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OpenClassrooms va bousculer la pédagogie en ligne

OpenClassrooms va bousculer la pédagogie en ligne

Avec une croissance exponentielle et un chiffre d’affaires de plusieurs millions d’euros, l’entreprise OpenClassrooms s’est imposée en une quinzaine d’années d’existence comme la référence française et européenne sur le marché des MOOC. Reportage. 

Avec sa montre connectée au poignet, son habit « jean t-shirt » et ses baskets aux pieds, Mathieu Nebra semble tout avoir du parfait startupper. Ce jeune homme de 29 ans a lancé sa boîte il y a déjà 16 ans. Dans ses locaux de la Cité Paradis, située dans le dixième arrondissement de Paris, il pilote OpenClassrooms, leader européen des cours en ligne, aux côtés de son associé et ami Pierre Dubuc.

La journée-type n’existe pas.

À l’instar de ses confrères entrepreneurs, Mathieu ne possède pas de journée-type. « Mon quotidien se structure autour des rendez-vous et des temps forts hebdomadaires et mensuels de l’entreprise » précise-t-il. « Je possède malgré tout quelques rituels, dont le fait de dire bonjour à tout le monde dès mon arrivée entre 9h et 9h30. ». Parfois, Mathieu travaille de chez lui. Mais en nous recevant ce mercredi 10 juin, le jeune homme sait que la journée qui s’annonce sera un vrai marathon. Avant de venir nous raconter la genèse de son projet entrepreneurial, Mathieu profite du début de matinée pour terminer in extremis la préparation de slides pour une conférence qu’il doit effectuer à l’heure de midi. à peine la tâche terminée, il passe près du bureau de Yannig Raffenel, directeur éditorial et pédagogique, qui accompagne les auteurs dans la publication du contenu.

Comme toutes les semaines, les deux hommes font un point sur l’avancée des projets éditoriaux du site. Mathieu donne des indications, oriente la stratégie, pendant que Yannig lui fait un retour sur les problématiques qu’il rencontre au quotidien. « Au-delà de cette petite entrevue hebdomadaire avec Yannick, je participe également une fois par mois au conseil d’administration en compagnie de Pierre et de nos investisseurs » explique Mathieu. « J’en profite pour faire un point avec lui au préalable sur les grands chiffres de la société. » La réunion avec Pierre est d’ailleurs déjà programmée pour 17h, elle se fera dans l’un des nombreux espaces de réunion conviviaux de leurs locaux de la Cité Paradis.

Conférences régulières.

Le quotidien de Mathieu ayant beaucoup évolué depuis la mise en lumière de sa start-up sur la scène française et européenne, l’entrepreneur en est progressivement venu à prendre régulièrement la parole en public. Aujourd’hui, il participe à de nombreuses conférences, au cours desquelles il raconte la genèse d’OpenClassrooms et son parcours de jeune porteur de projet. Ce midi-là, Mathieu se rend justement dans les locaux de l’entreprise SensioLabs à Clichy (92), où il donne une mini-conférence en présence de développeurs informatiques. Une trentaine de personnes sont venues assister à la prise de parole de l’entrepreneur, qui leur livre le récit de son aventure avec la simplicité et la pédagogie qui le caractérisent. Mathieu profite du moment pour distiller quelques conseils sur les débuts d’un projet entrepreneurial.

Un créateur précoce.

L’idée de l’entreprise, Mathieu l’a eue très jeune. à 13 ans, ce fils d’un père entrepreneur et d’une mère enseignante qui évolue alors au collège en classe de 4e se met en tête de vouloir apprendre à créer un site. « Je me suis rendu en librairie où j’ai trouvé un livre sur le langage HTML » raconte-t-il. « J’ai été assez déçu, car le livre paraissait uniquement destiné aux professionnels, aux personnes déjà expérimentées dans la création de sites. Je l’ai quand même acheté et j’ai essayé d’apprendre avec. » L’expérience s’avère complexe. L’entrepreneur en profite pour noter sur un morceau de papier l’ensemble des problèmes qu’il rencontre. « Cela me semblait par exemple aberrant que l’on utilise un mot en page 10 et qu’on le définisse en page 100… »

Fin 1999, Mathieu décide de passer à l’étape suivante : il veut créer son propre site. Il se lance dans la construction d’un espace web qui explique justement aux internautes comment monter soi-même une architecture internet. Le « Site du Zéro » est né. Mathieu y emploie un ton très pédagogique et décortique pas à pas la méthodologie pour comprendre et mettre en œuvre le développement informatique. Progressivement, le trafic du site grandit, uniquement grâce au bouche-à-oreille. Mathieu s’en occupe sur son temps libre, au collège d’abord, puis au lycée et enfin pendant ses études à l’Efrei, école d’ingénieur généraliste en informatique et technologies.

La rencontre qui va tout changer.

