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Interview de Lukasz Gadowski, Fondateur de Spreadshirt

Entretien exclusif avec Lukasz Gadowski, fondateur de Spreadshirt, l’entreprise allemande d’impression de tee-shirts à la demande qui cartonne à travers le monde.

Comment vous est venue l’idée de créer Spreadshirt et pourquoi avoir choisi ce secteur si particulier ?

Cette idée vient du temps où j’étais conseiller pédagogique. Pendant deux ans, j’ai interrogé un petit imprimeur de tee-shirts sur son développement stratégique et organisationnel et j’ai ainsi pu avoir un petit aperçu du marché de l’impression textile. L’idée de créer Spreadshirt m’est alors apparue : une boutique  gratuite et facile à mettre en place pour les opérateurs de sites Internet, qui permettrait d’offrir des produits uniques et de qualité.

Un an après le lancement, l’entreprise est déclarée « projet de commerce irréaliste » par un concours d’entrepreneuriat ! Cela ne vous a pas découragé ?

De nombreux business angels n’ont pas souhaité supporter le projet et toutes les banques contactées nous refusaient nos demandes de prêts. Tout ceci nous a retardés, mais nous n’avons malgré tout pas baissé les bras. Nous avons finalement créé Spreadshirt sans fonds extérieurs, uniquement avec la vente des tee-shirts, en autofinancement.

Pourquoi avoir pris un associé un an après la création de l’entreprise ?

Matthias Spiess a été l’un des tous premiers clients de Spreadshirt. Un jour, il m’a contacté pour m’informer du manque de sécurité sur le site Internet. Matthias a perçu le potentiel du concept et a mis à ma disposition les connaissances en informatique qui me faisaient défaut. C’est ainsi qu’il est devenu naturellement mon associé à la tête de l’entreprise.

Comment avez-vous abordé le développement à l’international ?

Le concept de Spreadshirt n’est pas spécialement conçu pour le marché allemand. Depuis le début, nous avions dans l’idée d’utiliser le potentiel international pour ensuite devenir une plateforme globale. Nous avons traduit le site petit à petit et essayé de pénétrer d’autres marchés. Dans l’univers online, une entreprise est dite « internationale » dès qu’elle propose un site dans une autre langue. Mais dans la réalité, ce n’est pas si simple de s’internationaliser… Au Japon par exemple, nous avons dû stopper notre activité environ un an après le lancement du site. Nous avons appris qu’avoir un site dans la langue locale n’était pas une garantie de réussite. Il faut également savoir traduire l’offre en fonction des spécificités culturelles du pays et avoir une véritable stratégie de pénétration sur place. Nous nous sommes donc concentrés sur certains marchés clés en Europe où nous avons travaillé avec des responsables commerciaux locaux. Aux états-Unis, nous sommes mêmes allés jusqu’à installer nos propres unités de production.

Pourquoi avoir racheté le célèbre site français laFraise en 2006 ?

En juin 2006, l’entreprise a pu bénéficier pour la première fois de fonds de capital risque. L’acquisition de laFraise est apparue comme un bon levier de croissance, notamment en France. Nous avons eu l’opportunité d’utiliser le savoir-faire du concours de design le plus prolifique d’Europe, ainsi que de l’expertise d’une vaste communauté. La popularité croissante de Spreadshirt devait en échange pouvoir renforcer l’internationalisation de laFraise.

Pour créer les logos successifs de l’entreprise, vous avez par deux fois fait appel à la communauté des clients : pourquoi ?

Le concept de l’entreprise repose sur la créativité de ses clients. Il était donc logique pour nous d’impliquer la communauté dans le choix de notre logo à travers des « Open Logo Project ». Notre seconde opération de crowdsourcing pour le design du logo a fait participer plus de 2 000 designers de 45 pays différents !

Spreadshirt a été nommée « Great Place to work » : que faites-vous de particulier pour le bien-être de vos salariés ?

Dès le lancement de l’entreprise, nous avons privilégié la création d’une atmosphère détendue et chaleureuse, ce que l’on appelle souvent « l’ambiance start-up ». à cette époque déjà, nous avions des terrasses et des consoles de jeux vidéo pour permettre aux employés de se détendre et de se remotiver. Aujourd’hui, plus de 450 personnes travaillent pour nous sur deux continents. Et pourtant, nous n’avons pas perdu cet esprit start-up : nous avons un « Feel Good Manager » (manager bien-être) qui organise des évènements en interne comme des sessions de cuisine pour le personnel. Nos employés doivent aimer aller travailler et s’amuser dans ce qu’ils font. C’est notre idée fixe !

Vous avez lancé « La journée du tee-shirt » : qu’est-ce que c’est ?

Il y a des jours fériés pour tout. Mais jusqu’alors, il n’existait pas de journée internationale du tee-shirt ! Parce que le tee-shirt est l’essence même de Spreadshirt, nous avons pensé en 2008 qu’il était urgent de mettre en place cette journée. L’idée derrière cet évènement était d’introduire un jour pour donner aux amateurs de tee-shirts du monde entier une raison de célébrer la plus versatile de toutes les pièces de leur garde-robe ! Ce jour a été fixé au 21 juin. Ces dernières années, la journée du tee-shirt a été célébrée à Berlin, Leipzig… New York et même Mykonos.

Etes-vous toujours à la tête de l’entreprise ?

Mon rôle chez Spreadshirt a évolué au cours des années. En 2007, j’ai cédé mon rôle de CEO et mes tâches opérationnelles. Quelques mois plus tard, j’ai été nommé Responsable du conseil de surveillance de l’entreprise. Depuis, je me concentre plutôt sur les aspects stratégiques du développement.

Avec le recul, quelles ont été les principales difficultés dans le lancement de votre projet ?

Lorsque nous avons lancé Spreadshirt, très peu de personnes percevaient le potentiel du e-commerce. Il existait un certain scepticisme quant au lancement de nouveautés liées au web et il était très difficile d’obtenir des aides financières pour de tels projets. Nous avons donc dû passer pas mal de temps à tenter de convaincre nos potentiels investisseurs. Avec du recul, il a peut-être été plus positif pour nous de lancer Spreadshirt sans l’aide d’investisseurs ou de banques : nous avons été entièrement libres de nos choix.

3 Conseils de Lukasz Gadowski

  • S’éloigner des sentiers battus

Lorsqu’on veut créer une entreprise, il faut sortir de tout ce qui a déjà été fait auparavant et proposer quelque chose d’original. C’est la clé pour sortir du lot et réussir.

  • Encourager ses équipes à oser

Nous incitons nos salariés à prendre des décisions et allons même jusqu’à leur demander explicitement de faire des erreurs ! La peur de se tromper, le fait de vouloir faire les choses parfaitement bien est un instinct très fort. Les employés ont donc naturellement tendance à ne pas trop oser pour facilement éviter les erreurs. En encourageant les salariés à oser, le taux d’innovation de l’entreprise croît naturellement.

  • Ne pas refaire les mêmes erreurs

Si nous demandons à nos équipes de faire des erreurs, nous leur conseillons tout de même de ne pas faire la même deux fois ! Ceux qui acceptent leurs erreurs et en parlent ouvertement avanceront davantage que les autres, car ils auront appris à ne pas retomber dans les mêmes pièges.

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