Le droit à la déconnexion est devenu un sujet central dans le débat sur le bien-être au travail et la performance des entreprises. Au cœur de cette problématique : l’équilibre entre la vie professionnelle et personnelle, un équilibre de plus en plus fragile dans un monde connecté en permanence. Alors que les technologies numériques facilitent l’accès au travail à tout moment et en tout lieu, elles engendrent aussi des risques de surcharge, de stress et de burn-out pour les salariés.
Le droit à la déconnexion en résumé
Le droit à la déconnexion, instauré en France en 2017 dans le cadre de la loi travail, vise à garantir aux salariés la possibilité de se couper des outils professionnels en dehors de leurs horaires de travail. Mais au-delà de son aspect juridique, il soulève une question fondamentale : comment les entreprises, notamment les start-ups, peuvent-elles créer un environnement qui permette à la fois de préserver la qualité de vie des employés et de maintenir un haut niveau de performance ?
Une nécessité face à la numérisation du travail
L’avènement des technologies numériques a transformé en profondeur l’organisation du travail. L’email, les messageries instantanées, les plateformes collaboratives ont fait tomber les barrières temporelles et géographiques, permettant une gestion plus flexible, mais aussi une pression accrue pour rester constamment joignable.
Selon une étude menée par l’INSEE en 2022, 41 % des salariés français sont victimes de sur-sollicitation professionnelle en dehors des horaires de travail. Cette situation crée un épuisement mental, souvent associé à des symptômes de stress et de burnout. C’est dans ce contexte que le droit à la déconnexion a été instauré, obligeant les entreprises à mettre en place des politiques permettant de limiter cette surcharge.
Le droit à la déconnexion est, en théorie, un levier pour améliorer la qualité de vie des salariés, en réduisant la pression de répondre à des messages ou d’être disponible en permanence. Il a également des répercussions sur la productivité des entreprises. En effet, un salarié qui bénéficie d’un équilibre sain entre vie professionnelle et personnelle sera plus productif et moins enclin à des absences pour raisons de santé mentale.
Un défi culturel et organisationnel
Les start-ups, par leur culture de travail souvent intense et leur structure flexible, sont confrontées à des défis particuliers en matière de déconnexion. La volonté de réussir rapidement, la pression des investisseurs et l’ambition d’innover à tout prix peuvent rendre la mise en œuvre d’une politique de déconnexion difficile, voire contre-productive.
Cependant, certaines start-ups françaises ont su s’adapter à cette nouvelle exigence en développant des stratégies originales pour maintenir un équilibre entre performance et bien-être des employés. Prenons l’exemple de Blablacar, l’entreprise française qui, bien qu’elle soit en pleine expansion, a réussi à mettre en place une politique de déconnexion favorable à ses employés. Blablacar permet ainsi à ses collaborateurs de déconnecter après 18 heures, avec une politique claire interdisant l’envoi d’emails ou de messages professionnels en dehors des horaires de travail, sauf urgence. Un dispositif de « quiet hours » a aussi été instauré, période pendant laquelle les équipes se consacrent à leur travail sans aucune interruption externe.
Une autre start-up française, Alan, une entreprise d’assurance santé numérique, a mis en place un outil interne de gestion des emails et notifications. Ce système de « notifs » permet aux salariés de ne pas être dérangés en dehors de leurs horaires de travail, avec un fonctionnement basé sur une communication plus consciente et réfléchie. Alan a également instauré une culture de la déconnexion en encourageant ses équipes à partir en vacances sans garder de contact avec le travail.
Ces deux entreprises font figure d’exemple, mais cette démarche ne se résume pas à un simple cadre juridique. Elle doit s’inscrire dans une transformation culturelle et organisationnelle profonde.
Études sur l’impact du droit à la déconnexion sur les entreprises
Des études récentes soulignent l’importance de l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle, non seulement pour la santé des employés, mais aussi pour la performance des entreprises. Selon une étude menée par Cadremploi en 2023, près de 70 % des salariés estiment qu’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle contribue à leur bien-être, et 60 % déclarent que cela améliore leur productivité.
Une autre étude, réalisée par OpinionWay pour le cabinet Empreinte Humaine en 2024, montre que 53 % des salariés français se sentent plus épanouis dans leur travail lorsqu’ils ont la possibilité de déconnecter, et 56 % jugent que leur engagement est plus fort lorsque l’entreprise leur permet de préserver leur vie personnelle.
Cependant, ces résultats ne sont pas uniformes selon les secteurs. Les entreprises du secteur numérique, où les tâches sont souvent liées à des projets innovants ou des deadlines serrés, peuvent rencontrer davantage de difficultés à instaurer une déconnexion véritable. Néanmoins, l’initiative de start-ups comme Blablacar et Alan montre qu’il est possible de trouver des solutions adaptées à ces spécificités.
Comment les start-ups peuvent-elles équilibrer performance et bien-être ?
Les start-ups, souvent caractérisées par une culture de flexibilité et de travail acharné, peuvent avoir du mal à intégrer le droit à la déconnexion sans que cela nuise à leur efficacité. Pourtant, plusieurs leviers peuvent être utilisés pour parvenir à un compromis entre performance et bien-être.
L’instauration de d’heures sans interruption :
Des moments spécifiques durant lesquels les employés peuvent se concentrer pleinement sur leur tâche, sans recevoir de sollicitations extérieures. Ces périodes doivent être définies collectivement, en fonction des besoins de chaque équipe.
La promotion de la flexibilité :
Plutôt que d’obliger une coupure stricte, il est possible de favoriser une gestion autonome du temps. En permettant aux collaborateurs de gérer leur emploi du temps, les start-ups favorisent un équilibre personnalisé, qui respecte les impératifs professionnels tout en offrant des plages de déconnexion suffisantes.
La création d’une culture de la confiance :
Les start-ups peuvent faire un choix stratégique en privilégiant la transparence et la confiance au sein de leurs équipes. Une culture du résultat, plutôt que de l’horaire, encourage les salariés à gérer leur propre déconnexion tout en étant responsables de leur productivité.
L’utilisation des technologies de manière responsable :
Encourager l’utilisation d’outils collaboratifs tout en instaurant des règles claires sur leur usage. Par exemple, utiliser les messageries instantanées uniquement pour des messages urgents et interdire leur utilisation en dehors des heures de travail.
En définitive, la déconnexion n’est pas une menace pour les entreprises, mais une chance d’innover dans la gestion de leur relation avec les salariés. Un équilibre harmonieux entre vie professionnelle et personnelle pourrait bien être la clé pour répondre aux défis du travail de demain.