OTOQI, la scale-up française qui se développe à l’international !

Interview de de Sébastien de Limon, fondateur d’OTOQI, qui a su développer une entreprise qui poursuit son aventure à l’international. Il a récemment levé 10 M€ pour c ses services de convoyage et de gestion de flotte en Europe.

Comment vous est venue l’idée de créer l’entreprise ?

Je ne suis pas issu du milieu de l’automobile. Et je travaillais chez Air Liquide. En Belgique, la voiture est un peu une excroissance naturelle du corps, une nécessité. Quand on s’installe à Paris, c’est donc une amputation douloureuse car la voiture ne fait plus partie de nos habitudes quotidiennes. J’ai commencé à regarder la mobilité, simplement parce que j’ai passé énormément de temps à aller récupérer ma voiture à la fourrière ou à chercher des places de parking. J’ai ainsi commencé à réfléchir à ce qui pourrait changer. C’était en 2016, l’année du boom de Deliveroo et d’UberEats. Il s’agissait de la première vague des services de livraison.
Avec un collègue, nous avons essayé de répondre à la question : pourquoi est-ce qu’on ne fait pas de livraisons de voiture ? Des managers chez PSA sont venus vers nous et nous ont fait part d’une demande : « nous cherchons quelqu’un ou des startups, pour nous créer des services livraison pour l’après-vente ». Nous nous sommes dit : « Pourquoi pas ? ». Si PSA était intéressé, c’est que cela devait être une opportunité. Nous avons levé très facilement 400 000 € et nous nous sommes lancés.

Que s’est-il passé ensuite ?

Le début fut très dur parce ce que nous pensions jusque-là était faux. Aucun de nous n’avait étudié s’il existait vraiment un marché ou une demande pour ce service. Il s’avère que le service d’origine, c’était en quelques mots : vous avez rendez-vous à un entretien de votre voiture, nous prenons votre voiture, nous l’amenons et nous vous la ramenons quand c’est fini. Or, la réalité, c’est qu’en France, cela coûte à peu près 70 € et que l’immense majorité des gens préfèrent perdre trois heures une fois par an que de dépenser cet argent.
Le deuxième point, c’est qu’il très difficile d’évangéliser ce marché, de faire en sorte que les gens connaissent un service méconnu. Par ailleurs, certains concessionnaires offraient gratuitement notre service et l’incluaient dans leur package d’entretien. En fin de compte, les clients ne savaient même pas que le service existait.
Le troisième point, c’est qu’une fois que vous arrivez à faire marcher ce service, il est très difficile à organiser car il y a de forts pics le matin et en fin de journée mais peu d’activités en milieu de journée.

Comment avez-vous surmonté cela ?

Nous sommes assez résilients et nous nous sommes accrochés. Nous avons réussi à faire démarrer le business et nous avons ainsi atteint un million d’euros de chiffre d’affaires. Au fur et à mesure que nous déplacions les voitures, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait d’autres possibilités, beaucoup plus intéressantes et fructueuses, où il existait un véritable besoin de faire déplacer une voiture d’un point A vers un point B. Un marché est apparu et qui ne se limitait pas autour de la livraison de voitures neuves ou d’occasion, de leasing ou reprise.
En effet, il existe un marché qui est lié à la logistique de dernière minute, du dernier kilomètre automobile. C’est un marché de niche et c’est un peu comme si nous avions raté les rayons « frais et surgelés » dans un supermarché. En fait, cela nous a pris quelques années pour le comprendre. Nous avons donc repositionné et ouvert l’éventail des utilisations qui sont couvertes par Otoqi.

Vous avez commencé par le client au début si je comprends bien ?

Au début, c’est du B2B2C, donc c’est le client final qui payait, mais c’était proposé par le B. Aujourd’hui, il n’y a quasiment plus aucun cas où le client final paye notre service. Surtout, il y a trois facteurs qui ont vraiment changé dans notre secteur et qui ont créé l’émergence d’autres services.


Le premier facteur, c’est que la façon de vendre une voiture a beaucoup changé. À l’origine, il y avait beaucoup de concessions. C’était très granulaire et les gens allaient visiter plusieurs concessions. Or, le rôle des concessionnaires a parallèlement beaucoup évolué et donc côté concessions, notre réseau s’est réduit car la vente est de plus en plus directe. Nous voyons des modèles comme comme celui de Tesla où les showrooms sont apparus. Le showroom n’est plus qu’un endroit d’exposition et toute la logistique du véhicule se passe en dehors du showroom.


