Interview de Liberty Verny
Bazarchic n’est pas votre premier succès entrepreneurial. Pourquoi avoir cédé votre première entreprise ?
Très jeune j’ai monté Victoria, une SSII que j’ai développée jusqu’à ce qu’elle embauche plus de 1 300 personnes. Je l’ai finalement cédée en 2006 à deux entreprises cotées. Ce choix était motivé par le fait que j’avais le sentiment qu’il était temps d’intégrer nos métiers dans des ensembles plus importants. Et puis le projet de Bazarchic était en train de germer… J’ai monté cette seconde entreprise avec mon associée Nathalie Gillier qui avait déjà depuis 15 ans une entreprise spécialisée dans la vente évènementielle en offline.
Cela n’a pas été trop difficile de passer du monde de l’informatique à celui de la mode ?
Je pense que le chef d’entreprise est par définition quelqu’un qui peut épouser tout type de projet, tout type de métier. Et il ne faut pas oublier que, derrière l’aspect « mode » de notre concept, il y a toute une dimension informatique.
D’après votre expérience, trouvez-vous qu’il soit plus facile de monter une entreprise sur le web ?
Oui et non. Sur le papier, il est plus facile de monter un site web qu’un autre type d’entreprise. Cela demande moins de capitaux. Mais dans les faits, les choses ne se passent pas exactement comme cela. Dès lors que vous avez de grandes ambitions, le jeton d’entrée est très élevé. Si vous voulez être un site marchand reconnu, il faut bien communiquer. Il y a des investissements cruciaux à réaliser, qui sont déterminants pour le développement de la société.
Quelles sont selon vous les bases pour créer un site e-commerce à succès ?
Déjà il faut mettre en place un solide applicatif informatique, aussi bien pour le consommateur que pour l’utilisation en interne. Puis ce n’est pas tout d’avoir un bon outil, il faut aussi générer du trafic. J’aime faire le parallèle entre les boutiques physiques et les sites d’e-commerce. Pour qu’une boutique fonctionne, il faut choisir une rue passante, se placer sur le côté ensoleillé de la rue, préférer le tronçon de la rue le plus animé… tous ces critères se retrouvent en quelque sorte pour les sites e-commerce : le secret, c’est là aussi de miser sur votre visibilité, en mettant l’accent sur un marketing puissant qui va générer du trafic. Enfin, il ne faut pas oublier qu’un site n’est rien sans de bons produits qui répondent aux attentes des clients, d’où l’importance de soigner son sourcing.
Vous avez opté pour un positionnement très précis dans votre secteur de la vente privée. Ce positionnement ne limite-t-il pas votre développement ?
C’est sûr que le choix d’un segment de marché nous limite car cela nous empêche d’accéder au mass market* où nous pourrions avoir des gisements de clients beaucoup plus importants. Mais le fait d’avoir fait ce choix représente aujourd’hui notre richesse et notre signe distinctif. Leader sur notre marché, nous ne serions qu’un site parmi tant d’autres si nous visions une cible moins segmentée « haut de gamme ». C’est un choix que nous avons fait et que nous ne regrettons pas, même si nous savons que nous ferions certainement bien plus de chiffres d’affaires en étant positionné sur le marché de masse.
Sur le marché de la vente privée sur le net, il règne une concurrence assez agressive entre les différents acteurs. Qu’en pensez-vous ?
Nous étions très nombreux sur le marché il y a 4/5 ans, et nous le sommes beaucoup moins aujourd’hui. La concurrence est devenue plus faciale, plus intense. Nous avons la chance d’avoir un positionnement différenciant qui nous épargne un peu de cette concurrence féroce. Mais cela n’empêche que, dès que nous sortons un nouveau concept, dès le lendemain, il est déjà en train d’être travaillé par les concurrents. Je pense que, tant qu’un tel niveau de concurrence sera là, notre marché sera dangereux, difficile à maîtriser.
Vous avez récemment ouvert une première boutique physique. Pensez-vous que l’avenir des purs players va se jouer dans le monde physique ?
Aujourd’hui, il paraît évident à tout acteur présent uniquement sur le marché physique de porter son enseigne sur le net. Il est donc tout à fait normal que les acteurs du net s’interrogent sur l’opportunité d’avoir des passerelles sur le offline. Dans notre cas, la première boutique test de Bazarchic a été un beau succès que nous essayons de dupliquer.
Comment faites-vous pour vous ressourcer, recharger vos batteries ?
Je pense que le propre de l’entrepreneur est que son bien-être est intimement lié à son entreprise, à sa performance. Quand mon chiffre d’affaires est excellent, je suis parfaitement ressourcé ! Quand il est en baisse, je m’interroge sur ce qui ne va pas. C’est sûr que ce n’est pas évident pour un entrepreneur de se ressourcer… Je ne vais pas jouer au football le weekend par exemple ! Dès que j’ai du temps libre, j’en profite pour m’informer, m’instruire, rencontrer, échanger, voyager… pour intégrer tout ce qui pourrait constituer les nouvelles composantes de mes activités. Dans nos métiers du web, il faut rester très connecté à son sujet, tout le temps. Les Google ou Amazon ne s’arrêtent jamais. Ils ne vont pas vous attendre pour trouver sans cesse de nouveaux gisements de création de valeur. Se ressourcer pour moi c’est rester au centre de la réflexion. On ne peut pas se permettre de se couper, même un peu, de cet immense puits d’énergie et d’effervescence. Se dire « ça y est, j’y suis » lorsqu’on est un entrepreneur du web représente la faute capitale !
Les 5 conseils
- Ne pas sous-estimer le rôle que doit jouer l’applicatif informatique pour les business du web. Pour un site e-commerce, l’informatique reste la base de la réussite du projet.
- Faire preuve de ténacité. Vous avez un projet ? Alors il faut aller au bout ! Par contre, avant de se lancer, il faut bien mesurer tous les aspects nécessaires pour que le projet se concrétise. On ne peut pas appréhender un marché en ayant fait l’impasse de la réalisation d’un solide business plan.
- Ne pas sous-estimer vos besoins en fonds propres avant de vous lancer, au risque sinon de ne pas pouvoir aller au bout de votre projet.
- Ne pas vous disperser. Restez focalisé sur le cœur de votre projet, sans cela vous perdez en efficacité.
- Ne pas lésiner sur la formation professionnelle de vos collaborateurs. Cela leur permet de rester toujours au fait de leur domaine.