On oppose souvent les qualités d’artiste à celle de l’entrepreneur. Un travailleur du milieu artistique aurait des difficultés particulières à fonder une entreprise de par la constance et les responsabilités qui incombent à tout entrepreneur et qui ne conviendraient pas toujours au monde artistique. Peut-on être artiste et monter sa boîte ? Examen de la situation.
Qui sont les entrepreneurs artistiques ?
Instaurée par l’ordonnance du 13 octobre 1945, la licence d’entrepreneur du spectacle existe bel et bien. Il s’agit d’un titre spécifique attribué aux organismes qui s’assurent de la présence physique d’au moins un artiste du spectacle percevant une rémunération en vue de la représentation en public d’une « œuvre de l’esprit ». Délivrée selon des conditions spéciales (voir ces conditions sur le site du Service-public-Pro.fr, ndlr) et pour une durée déterminée, cette licence s’adresse à toute personne qui exerce une activité d’exploitation de lieux de spectacles, de production ou de diffusion de spectacles, seule ou dans le cadre de contrats conclus avec d’autres entrepreneurs de spectacles vivants.
Ceci, quel que soit le mode de gestion, public ou privé, à but lucratif ou non-lucratif, de ces activités. Les titulaires de cette licence se regroupent en trois catégories : les exploitants, les producteurs et les diffuseurs. Chacun de ces professionnels dispose d’un type de licence d’entrepreneur du spectacle précis, même si certaines professions, comme celle d’agent, peuvent appartenir à deux catégories.
Artistes, entrepreneurs culturels et économiques
La « Société Mutuelle pour artistes » ou SMart publiait en 2015 son ouvrage « L’artiste, un entrepreneur ? », qui compare le travail d’un artiste à celui d’un entrepreneur.
Amené à travailler par projet et créant des structures de production, à titre d’exemple, celui-ci suit, d’une certaine manière, une démarche entrepreneuriale. La volonté d’un artiste de créer son entreprise à partir de son art serait donc naturelle et intuitive contrairement à ce que l’on pourrait penser. Le chemin pour y parvenir se révèle cependant souvent tortueux avec une différence notable : la passion.
A noter que les intermittents, interprètes et auteurs, ne peuvent acquérir le statut d’auto-entrepreneur en tant que tel, mais tous peuvent conserver un certain degré de liberté en fondant une entreprise libérale. D’autres professions du domaine artistique disposent toutefois d’une licence spéciale, comme les agents, les producteurs ou les exploitants de salles de spectacle. Certains artistes réussissent tout de même, de par leur nom, à instaurer une institution artistique à eux seuls. Le rapport tenu entre artiste et économie constitue d’ailleurs le sujet de « L’artiste-entreprise », de Xavier Greffe, paru en 2012. Plusieurs artistes, plastiques notamment, désirent rester maîtres de la commercialisation de leurs œuvres et, de fait, se demandent si le statut d’auto-entrepreneur leur est accessible.
Les raisons qui poussent un artiste à devenir auto-entrepreneur
Avant toute chose, il est important de faire la différence entre un artiste auteur, qui se lance généralement en freelance pour être rémunéré sous forme de droits d’auteur, et un artiste interprète, rémunéré sous forme de salaire. De nombreux artistes auteurs souhaitent naturellement maîtriser la diffusion et la commercialisation de leurs œuvres autant que leur conception. Ainsi, le régime d’auto-entrepreneur peut leur paraître intéressant même si beaucoup choisissent d’exercer leur profession sous la forme d’une activité libérale.
Mais ces professions, pour les questions de droits d’auteur, sont le plus souvent rattachées à la Maison des Artistes. Il s’agit de l’organisme de collecte et de gestion des droits à sécurité sociale et à la retraite des artistes auteurs. Son rôle est de valider ce droit pour qu’un artiste auteur puisse obtenir le remboursement de ses soins, ses médicaments et des indemnités journalières auprès de sa CPAM (Caisse Primaire d’Assurance Maladie), comme n’importe quel salarié. Le milieu des arts graphiques, par exemple, relève de La Maison des Artistes et quasiment tous les types de production du domaine graphique et plastique y sont rattachés.
Les artistes auteurs créent leur entreprise sous un statut libéral, qui relève de l’Urssaf et ne peuvent obtenir le régime d’auto-entrepreneur. Un artiste qui crée une activité indépendante distincte (libérale, commerciale ou artisanale) peut toutefois la déclarer dans le cadre de ce régime dès lors que cette activité ne relève pas de son activité artistique. Ce régime présente finalement quelques subtilités qui rendent son accès difficile à beaucoup d’artistes.
Le statut d’auto-entrepreneur, difficilement accessible
L’auto-entrepreneuriat constitue un régime fiscal et social particulier permettant d’exercer une activité indépendante sous forme d’entreprise individuelle. Présenté de cette façon, un profil artistique semble adapté, sauf que les salariés ne peuvent y avoir accès.
Certains professionnels du milieu artistique sont considérés comme tels et ne disposent pas de l’autonomie requise pour accéder au régime d’auto-entrepreneur. De fait, certains professionnels se le voient d’emblée refusé, tels que les intermittents et artistes-interprètes, qui sont perçus comme des salariés de producteurs ou organisateurs de spectacle.
De la même façon, tout professionnel exerçant des activités artistiques rémunérées par des droits d’auteur qui dépendent de la Maison des artistes ne peut, lui non plus, avoir accès au régime d’auto-entrepreneur. Même un technicien du spectacle souhaitant exercer sous son propre nom se verra confronté à plusieurs difficultés, comme le chiffre d’affaires maximal permis par le régime d’auto-entrepreneur, qui peut constituer un frein à l’embauche de salariés. Les plafonds financiers imposés par le régime d’auto-entrepreneur pourraient également dissuader la Commission nationale d’attribuer le label « prestataire de services du spectacle vivant », nécessaire pour valider les heures effectuées par un technicien embauché. La comptabilité simplifiée du régime de l’auto-entreprise rend d’ailleurs impossible toute déduction de frais professionnels. Le régime d’auto-entrepreneur exige une indépendance totale dont peu de travailleurs du spectacle peuvent justifier. Il existe toutefois une licence spéciale dédiée aux entrepreneurs issus du monde du spectacle.