En 2002, Mathieu fait la connaissance d’un autre étudiant ingénieur, Pierre Dubuc. « Nous nous sommes retrouvés sur le Site du Zéro » raconte Mathieu. « Pierre aidait les internautes sur certaines problématiques qu’ils rencontraient. Il s’agit d’un véritable petit génie ! Il a eu son bac à 15 ans et est sorti major de promotion de son école d’ingénieur. » Mathieu étant à Paris et Pierre à Lyon, les deux jeunes hommes collaborent à distance et apportent ensemble quelques améliorations au site.

Progressivement, l’idée de fonder officiellement une société émerge dans leur esprit. Lors d’un stage étudiant, Mathieu se rend compte qu’il passe la moitié de son temps à gérer le site en plus de son temps de travail en entreprise. C’est le déclic. Les deux compères s’associent et décident de créer leur start-up. « L’entrepreneuriat n’était pas aussi valorisé que maintenant dans les écoles » explique Mathieu. « Il n’était pas évident de faire ce choix ! D’autant que j’avais un job assuré en CDI à la suite de mes études… Ce qui est certain, c’est que j’ai franchi le cap de l’entrepreneuriat car nous étions deux dans l’aventure. Si j’avais été seul, je ne me serais probablement jamais lancé. »

Croissance fulgurante.

Dès sa création, la start-up connaît un développement rapide. En 2008, les deux fondateurs occupent leurs premiers bureaux de 30 m² à Bourg-La-Reine (92). Mathieu se souvient : « Nous y avons recruté nos premiers stagiaires, puis un premier employé en 2009, ce qui nous a fait passer dans une autre dimension. ».

Deux ans et demi et deux déménagements plus tard, la start-up se retrouve dans des locaux de 250 m² dans le neuvième arrondissement de Paris, sur le boulevard Haussmann.

« Pendant cette période, nous avons apporté de nombreuses évolutions à l’entreprise, dont un changement de nom, ainsi que l’évolution du business model vers un modèle hybride entre média internet et livres pédagogiques » précise Mathieu.

En 2013, le Site du Zéro évolue et est renommé « OpenClassrooms », suite à une volonté des cofondateurs de communiquer désormais sur une marque internationale.

« Nous commencions à nous lancer avec des partenariats auprès d’écoles et d’universités, à concevoir des cours donnant accès à des certifications en ligne. Nous avions du mal à imaginer un titre certifiant intitulé « Site du Zéro », cela ne collait pas à l’image sérieuse que nous voulions lui donner » indique Mathieu.

Avec ce nouveau naming, l’entreprise touche désormais un autre public, plus généraliste. Les internautes qui se rendaient au préalable sur le site étaient plutôt des développeurs, dont le centre d’intérêt essentiel constituait la technique informatique. Une évolution nécessaire que les deux cofondateurs ont réalisée en à peine un mois, en collaboration avec l’agence BETC Startup Lab.

Transparence et créativité, moteurs de la culture d’entreprise.

Aujourd’hui, Mathieu est ravi du chemin parcouru par sa boîte. Elle a désormais élu domicile dans le dixième arrondissement de Paris. Dynamiques et très à l’écoute de leurs collaborateurs au quotidien, les deux jeunes entrepreneurs insufflent à leurs équipes une culture d’entreprise basée sur la transparence, la communication et la créativité. Une fois par mois, ils réalisent une réunion en commun avec l’ensemble de leurs employés. Ils y communiquent sur les chiffres et l’état de santé de l’entreprise, avant d’organiser un repas commun.

Après ces réunions mensuelles, les fondateurs invitent chacun à se répartir différemment dans l’open-space, ce sont les TeamDays. Les membres des différentes équipes commerciales, contenus, marketing et technique se retrouvent aléatoirement, ce qui favorise la communication. Côté management, Mathieu refuse de se voir comme un arbitre, mais plutôt comme un pilote. L’entrepreneur réfléchit constamment de manière itérative et tente de responsabiliser ses équipes au quotidien. Avec son associé, il encourage ses collaborateurs à prendre des risques, à échouer et surtout, à innover en permanence. Il n’hésite pas à évoquer un modèle de fonctionnement « en étoile de mer plutôt qu’en araignée ». « Si vous coupez le bras d’une étoile de mer, le reste fonctionne toujours, alors qu’en tranchant la tête de l’araignée, vous mourrez ! » illustre-t-il.

Flexibilité du travail.

Depuis quelques années, les entrepreneurs réfléchissent également à un aménagement du travail beaucoup plus flexible. Mathieu et Pierre travaillent de concert avec les équipes pour réfléchir à une façon plus efficace de travailler. Le télétravail constitue l’une des pistes étudiées. « Nous sommes convaincus que certaines personnes ont le cerveau grillé à partir de 16h » précise Mathieu. « S’ils restent au bureau juste pour faire acte de présence, cela n’est pas intéressant ! Il vaut mieux qu’ils viennent plutôt le lendemain, voire qu’ils ne viennent pas pendant quelques jours ! Une entreprise qui travaille dans le domaine de la créativité comme la nôtre ne fonctionne pas comme une société fordiste dans laquelle les collaborateurs assemblent des roues sur une ligne de montage… ».

