Interview exclusive de Ludovic Huraux, cofondateur du site de rencontres haut de gamme Attractive World.
Comment vous est venu le goût de l’entrepreneuriat ?
Je crois que depuis tout petit cela me plaisait… Déjà enfant, j’essayais de comprendre comment les boulangers gagnaient leur argent ! Mais au départ, je me voyais plutôt devenir agent de sportifs, comme Tom Cruise dans le film Jerry Maguire. Puis je me suis rendu compte que ce monde était trop fermé pour que je puisse réaliser mon rêve.
Alors vous vous êtes dirigé vers une carrière dans les fonds d’investissement ?
Oui, j’ai commencé à m’intéresser au secteur du private equity. J’ai réussi à m’y glisser par un petit trou de souris ! à 21 ans, j’ai finalement été embauché par un fonds qui gérait 200 millions d’euros. Pendant trois ans j’ai travaillé dans ce fonds qui me confiait de grosses responsabilités malgré mon jeune âge et dans lequel je gagnais extrêmement bien ma vie. Cela a été très dur de quitter ces conditions de rêve pour monter ma propre boite !
Justement, pourquoi avoir lâché ce poste en or pour créer votre entreprise ?
Dans le fonds, je travaillais avec des entrepreneurs qui avaient bien réussi. Et moi je n’avais qu’une idée en tête : je rêvais d’être à leur place, pas à la mienne ! J’avais d’ailleurs une idée tous les mois de business à créer. Mais je n’avais pas le courage de quitter mon super job dans lequel je savais que je gagnerai beaucoup d’argent. Et puis bien sûr ma famille avait tendance à me déconseiller de prendre ce risque.
Quel a été le déclic ?
Un jour, j’ai eu l’idée d’Attractive World. J’en ai parlé à mes deux meilleurs amis qui m’ont dit qu’ils en avaient assez de m’entendre parler de mes idées de création sans que je me décide à me lancer. Ils m’ont dit que, soit je devais créer mon entreprise, et que dans ce cas là ils se lançaient avec moi, soit je le regretterais. Ils m’ont convaincu en me disant que si je n’osais pas faire ce pas, alors je pourrais rester dans mon job confortable et raconter mes exploits dans les dîners, mais que je ne serais jamais heureux.
Comment vous est venue l’idée d’Attractive World ?
A l’époque, le marché de la rencontre amoureuse était trusté par le géant Meetic, qui était déjà coté en bourse. Je me suis dit que le marché allait forcément finir par se segmenter en fonction des attentes et des styles de vie des gens. L’idée d’Attractive World est de proposer un service plus haut de gamme avec une sélection des membres à l’entrée, pour créer la confiance. Via un formulaire d’inscription envoyé par le célibataire souhaitant intégrer la communauté, les membres d’Attractive World peuvent décider ou non de le faire entrer. Il n’y a qu’environ un tiers des demandes qui sont retenues. Autre élément de différenciation : nous proposons aux membres des évènements dans la vie réelle.
N’est-ce pas difficile de gérer cette sélection à l’entrée ? Vous perdez beaucoup de clients ainsi…
Oui, mais nous étions obligés de passer par là si nous voulions ne pas tomber dans les travers des autres sites de rencontres. Après, c’est vrai que pour faire accepter cette idée aux investisseurs, nous avons dû trouver un modèle qui nous permette d’être rentable malgré cela. C’est la raison pour laquelle notre abonnement est jusqu’à deux fois plus cher que chez nos concurrents. Fixer ce prix plus élevé était un vrai pari : nous savions que les gens étaient prêts à payer 30 euros par mois un site de rencontre, mais rien ne nous assurait qu’ils accepteraient d’en payer le double.
Deux ans après le lancement vous êtes passés du modèle gratuit au payant.
Comment avez-vous fait passer la pilule auprès des membres ?
Les membres était prévenus dès le départ qu’un jour le site deviendrait payant, donc ils n’ont pas été étonnés. Ensuite, pour faire accepter ce changement de modèle, nous avons accordé de la gratuité supplémentaire aux clients inscrits avant le changement.
Quelles ont été les plus grosses difficultés que vous avez rencontrées ?
Je crois que, quand nous nous sommes lancés, nous étions très naïfs. Si nous avions imaginé toutes les difficultés que nous avons rencontrées et les besoins en financement qui ont été nécessaires, je ne suis pas sûr que nous nous serions lancés ! Nous nous disions alors que lancer un site ne devait pas être si compliqué que cela, or c’est très complexe. Nous aurions pu vraiment aller dans le mur fin 2008 à cause d’erreurs techniques. En effet, nous avions sous-traité la construction du site à un prestataire qui nous a rendu avec 6 mois de retard un site complètement inexploitable. Nous ne pouvions pas passer au modèle payant car le site buggait de partout !
Comment avez-vous financé le site ?
Au départ, nous avons mis nos propres économies, 100 000 euros au total. Et nous avons fait notre première levée de fonds en 2008 de 550 000 euros auprès de business angels. Cette première levée m’a permis de commencer à me verser un salaire, 8 mois après le démarrage. Depuis le début, nous avons levé en tout 5,3 millions d’euros auprès de business angels uniquement.
Est-ce que cela a été difficile de faire la première levée de fonds ?
Oui, car au début le site était une sorte de coquille vide, sans chiffre d’affaires, sans équipe… Après je pense qu’on a été aidé par le fait que les médias s’intéressaient à nous. Lorsqu’on a contacté les business angels, nous avions déjà fait plusieurs passages à la télévision.
Est-ce que votre expérience en tant qu’investisseurs vous a aidé pour la levée de fonds ?
Oui, car je savais comment préparer un bon dossier, avec un discours raisonnable et une vraie étude de marché. Je savais parler leur langue ! C’est vrai aussi que j’avais la chance de m’être constitué un solide réseau dans le capital investissement.
Les 4 conseils
- S’associer avec des gens qui ont les mêmes valeurs mais pas la même personnalité. Pour réussir, il vaut mieux choisir des associés avec qui l’on partage les mêmes valeurs, mais qui n’ont pas les mêmes compétences. Sinon il est probable que cela aille au clash car personne ne trouve sa place dans l’entreprise : tout le monde est fort pour les mêmes tâches et personne ne veut s’atteler à d’autres pôles.
- Ne pas sous-estimer le besoin de financement. Vous pouvez avoir une superbe idée, si vous sous-estimez le besoin de financements ou si vous vous y prenez trop tard pour lever, tout peut s’écrouler. Il faut bien anticiper, bien évaluer.
- Bien choisir des actionnaires. S’il y a une mauvaise entente avec les actionnaires ou que ceux-ci sont trop court-termistes, qu’ils veulent faire des plus-values trop rapidement, cela peut tout casser.
- Pensez à l’épanouissement de vos salariés. C’est une chance incroyable de pouvoir entreprendre. à partir du moment où les choses marchent, il faut vraiment essayer de le rendre au maximum à ses salariés.