Kevin, Norman et Yohann, sont aujourd’hui dirigeants du groupe MGC International, fondé il y a 32 ans par leur père, un « entrepreneur effréné ». Ils se livrent -enfin- sur une success story familiale « made in France ».
Votre père est arrivé en France à 21 ans. Quel a été son parcours ?
Il quitte le Maroc pour rejoindre Paris en 1971 après un séjour de plusieurs mois en Asie. L’affaire de famille, c’est à l’époque le vêtement. Mon père a « eu » son 1er magasin à 14 ans au Maroc, Adam&Eve. Il a toujours travaillé lorsqu’il n’était pas à l’école. Quand nore famille s’est installée en France, elle a cherché dans toute l’Europe les nouvelles tendances pour pouvoir les proposer à Paris, dans une nouvelle boutique familiale. Il a exercé ce métier pendant près de 15 ans, notamment avec ses frères, sœurs et enfants qui aidaient,… Bref, il y avait déjà un modèle familial ! Il est par contre le seul de la famille à s’être diversifié par la suite.
Pourquoi quitter le vêtement et se lancer dans la cosmétique dans ce cas ?
En observant la réussite de la boutique « d’à côté », qui vendait des produits de coiffure. Il ne connaissait rien à ce métier mais, ayant le sens du commerce, il y voyait une belle opportunité. Aussi, il se rendait compte que la femme est toujours sensible à la beauté et que ce secteur ne connaît jamais la crise. Il avait entendu dire que pendant la guerre, certaines femmes échangeaient leur panier de provisions contre un tube de teinture. Notre père a donc ouvert son premier magasin pour devenir grossiste des professionnels de la coiffure et de la beauté. Il y a apporté les codes du vêtement (ouverture entre midi et deux, et le samedi, mise en avant sur la vitrine, etc.) – des mesures très modernes pour l’époque. Le magasin a été créé avec l’envie de se différencier, d’aller vite et en établissant des rapports étroits avec les clients et les fournisseurs.
Pourquoi se diriger vers le cosmétique ethnique ?
à l’époque, ça n’existait pas du tout en France ! Le marché de l’ethnique se répandait seulement aux états-Unis. Lors d’un voyage, mon père est tombé sur des publicités présentant de très jolies femmes noires et des produits ethniques. Il a décidé de prendre les références de ces publicités, et d’aller « toquer » aux portes des fabricants, pour importer ces produits en France dans son magasin. Il a tout de suite eu les licences en exclusivité étant donné qu’il était le seul français à demander cela ! Notre père est un entrepreneur-né, qui sait détecter les opportunités et n’a jamais eu peur du risque. Il avait aussi recruté une responsable d’origine africaine pour accueillir cette nouvelle clientèle et répondre au mieux à leurs problématiques. Cela nous a valu à l’époque de nombreuses inimitiés. Le bouche-à-oreille est allé très vite. Tous les jours, il y avait 4h de file d’attente ! Il a été seul sur le marché pendant 15 ans, et est devenu la référence de produits ethniques en France.
Comment s’est déroulé le développement du groupe ?
Tout à fait naturellement. Nous avons notre unité de fabrication, une activité de distribution par notre réseau de magasins, de gros et d’exports et maintenant la franchise, en plus de l’activité e-commerce qui marche très bien. On va très vite, on teste nos produits et s’ils plaisent, on les commercialise rapidement, quand cela prend des années pour les grands groupes. On vise aussi sans cesse de nouveaux marchés. Aujourd’hui, on est présent dans 88 pays, dont l’Afrique qui représente 50 % de l’export. C’est notre terrain de prédilection, car on y est venu les premiers et on connaît parfaitement les besoins de nos clients. Notre force à l’international, c’est d’adapter notre stratégie selon la culture et le pays visé, alors que les grands groupes n’ont pas cette flexibilité là. Après, c’est logique, on a forcément une approche marketing différente quand on vend à des pharmacies ou au marché « Sandaga » à Dakar. Notre notoriété spontanée est impressionnante en France et à l’étranger : je reviens du Cameroun où tout le monde connaît la marque !
30 ans après, où en est la société aujourd’hui ?
Aujourd’hui la société a 32 ans. Nous sommes 45 collaborateurs, et la taille du groupe a quasiment doublé depuis 5 ans ! Chaque année on compte un taux de croissance à 2 chiffres, et en 2019, on veut que MGC double encore ! On compte attaquer des marchés émergents, comme le Brésil et la Chine qui sont très friands du « made in France ». Les salons professionnels (prochainement Londres, Istanbul et Taïwan), nous permettent « d’ouvrir » de nouveaux pays et de consolider notre présence locale.
Vous êtes quasiment nés avec MGC. Enfants, comment voyiez-vous la croissance du groupe ?
On a toujours discuté des « affaires » à la maison. Notre père nous parlait de tout, il recherchait toujours le feedback des enfants, pour avoir un avis plus « innocent ». Ce n’est pas qu’il voulait nous préparer à sa succession, mais nous éduquer. C’était un rêve qu’il nous a transmis : travailler tous ensemble. D’ailleurs, notre sœur Laura vient de nous rejoindre, au pôle communication. Aujourd’hui, on perpétue l’affaire familiale. On habite à proximité les uns des autres, on parle business à la maison, etc… !
En 2006, votre père a été fait Chevalier de l’Ordre National du Mérite…
Cela a été une grande fierté pour tous, son père l’avait eu avant lui, c’était dans la continuité de son œuvre. Ce sont des personnes qui, déjà au Maroc, ont toujours voulu aider les gens. Notre père n’est pas allé très loin à l’école et n’a pas de diplôme mais il a tout construit seul. C’est un grand modèle pour nous. Et aujourd’hui, on ne fait pas une affaire sans son approbation…
Les conseils de Marcel Cohen
- En premier lieu, croire à son projet, être passionné, s’entourer de personnes de confiance et de talents. Partager ses idées avec son équipe car nul ne peut y arriver seul. Savoir prendre des risques, mesurés bien évidemment et ne pas hésiter à se remettre en question. Il faut apprendre de ses erreurs et reconnaître ses faiblesses, savoir se relever après un échec et en tirer des leçons. Créer son entreprise, aujourd’hui, est plutôt difficile et représente un vrai challenge. Il faut avoir le respect de son travail, de ses collaborateurs, de ses engagements, du travail bien fait, être à l’écoute de son marché, des tendances et s’inspirer de ce que font les meilleurs ! C’était une évidence, depuis mon premier magasin au Maroc à l’âge de 14 ans, j’ai toujours voulu entreprendre, être autonome… Les challenges me motivent. Il faut être passionné par ce qu’on fait sinon on ne peut pas réussir. Entreprendre suppose des sacrifices, des responsabilités et des choix, parfois difficiles, mais c’est une formidable expérience et c’est ce que j’ai toujours souhaité faire.