Interview d’Inès Besbes, fondatrice de Seedext et ex-collaboratrice de Google. Cette entrepreneure développe une solution pour améliorer la productivité des entreprises. Lauréate de plusieurs distinctions, notamment de Salesforce et SAP, elle a su convaincre récemment Microsoft.
Comment vous est venue l’idée de créer Seedext ?
L’idée m’est venue naturellement puisque j’ai travaillé dans l’IA et la tech pendant plusieurs années notamment en IoT cyber. J’avais constaté le développement de l’IA en Asie et en backend, c’est-à-dire l’utilisation de l’IA en interne pour des process d’analyse. J’avais remarqué qu’il y avait très peu de modèles applicatifs concrets sur des tâches qui sont chronophages et quotidiennes. J’ai pitché cette idée à un concours en 2021, organisé par Salesforce sur l’automatisation des tâches chronophages et le fait d’augmenter la productivité pour les collaborateurs pour leur permettre d’être plus efficaces grâce à l’IA. J’ai imaginé avoir un assistant intelligent qui effectue beaucoup de tâches. La première de celles-ci, c’est la prise de notes en réunion.
Vous avez commencé par la prise de notes en réunion et aujourd’hui, qu’est-ce que peut faire votre IA ?
L’IA va développer de manière exponentielle des sujets différents. Par exemple, la détection des voix autour d’une table. En fait, en résumé, qui a dit quoi, aujourd’hui. Résultat : vous n’avez même pas besoin de prendre de notes. Votre assistant intelligent le fait à votre place. Ainsi, si nous sommes en Visio, il va détecter les différentes voix, les différents interlocuteurs par le biais du micro. Cela s’applique dans une même salle où ils seront détectés automatiquement. Ensuite, il y a des modèles de synthèse interne qui sont personnalisés par entreprise et par métier. Vient en plus, l’analyse conversationnelle, une analyse donc complète de tout ce qui a été dit.
Combien avez-vous de clients aujourd’hui ?
Nous avons près d’une quarantaine de clients. Cela ne fait qu’un an que nous existons commercialement et nous sommes donc fort satisfaits d’avoir déjà tous ces clients, dont des entreprises du CAC 40, des grands groupes publics, etc.
Qu’est-ce qui attire les professionnels vers votre offre ?
La demande principale s’avère la personnalisation. Aujourd’hui, en fait, il y a plein d’outils d’IA qui existent, mais ils sont très généralistes. La deuxième demande c’est la sécurité. Ce sont des demandes qui leur tiennent à cœur parce que les entreprises attendent que nous leur démontrions un ROI concret. En effet, les budgets restent entre guillemets « serrés » dans la période actuelle. Les entreprises doivent présenter un certain retour sur investissement dans l’intégration de nouvelles pratiques. Le fait d’avoir des IA personnalisées qui correspondent à chaque métier et dans lequel on va avoir un vrai retour sur investissement, c’est là où ils vont investir et en parallèle sur toutes les IA qui vont sécuriser des IA. Ils veulent savoir où va la donnée, comment la donnée est utilisée. Ils veulent être sûrs de ne pas se mettre en péril.
Vous êtes pour le moment seulement dans l’audio ?
Nous sommes principalement dans l’audio et nous avons intégré un logiciel d’analyse conversationnel. Nous nous consacrons davantage au textuel, c’est-à-dire que nous allons poser des questions à une IA qui va travailler sur toute la base de données de conversations qui ont été énoncées pendant les échanges. Typiquement, je retrouve ce qui a été dit pendant notre échange actuel et demande à l’IA de l’analyser. Par exemple, nous pouvons demander à l’IA de créer un email récapitulatif de notre échange actuel pour l’envoyer aux différents partis pris de l’équipe de Seedext. Elle peut nous créer un email et l’analyser aussi. Elle peut analyser et vous dire si l’échange a été positif ou négatif, si l’un des participants était plutôt inquiet ou plutôt content.
Quels sont vos objectifs de croissance pour rejoindre le thème du dossier ?
Nos objectifs de croissance sont très clairs. Notre premier objectif concerne toutes les entreprises. Nous voulons augmenter notre développement commercial, donc accélérer toutes nos équipes de commercial pour pouvoir répondre à la demande actuelle du marché. Nous avons beaucoup de demandes de clients et nous avons beaucoup de clients potentiels qui ne sont toujours pas équipés. Nous souhaitons évangéliser le marché et développer commercialement la solution. Ensuite, nous envisageons de réaliser une prochaine levée de fonds et de nous étendre en Europe parce que nous commençons à être sollicités. Le concept est de capitaliser sur cette vague.
Vous avez déjà fait une levée de fonds, il me semble ?
