entreprise. L’affronter requiert beaucoup de souplesse et de capacité à se remettre en question pour les dirigeants. Et en comprendre et en accepter la nécessité est tout sauf évident. Jugez-en plutôt.
L’immense majorité des entrepreneurs est composée de techniciens, d’hommes de l’art généralement peu formés au management stratégique. Spontanément, ils adoptent un mode de management assez naturel caractérisé par l’exercice solitaire du pouvoir de décision et par la saisie des opportunités au jour le jour et donc l’absence d’anticipation (souvent renforcée par la conviction que l’anticipation stratégique ne sert à rien).
Ce mode de management, assez empirique et réactif plus que proactif, est plutôt bien adapté à la période de lancement d’une entreprise et peut lui permettre d’atteindre la taille de 10 salariés sans trop de problèmes. Ce n’est qu’autour de 12 à 15 salariés que le déficit de structuration managériale va commencer à se faire sentir et provoquer des dysfonctionnements de nature à compromettre le développement.
C’est à ce moment la que la structuration managériale de l’entreprise devient une condition indispensable à la poursuite de son développement.
Structuration managériale et partage de pouvoir
La structuration managériale c’est la constitution progressive d’une équipe de direction composée de collaborateurs détenant des compétences techniques et managériales complémentaires à celles du dirigeant. Evidemment, en raison du coût de la mobilisation de ces compétences, la démarche sera progressive et portera prioritairement sur les compétences les plus indispensables à l’entreprise.
Mais ce n’est pas tout, la structuration managériale pour être complète et efficace doit aussi consister à partager le pouvoir décisionnel avec ces responsables. Le dirigeant doit apprendre à déléguer et à faire confiance. Le dirigeant doit se dépouiller peu à peu de toutes les tâches opérationnelles qu’il exerçait jusqu’alors pour se recentrer sur des tâches de management stratégique et l’exercice du leadership.
Autrement dit, le virage de la structuration managériale consiste à passer d’un rôle choisi et assumé d’entrepreneur à un nouveau métier dont on a tout à apprendre, celui de dirigeant d’entreprise.
Parce que si la plupart des entrepreneurs font le métier de leur entreprise avant de faire leur métier de chef d’entreprise, cela devient strictement impossible au-delà du seuil de structuration managériale.
Savoir lâcher du lest et faire confiance
Le franchissement du seuil de structuration managériale n’est pas seulement un problème mécanique. Un problème d’organisation du mode de prise de décision. Vous l’avez compris, il se heurte à des résistances d’ordre psychologiques de la part des dirigeants. Le nouveau mode de gouvernance qu’on leur conseille d’adopter va à l’encontre de leurs croyances et de leurs convictions profondes.
N’est-ce pas ce mode de fonctionnement qui leur a permis d’en arriver là où ils en sont ? Et laisser à d’autres le soin de prendre des décisions d’importance sous prétexte qu’ils sont plus compétents que moi ne risque-t-il pas mettre l’entreprise en péril ? Et ruiner des années de travail acharné ? Il faut avoir été à leur place pour comprendre à quel point ce saut dans l’inconnu est difficile.
Beaucoup de dirigeants confrontés à cette difficulté cherchent des solutions d’évitement. Ils vendent s’ils en ont l’opportunité ou ils limitent volontairement la croissance de leur entreprise quand c’est possible. D’autres préfèrent nier le problème et foncent tête baissée vers les difficultés.
Ne pas confondre métier et entreprise
Tout le problème vient d’une confusion entre métier et entreprise. Ce n’est pas un hasard, les deux tiers des entreprises françaises n’en sont pas réellement, elles sont plutôt le cadre juridique choisi par un certain nombre de professionnels pour exercer leur métier. Le métier de l’entreprise est alors celui du dirigeant et vice-versa.
En revanche, dès lors qu’une entreprise commence à employer du personnel, le dirigeant ne peut plus se contenter de produire, il va devoir assumer des tâches de management et d’organisation qui prendront une part croissante de son temps. Et avec le développement de son entreprise viendra un moment où le dirigeant devra abandonner le métier de l’entreprise pour exercer à temps plein celui de dirigeant.
Ce basculement est assez brutal et assez précoce dans la vie d’une entreprise et pour bien faire, les dirigeants devraient y être préparés dès la création. Car si le seuil de structuration managériale rend l’apprentissage du management stratégique indispensable, cette compétence permet aussi d’optimiser la croissance et la rentabilité d’une entreprise dès sa création.
Pour l’instant, on ne peut pas dire que ce soit la tendance en ce qui concerne les formations proposées aux entrepreneurs. Entre-nous, la forme juridique et le statut du gérant, ce n’est pas vraiment le plus important.
Le vrai métier des entrepreneurs est de construire et de conduire le développement de leur entreprise et cela requiert un ensemble de compétences et de savoir-faire spécifiques, accessibles à tous les dirigeants de petites entreprises et porteurs de projets.
Pour en savoir plus sur ces compétences et sur les moyens de les acquérir, rendez-vous ici.
Article par Patrick Daymand