Le deuxième facteur est que la façon de vendre des voitures a évolué. La façon d’acheter la voiture a évolué aussi. Avant, on achetait avec ou sans crédit parce qu’avec l’entreprise, nous prenions un leasing. Maintenant, la partie leasing et la partie abonnement se sont beaucoup transformées. Tous ces services requièrent le fait de pouvoir déplacer très vite une voiture de A à B.

Le troisième et dernier facteur, c’est de savoir que la manière traditionnelle de bouger une voiture, c’est par camion. Cependant, le camion n’est pas adapté pour faire du dernier kilomètre. C’est un peu comme commander des sushis pour 10 € et on voit mal pourquoi ils seraient livrés en camion ou même en camionnette. C’est possible de livrer les sushis dans une camionnette, mais c’est juste inadapté. C’est un peu la même chose qui se passe sur tout ce qui est livraison dernier kilomètre. De plus, il y a un manque chronique de camions et les délais sont exponentiels. En moyenne, faire déplacer une voiture en camion va mettre 2 à 3 semaines alors que nous, nous allons le faire de 24 à 48 heures. Or, pour une voiture, c’est l’immobiliser qui vaut cher, donc les coûts de l’immobilisation. Pour certains grands acteurs, souvent, il est plus intéressant pour eux de déplacer le véhicule très vite en faisant rouler que d’attendre 2 à 3 semaines pour le faire déplacer en camion. Ce sont ces trois facteurs-là qui ont vraiment fait décoller notre business.

Quand est-ce que vous avez senti que le vent avait tourné ?

Je pense que nous avons vu ce vent tourner il y a quatre ans. Il y a une verticale importante chez nous, c’est la partie « fleet management » qui a commencé avec tout ce qui est « car sharing ». Le car sharing, en France, est apparu et maintenant, il est très résiduel. Tout ce qui est autopartage joue un rôle majeur en Italie, en Allemagne, sur nos autres marchés. Nous avons vu l’autopartage et nous nous y sommes engouffrés. C’est d’ailleurs maintenant une verticale clé dans l’entreprise. Il y a quatre ans, la partie logistique est devenue un secteur essentiel. A ce moment-là, celui-ci représentait 5 ou 10 % d’un chiffre très modeste. Aujourd’hui, c’est 70 % de chiffre d’affaires alors que nous avons réalisé 20 millions.

Vous avez levé 10 millions d’euros, je crois ?

Oui, exactement. Nous avons levé avec trois nouveaux investisseurs qui sont suisses et italiens. Nous voulions être soutenus par des gens de manière stratégique sur des sujets spécifiques, pour certains marchés. En l’occurrence, les marchés germaniques sont vraiment à la pointe et Peugeot a une réelle emprise en Italie. Par exemple, quand nous entrons dans des pays, un sujet qui est toujours complexe pour nous, c’est l’assurance, parce que les crédits assurance changent selon le pays. C’est souvent nos investisseurs qui nous ont aidés à trouver les bons partenaires pour les contrats d’assurance. Aujourd’hui, il nous faut désormais tout casser pour reconstruire. En réalité, on ne casse pas tout puisque l’on a conservé nos équipes mais il s’agit de casser tous les process.

Est-ce qu’il y a un point que je n’ai pas abordé que vous souhaiteriez aborder ?

Je pense qu’en fait, nous sommes dans une phase qui est assez intéressante parce que nous sommes sortis des périodes de confinement. Il y a eu beaucoup de discours négatifs, de plus en plus assumés, sur le fait que les startups, c’était négatif. Maintenant, c’est passer à l’extrême opposé elles sont considérées comme quelque chose de positif pour l’écosystème. Aujourd’hui, certains arrivent à percer avec très peu de moyens, parce que c’est un défi. J’ai envie de dire, il n’y a pas de raison de céder à la peur de se lancer.

3 Conseils de Sébastien de Limon

  • Bien choisir son marché. Souvent, l’énorme différence qu’il peut y avoir, c’est d’avoir la chance de viser un marché de niche. Bien souvent, on ne se rend pas compte que la taille du marché est centrale. C’est un peu comme les gènes que nous avons à la naissance. Tout le monde ne naît pas avec les mêmes opportunités en main. Quand on monte une startup, on a la chance un peu de choisir le patrimoine initial d’un bébé.
  • S’entourer des bonnes personnes. En tant que fondateur, je suis toujours avec le souci d’un manager, et il faut garder en tête qu’à tout moment d’intégrer les meilleures personnes dans son équipe.
  • Bien choisir son timing.
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