Oui, nous avons fait une levée de fonds d’environ plus de deux millions d’euros il y a quelques mois. Le but était l’accélération commerciale. En effet, nous allons passer d’une équipe de près de quinze personnes à près d’une quarantaine l’année prochaine. L’objectif de cette dernière levée de fonds est d’avoir les équipes nécessaires soit en support, soit en développement, soit en commercialisation avec des profils sales. Nous sommes aussi en train de développer un partenariat avec un laboratoire de recherche que nous présenterons l’année prochaine de manière plus officielle.
Vous êtes au début de la croissance. Comment est-ce que vous l’avez anticipée ?
La croissance, c’était très simple en termes d’anticipation. En 2021, quand je parlais d’intelligence artificielle, tout le monde me regardait en me disant « c’est impossible ce que tu veux faire ! ». Alors que techniquement, je savais que c’était quelque chose qui était réalisable. Avec l’arrivée de Chat GPT, tout a été rendu facile parce que les gens ont été davantage curieux. Ils ont vu concrètement la plus-value de l’IA et ils ont évangélisé ainsi le marché à notre place. Ce qui veut dire que nous, en termes d’anticipation, au début nous pensions que nous devrions former les gens, les informer, etc. Grâce à ChatGpt, nous avons pu accélérer notre R&D et sortir notre produit. Nous l’avons sorti fin d’année dernière.
Comment est-ce que vous pensez gérer la croissance future ?
Pour bien réussir cette croissance, il faut surtout que nous arrivions à recruter les bonnes personnes dans l’équipe, recruter des personnes qui ont cet esprit entrepreneurial, un esprit aussi de start-up. C’est un esprit qui est très différent de ce qu’on peut voir dans les grandes entreprises. Il est vraiment nécessaire d’ être motivé. Mais une fois les bonnes équipes recrutées, il faut développer une bonne stratégie d’exécution de notre produit pour nos clients et pour la demande actuelle.
Pour l’avenir, beaucoup plus lointain, qu’est-ce que vous visez ?
Les objectifs de croissance sont clairs : nous voudrions tripler notre nombre de clients. Nous voulons faire une série A, aller lever beaucoup plus d’argent d’ici la fin de l’année prochaine. Et même pour nos effectifs internes de passer de près de quinze personnes à quarante personnes.
Quel va être votre plus grand défi à venir ?
Le plus grand défi pour nous va être la possibilité de former les collaborateurs internes pour qu’ils se rendent compte de l’apport de l’IA. Il s’agit qu’ils ne soient pas des réfractaires à l’IA. Parce qu’aujourd’hui, nous avons des personnes qui sont, des entreprises d’ailleurs, très curieuses d’intégrer ces solutions. Mais à l’inverse, les utilisateurs, donc pas les décideurs, mais les personnes qui vont utiliser notre produit, peuvent être réfractaires à l’IA en se disant cela va supprimer des emplois. Certains peuvent se sentir en danger. Or, cela devrait être complètement l’inverse.
L’enjeu majeur de ces prochaines années, va être de démontrer aux utilisateurs que cette technologie doit être prise en main pour les aider, pour les assister plutôt que de remplacer des métiers comme beaucoup pourraient le croire. C’est comme la bulle internet qui a éclaté au début des années 2000 où tout le monde avait peur pour les emplois. Or, en réalité une nouvelle économie a été créée, des emplois ont été transformés et de nouveaux emplois sont apparus. En fait, il y a toute une dynamique à prendre en main mais il est indispensable que les utilisateurs soient prêts à l’entendre.
Le marché n’est toujours pas évangélisé depuis ChatGPT ?
En fait, cela a attisé la curiosité mais aussi la peur. C’est une courbe. J’avais dit à un moment donné par rapport à la courbe d’intégration de nouveaux outils sur le marché, nous commençons par nous interroger sur le fait qu’il y a un nouvel outil, être émerveillé, puis ensuite être surpris, puis ensuite avoir peur. Il y a toute cette vague et après l’outil est apprivoisé. Il existe donc tout ce cycle qui doit être pris en main et il est réellement important de le garder en tête parce qu’il s’agit d’un frein pour certains. Nous sommes dans cette vague-là, nous sommes dans ce cycle-là et l’idée est de les accompagner et d’ être là au moment où cette crainte se transforme en adoption.
Est-ce que l’IA demain sera un peu obligatoire pour ambitionner une croissance ?
Totalement ! Je pense que les entreprises de demain qui n’auront pas d’IA seront complètement en retard par rapport à leurs concurrents, comme nous avions vu des entreprises qui étaient réfractaires à la numérisation, la digitalisation au début des années 2000, qui n’ont pas voulu innover sur cette partie-là et se sont trouvées complètement en retard par rapport au marché. Certains n’ont pas pu combler leur retard. C’est maintenant qu’il faut équiper les entreprises, former les collaborateurs, les intégrer dans les processus avant de se faire rattraper par d’autres concurrents et se retrouver complètement lésés sur le marché.
Vous, en tant que dirigeants de votre entreprise, est-ce que vous avez une stratégie pour la fidélisation de de clients, même si vous visez la croissance ?
