Les photographies protégées et le respect du droit d’auteur

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La photographie avec les nouveaux moyens technologiques fait partie du quotidien. Il est devenu naturel d’extraire des photographies issues d’internet et de les utiliser pour son compte personnel mais parfois aussi pour son compte professionnel à mauvais escient. Zoom sur les droits et obligations.

L’habitude de se servir d’internet comme un self-service est à maîtriser. En effet, reproduire une photographie en ligne sans l’autorisation de son auteur peut vous coûter cher. Les règles du droit d’auteur sont très strictes et sont là pour protéger les artistes. Avant de publier une photographie sur votre site internet, vous devez savoir si vous avez les droits nécessaires pour l’utiliser. Exploiter les photographies d’un tiers, pour illustrer une publication ou son site internet, n’est pas un acte neutre. La plupart des photographies étant protégées par le droit d’auteur.

Quelles sont les protections légales pour les photographies ?

Pour qu’un photographe puisse invoquer un monopole d’exploitation sur ses œuvres, donc se plaindre, le cas échéant, que celles-ci aient été reprises par des tiers sans son autorisation, il faut qu’il puisse se prévaloir d’un droit d’auteur.
La grande loi sur la propriété littéraire et artistique, celle du 11 mars 1957, prévoyait un statut particulier pour les œuvres photographiques en raison de leur réalisation mécanique. Selon cette loi, pour mériter protection, celles-ci devaient faire preuve d’un « caractère artistique » ou alors d’un « caractère documentaire ». Mais en pratique, ce critère était assez embarrassant à mettre en œuvre. Il revenait à émettre un jugement de valeur sur les photographies en cause. Or, c’était contradictoire avec l’esprit du droit d’auteur français.

Quelles sont les conditions à remplir ?

Mais depuis la loi du 3 juillet 1985, les photographies, pour bénéficier de la protection par le droit d’auteur, ne doivent plus remplir qu’une seule condition : celle de l’originalité dans la forme, le critère classique. C’est ce qu’il faut naturellement déduire de la codification de cette loi dans le Code de la propriété intellectuelle : « Sont considérés notamment comme œuvres de l’esprit au sens du présent code : (…) Les œuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie » (article L. 112-2).
Toute œuvre photographique n’est donc pas automatiquement protégée par le droit d’auteur. Pour que soit rempli le critère de l’originalité dans la forme, encore faut-il que l’auteur en question, le photographe donc, ait mis dedans un peu de lui-même, sa « patte ». On parle en jurisprudence de « l’empreinte de la personnalité ».
Ici encore, ce sont des magistrats qui devront dire, à l’occasion d’une action en justice, si les photographies remplissent ou non la condition d’originalité dans la forme, si l’on peut y déceler l’empreinte de la personnalité du photographe. Naturellement, c’est une appréciation subjective. Cependant, force est de constater qu’un nombre important de photographies se voit reconnaitre la protection par le droit d’auteur.

En pratique…

Il suffit pour cela que le cliché sorte de la banalité. Peu importe d’ailleurs que le sujet ou la composition soient eux-mêmes banals. L’originalité pourra se situer ailleurs, dans la prise de vue, le cadrage par exemple. Celle-ci pourra même naître grâce au travail de retouches effectuées après coup sur la photographie à l’aide de logiciels. Il faut rappeler que le mérite est indifférent à l’attribution du droit d’auteur. Il en est ainsi car autrement, cela obligerait les magistrats à se prononcer sur la valeur esthétique et artistique d’une œuvre.

Le respect de l’auteur avant tout

La photographie numérique et l’essor fulgurant de l’Internet ont contribué à vulgariser l’art des photographes. Peut-être en raison de ce phénomène, certaines personnes peu scrupuleuses n’hésitent pas à exploiter les œuvres de ces derniers. Elles se passent de leur autorisation et évitent ainsi de leur offrir une rémunération. Ces actes arrivent souvent sur des sites internet mais également parfois sur les versions « papiers » des magazines.
Utiliser les œuvres d’un photographe sans lui demander son autorisation constitue une violation des droits d’auteur de ce dernier. Plus précisément, il s’agit d’une violation des droits d’auteur dans leur versant patrimonial (ou économique). Mais lorsque de surcroit, une ou plusieurs photographies sont reproduites sans que soit indiqué dessus de crédit photographique, c’est une atteinte aux droits d’auteur du photographe dans leur versant extra-patrimonial (ou moral) qui est alors commise : le « droit à la paternité » de l’auteur a été violé. Si d’aventure, l’exploitant recadre la photographie, de la retoucher, voire d’y ajouter des éléments, ce sont de nouvelles atteintes au droit moral du photographe, c’est alors « le droit au respect de l’œuvre » qui est violé.

