Entretien exclusif avec Paul Silvera, fondateur de la société Silvera, qui s’est imposé comme le leader français de la distribution de mobilier haut de gamme.
Comment en êtes-vous arrivé à l’entrepreneuriat ?
Plusieurs facteurs dans ma vie ont contribué à me guider vers la voie entrepreneuriale. Mon parcours s’est construit naturellement puisque mon père était lui-même entrepreneur. Il avait créé une société de mobilier à Marseille, intitulée « Bureaux et Méthodes ». Cela m’a sans doute influencé au moment de choisir mes études, car je me suis tourné vers l’école de commerce marseillaise Supco. Dans le cadre de mon cursus, j’ai eu la chance d’effectuer un stage à Kansas City aux états-Unis, chez Fixtures Furniture, avant de travailler pour l’entreprise suisse Vitra, spécialisée dans le mobilier design à New-York. Ces deux expériences m’ont beaucoup apporté, notamment car j’y ai fait de belles rencontres qui m’ont véritablement incité à emprunter le chemin de l’entrepreneuriat. Je pense à Raulf Fehlbaum, fils du fondateur de la société Vitra, et Andrée Putman, célèbre designer française. C’est véritablement à leurs côtés que j’ai pu découvrir et me passionner pour le monde du design et l’art contemporain, un univers dont je me suis littéralement inspiré pour les créations que nous commercialisons dans notre entreprise aujourd’hui.
Comment a débuté l’aventure « Silvera » ?
En 1990, je me suis lancé seul dans l’aventure. Je travaillais depuis mon domicile, avant de poursuivre mon activité dans un centre d’affaires, rue de la Baume à Paris. Ma sœur a fini par me rejoindre et en 1991, nous avons créé notre premier showroom, rue du Cherche Midi. Plusieurs personnes se sont greffées au projet par la suite. Notre idée de départ consistait à proposer du mobilier design dans les entreprises en travaillant en partenariat avec des architectes d’intérieur. Nous passions par leur intermédiaire pour promouvoir nos produits. Nous proposions du mobilier de bureau, mais aussi des meubles pour les restaurants, les cafétérias, les hôtels et pour la maison.
Pourquoi avoir choisi le domaine du mobilier ?
Je baigne dans ce milieu depuis l’enfance. J’ai vu mes parents travailler dans ce domaine et cela m’a donné envie de faire la même chose. Pour créer ma boîte, je suis parti d’un constat simple qui consistait à dire que la frontière entre le mobilier de maison et le mobilier d’entreprise était très mince. J’ai volontairement décidé de ne me spécialiser ni dans l’un, ni dans l’autre, contrairement à mon père qui avait choisi de se concentrer sur le mobilier professionnel avec sa société. J’ai décidé d’élargir et de proposer un choix de produits plus large en intégrant aussi le mobilier domestique.
Vous êtes devenu la référence française dans la distribution de meubles design. Quel est le secret d’une telle réussite ?
L’aventure a réellement décollé après 3 ans d’activité, d’une part grâce à la nomination de certaines personnes très compétentes à des postes clés, mais également en raison de l’implication constante de nos salariés dans le projet d’entreprise. Notre bon rapport design/qualité/prix constitue le troisième facteur de réussite de l’entreprise.
Avez-vous une anecdote à partager au sujet de votre aventure ?
En 1992, j’ai eu la chance de rencontrer le PDG de Canal + de l’époque, André Rousselet. Il nous a confié la tâche, à un architecte et à notre entreprise, de réaménager les bureaux du siège social. Ils nous ont fait confiance dans ce projet alors qu’il s’agit d’un très grand bâtiment et que nous avions à peine un an d’existence. De nos jours, cela ne serait plus possible, car le client est devenu plus exigeant. N’importe qui demanderait plus de renseignements sur la société chargée du projet. C’était une magnifique opportunité. Cette expérience a constitué en quelque sorte notre carte de visite. Elle a crédibilisé le projet et véritablement boosté notre développement.
Vous collaborez avec votre femme et votre sœur. Quels avantages y a-t-il à travailler en famille ?
Nous avons la chance de posséder une grande complicité. Nous nous connaissons sur le bout des doigts et nous avons la même vision des choses. Ma femme reste également mon premier soutien. Elle me conseille, m’influence dans certains choix et m’encourage dans le développement de l’entreprise. En tant qu’ancien entrepreneur, mon père m’a lui aussi beaucoup aidé et continue d’ailleurs à me donner de précieux conseils. C’est une vraie chance. Il demeure primordial d’être bien entouré en tant qu’entrepreneur. L’entrepreneuriat familial possède néanmoins un inconvénient majeur, en ce sens que vous ne pouvez jamais décrocher de votre activité. Nos discussions concernent principalement la société, même en dehors des heures de travail.
Quels conseils donneriez-vous à de futurs entrepreneurs ?
Même si l’entrepreneuriat est une bonne expérience, elle représente beaucoup de sacrifices, de soucis, de stress et de responsabilités à endosser. Il faut posséder un certain tempérament, être tenace et avoir une vision claire de la stratégie que l’on veut mener. Être attentif à la motivation de ses collaborateurs est très important puisque cela participe au bon fonctionnement de l’entreprise. Cette motivation dépend à la fois de votre vigilance lorsque vous les recrutez, mais également de leur rémunération. Le deuxième élément est important car si vous réussissez en tant que dirigeant, il est tout à fait normal qu’eux aussi réussissent ! La mesure de la satisfaction client constitue également un autre facteur important à ne pas négliger, encore moins quand on débute. N’oubliez pas que ce sont les consommateurs qui mènent l’entreprise. Il faut comprendre à la fois les raisons de leur satisfaction et de leur insatisfaction pour pérenniser la société. Pensez qu’il faut être polyvalent, c’est-à-dire bon à la fois dans la vente et la finance, connaître le droit, développer une vision marketing. Un bon entrepreneur doit avoir plusieurs cordes à son arc et rester positif quoi qu’il arrive.