Mathieu désire que ses employés se sentent moins tenus par les horaires, mais beaucoup plus par la création de valeur et le projet de l’entreprise. Concrètement, si tel ou tel employé souhaite aller chercher son enfant à la crèche, ou si ce dernier est malade, les fondateurs sont très compréhensifs. Ils l’autorisent à s’absenter sans problèmes.

Mathieu et Pierre ont établi un quota de quatre jours de télétravail autorisés par collaborateur et par mois. Ces derniers ont simplement pour obligation de prévenir l’équipe 24 heures à l’avance, le manager étant supposé accepter par défaut. « Nous ne voulons absolument pas donner l’impression aux personnes qu’ils ne sont qu’un  maillon de la chaîne. » justifie Mathieu. « Après avoir passé tout ce temps à réfléchir à la manière la plus optimale de travailler ensemble, nous récoltons aujourd’hui le fruit de nos efforts. Les collaborateurs nous sont fidèles et deviennent de plus en plus créatifs. »

Un fonctionnement novateur, que l’entrepreneur déplore ne pas observer plus souvent dans les autres structures au sein desquelles il existe encore un fort ancrage hiérarchique.

Développer un système de mentorat.

Aujourd’hui, Mathieu continue de partager son goût et son don pour la pédagogie en se consacrant à la préparation de cours sous différentes formes. Ses ouvrages sur la programmation sont devenus des best-sellers et ont permis à de nombreux débutants de se former. L’entrepreneur planche constamment sur de nouveaux projets qu’il évoque avec l’œil qui pétille. « Nous développons des cours en anglais, en espagnol et en allemand. J’ai envie d’accentuer notre développement à l’international, de mixer les cultures, je trouve cela exaltant ! ».

Grâce à un partenariat avec IESA multimédia, l’entrepreneur propose désormais un véritable cursus certifiant reconnu par l’état, au même titre qu’une école, mais entièrement en ligne. La société entend développer dans les prochains mois un système de mentorat communautaire. Certains mentors experts pourraient accompagner à distance et aider régulièrement ceux qui suivent les cours. Avec le succès croissant d’OpenClassrooms et le dynamisme de ses jeunes fondateurs, il y a fort à parier que ces projets voient le jour plus tôt que prévu. Et que la start-up ait, peut-être, encore à déménager, qui sait ?…

Les valeurs de l’entreprise

Transparence

  • Transparence. Le concept de transparence est poussé loin chez OpenClassrooms. La manière dont sont agencés les locaux (les salles de réunion demeurent entièrement vitrées) ainsi que la façon dont Mathieu gère ses équipes. La notion de télétravail et le fait que les employés doivent communiquer sur leurs réussites et leurs échecs illustrent parfaitement cette idée.

Objectivité et preuve par les données

  • Objectivité et preuve par les données. En fondant sa start-up, Mathieu est parti du constat que 90 % de nos idées sont mauvaises. Lui-même affirme qu’il en est arrivé là aujourd’hui précisément parce qu’il a commis des erreurs. De plus, rien ne s’est déroulé comme il l’avait imaginé. Au sein d’OpenClassrooms, le « je pense » n’a pas sa place. Chaque projet est mis en place uniquement si des chiffres viennent confirmer sa faisabilité. Après une à deux semaines d’expérimentation, les porteurs de projets observent si l’idée initiale était effectivement bonne ou mauvaise.

Désacralisation de l’échec

  • Désacralisation de l’échec. Tous les membres de l’équipe communiquent leurs échecs aux collègues sur un tchat interne intitulé Slack. Ainsi, les échecs y sont inscrits en rouge, puis analysés par les équipes. Cela leur permet de les améliorer par la suite. Le fait de diffuser les projets qui ont échoué participe à la cohésion générale de l’entreprise et à l’amélioration continue. « Notre force consiste à innover sans cesse » décrit Mathieu. « Pour développer 10 bonnes idées, il faut en avoir une centaine ! Parfois, il suffit de peu pour transformer un échec en réussite. Il pouvait manquer simplement une petite donnée à laquelle personne n’avait pensé sur le moment. »

Le recrutement

  • Un recrutement basé sur les compétences humaines. Quand il recrute, Mathieu est peu regardant sur le CV. Ce qui prime, ce sont les compétences humaines. Les compétences professionnelles ne suffisent pas si la personne ne possède pas la volonté de travailler d’un commun accord avec la notion de transparence. Mathieu privilégiera un candidat aux compétences humaines en phase avec l’entreprise, quitte à combler le manque de compétences techniques par la suite en formant lui-même les nouveaux collaborateurs.

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