Les contrefaçons et l’action en justice

Toutes ces atteintes constituent des contrefaçons. La loi française offre aux auteurs d’œuvres de l’esprit une action spécifique pour exiger réparation de ces atteintes, tant patrimoniales que morales : l’action en contrefaçon. Le photographe pourra demander en justice bien sûr la cessation de l’atteinte, mais aussi une indemnisation correspondant aux préjudices subis.
Ainsi par exemple, un photographe dont les œuvres avaient été reproduites sans son autorisation et de surcroit sans son crédit sur le site internet « www.aufeminin.com » a finalement obtenu gain de cause face à ce dernier et face aux puissantes sociétés Google Inc et Google France. Dans sa décision du 12 juillet 2012, la Cour de cassation a en effet retenu que le moteur de recherche offrait « la possibilité de visionner et de télécharger directement la photographie sur le site Google Images, (…) cette fonctionnalité offerte par Google directement sur son site en dissociant l’image de son contexte original ; qu’en outre Google Images permet à l’internaute de rechercher et d’obtenir des images aux formats qu’il souhaite (…) concourant à l’aggravation de l’atteinte portée à ses droits patrimoniaux et moraux ».

Dans cette affaire, la Cour de cassation a confirmé les condamnations prononcées par la Cour d’appel. Le photographe s’était vu alloué les sommes de 10.000 euros au titre de l’atteinte à ses droits patrimoniaux et encore 10.000 euros pour l’atteinte à ses droits moraux.
Cet exemple récent prouve, s’il en était besoin, que la protection offerte aux photographes par la législation sur le droit d’auteur n’a rien de théorique.

Comment savoir si vous disposez des droits sur une photographie et ne prendre aucun risque ?

Les bases de données payantes

Le plus simple est d’utiliser des photographies sur des bases de données payantes. Elles vous assurent de disposer des droits d’usage nécessaires pour les reproduire sur votre site ou vos autres supports de communication. Celles-ci vous garantissent en général contre la contrefaçon.
Attention ! Vérifiez les conditions générales de vente pour contrôler la garantie du droit de reproduction.

Les boutiques en ligne des photographes

Les photographes sont aujourd’hui bien implantés sur internet. Ils disposent de boutiques en ligne sur leurs sites. Celles-ci leur permettent de vendre directement les droits d’usage sur leurs photographies.
Attention ! Si l’auteur de la photographie est inconnu cela n’implique pas que la photographie n’est pas protégée par le droit d’auteur. Il vaut mieux devant cet anonymat choisir un autre visuel afin d’éviter tout problème.

Les photographies sous licence

Les photographies mises à disposition par leurs auteurs sous licence Creative Commons sur des bases de données spécialisées peuvent être utilisées gratuitement. Les licences Creative Commons peuvent être de différents types, de la plus permissive CC0 (utilisation la plus large sans attribution), à la moins permissive (CC BY NC ND SA : attribution obligation, usage non commercial, pas d’œuvre dérivée et partage sous la même licence). Vous pouvez obtenir plus d’informations sur le site suivant : . Creative Commons est une organisation à but non lucratif. Elle a pour dessein de faciliter la diffusion et le partage des œuvres et d’accompagner les nouvelles pratiques de création à l’ère numérique et propose 6 licences gratuites.

N’oubliez jamais le droit à l’image

L’utilisateur de photographies doit être vigilant si des personnes se trouvent sur les photographies. Par principe, une autorisation doit être demandée pour utiliser l’image (mais aussi la voix et le nom) d’une personne, si celle-ci est identifiable (par ses traits mais également par le contexte, le décor, un tatouage, etc.). Cette autorisation doit être précise (durée, territoire, modalités, etc.) afin de s’assurer que la personne a donné son consentement à toutes les utilisations qui seront faites de l’image. 

Attention, le seul fait d’avoir accepté d’être pris en photo ne vaut pas acceptation de l’utilisation de son sur une affiche promotionnelle. 

L’autorisation n’est pas nécessaire pour des prises de vue liées un événement d’actualité, ou pour une personnalité publique dans l’exercice de ses fonctions (ministres, députés, etc.). 

Attention ! Vérifiez, avant la mise en ligne, que la licence applicable correspond à l’usage que vous souhaitez faire de la photographie pour écarter toute action en justice.

Article par Alexandre Blondieau

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