Alors pour nous, la stratégie de fidélisation est très simple : c’est par notre outil. Les clients vont personnaliser leur outil tellement bien que ce ne sera pas l’utilisateur et même pas par métier ou par secteur. Nous allons aller bien au-delà. Chaque personne a la possibilité de le paramétrer, de le personnaliser pour elle. C’est-à-dire qu’en fait, la fidélisation va se faire assez tacitement. Parce que quand nous avons paramétré un outil exactement comme nous le souhaitons nous n’avons pas envie de changer d’outil. Nous devrons pouvoir l’adapter et je pense que là, nous avons une vraie carte à jouer avec Seedext sur la personnalisation. Plus l’outil va être personnalisé à l’entreprise et aux collaborateurs, plus ils vont intégrer l’outil dans leurs pratiques. Et là, par exemple, moi, je sais que depuis un an, je n’ai plus du tout l’habitude de prendre des notes. En effet, si je reprends l’ancienne habitude de prise de notes, cela va être une contrainte pour moi au quotidien de me réadapter. Je préfère avoir mon assistant. C’est même un sentiment de sécurité où je sais que je pourrais toujours revenir sur mes notes, je pourrais toujours revenir sur ce qui a été dit. Je ne perds pas d’informations. Par exemple, le fait de ne pas l’avoir dans certaines réunions, je réalise sa pertinence.
Est-ce que vous avez fait des partenariats stratégiques ?
Nous allons réaliser des partenariats stratégiques, et nous en avons déjà. Nous avons eu celui de Microsoft récemment, nous avons eu celui de SAP, de Google, de Slack, de Salesforce. Nous avons plusieurs partenaires officiels. Nous avons gagné des concours qui nous ont mis sur le devant de la scène. Ces partenariats vont nous permettre de proposer les meilleures solutions à nos clients, que ce soit pour les clients qui utilisent Microsoft, pour les clients qui utilisent SAP, Salesforce…
Quelle est la plus grande difficulté que vous avez rencontrée ?
La plus grande difficulté a été l’évangélisation. Cependant, plus nous allons avoir de concurrence, plus nous allons être plusieurs à évangéliser le marché. La concurrence s’avère donc une bonne nouvelle. Beaucoup de personnes perçoivent la concurrence comme négative. Je suis quelqu’un qui la voit comme positive. Cela va nous permettre de proposer à tous nos clients la meilleure des solutions à intégrer dans leur processus interne. Cela rejoint évidemment ce que je disais tout à l’heure, le fait qu’il faut absolument former les gens, leur permettre de voir que cela a un vrai impact dans leur quotidien pour qu’ils puissent les adopter. Et comme moi, en fait, un an plus tard, ils ont tellement de tâches automatisées qu’ils n’ont plus envie de revenir sur un modèle complètement manuel.
Vous aviez quelque chose à dire sur les sur les KPI ?
Nous, nous avons des KPI au niveau de Seedext, c’est-à-dire qu’un collaborateur passe en moyenne quatre heures par semaine à faire des comptes rendus de réunion. Ce qui veut dire que pour nous, en fait, il y a un vrai retour sur investissement, c’est que nous parlons d’un collaborateur en moyenne. Je ne parle pas de certains métiers où ils passent leur temps à faire des comptes rendus. En moyenne, une personne passe quinze à vingt minutes à faire des comptes rendus et il s’agit d’une moyenne. Il y en a qui passent une heure, deux heures à faire des comptes rendus ou des rapports de leurs réunions. Il y a des entreprises qui ne structurent pas du tout, c’est-à-dire qu’en fait, ils font plein de réunions, ils perdent des informations et ils continuent. Ils font des réunions en continu sans garder de traces de ce qui a été dit parce qu’ils n’ont pas le temps de pouvoir le faire. Et en fait, nous, il y a un ROI qui est direct, nous avons une efficacité qui est à plus de quatre-vingt-dix pour cent. Pour certains métiers, quatre-vingt-seize pour cent ou en gros, ils n’ont juste qu’à relire ce qui a été dit et l’envoyer, le télécharger et l’envoyer. Et ils ont déjà tout le travail qui a été prémâché pour qui veut dire qu’à la fin de l’année, nous considérons qu’il s’agit d’un salaire par employé par an qui est épargné en utilisant Seedext.
Concrètement, cela se passe comment ?
L’IA intervient donc comme un participant. Là, vous ne pouvez pas le voir parce que vous êtes par téléphone, mais là, l’IA, est intégrée comme un participant en plus dans la réunion Seedext de Visio. Sinon, elle peut être intégrée en enregistrant un échange. Donc là, typiquement, ce que vous êtes en train de faire avec votre enregistreur, vous pouvez mettre votre enregistrement directement dans Seedext pour permettre à l’IA de mouliner et de créer le compte rendu. Et donc c’est du présentiel et de l’hybride et du distanciel.