Interview d’Élodie Vaillant, cofondatrice de Datacook, qui nous livre ses réflexions sur l’intelligence artificielle et son développement futur pour les entreprises.
Comment vous est venue l’idée de créer Datacook ?
Nous venons Baptiste (Pigaux) et moi, du secteur du conseil. Il y avait un besoin récurrent et non couvert, celui de pouvoir segmenter les clients et les activer de façon personnalisée. Ainsi, plutôt que de nous adresser à chaque à client, en repartant d’une feuille blanche à chaque fois, nous avons complètement automatisé et industrialisé le processus.
Que propose Datacook aujourd’hui ?
Nous disons souvent que nous sommes « AI Power & Marketing », c’est-à-dire que nous mettons à disposition des équipes marketing, digital et data, tout ce qui touche à l’intelligence artificielle, à la fois pour l’analyse et pour l’activation opérationnelle. L’analyse, c’est la mise à disposition instantanée de toute la connaissance client, avec une vue client 360. Autrement dit, ce qu’il faut savoir sur le comportement client, son historique et ceci sur l’ensemble des canaux. Il s’agit-là de la partie analytique. Sur la partie activation opérationnelle, nous mettons à disposition des outils d’activation, de mailing, de CRM. Les cibles se font automatiquement grâce à l’intelligence artificielle Datacook, et ce sont des cibles qui sont différenciées par le comportement futur du client et son potentiel, ses appétences.
Aussi, nous identifions les cibles hautes performances. À titre d’exemple, vous pouvez retrouver des clients à risque de résiliation de contrat ou à risque de churn, des clients appétents à tel produit, des clients à forte valeur ajoutée pour le futur…
Concrètement, comment cela passe ?
C’est une solution à part entière mais qui s’interface avec les autres. Aujourd’hui, il y a un certain nombre de solutions qui existent déjà dans plusieurs strates. Nous sommes l’une de ces strates. Toutes ces solutions disposent d’API, avec des possibilités d’échanges de données. Nous venons ainsi nous interfacer avec des CRM comme Salesforce, avec des outils de mailing comme Brevo ou d’autres ainsi que des bases de données. Nous nous interfaçons globalement avec tout ce qui draine de la donnée client.
Qu’est-ce qu’on peut retirer de cette solution ?
Nous fonctionnons en deux étapes. La première étape est une étape de connaissance client. Ce que nous allons retirer de cette étape, c’est comment se comportent les clients de mon portefeuille avec des réponses à des questions comme « Est-ce qu’il y a eu des évolutions ces derniers temps », « Est-ce qu’il y a des segments stratégiques dont je dois m’occuper ? ».
L’intérêt d’utiliser l’IA Datacook à ce moment-là, c’est d’automatiser. Les gens croient souvent que cela va prendre du temps mais nous ne mettons pas six mois pour faire cela, nous mettons quatre semaines en moyenne. En quatre semaines, notre client est déjà capable de connaître les parcours types de ses clients, qui ils sont, quels sont les critères clés de rachat ou de churn. Nous répondons à des questions telles que : « Est-ce qu’il y a des éléments qui génèrent plus de « repeat » ? », « Est-ce qu’il y a des éléments qui font de la captation de clients à fortes valeurs futures ? ».
Ensuite, sur la partie activation opérationnelle, l’IA Datacook est à ce moment-là connectée, intégrée en temps réel avec les outils et les données de l’entreprise. A chaque instant, les scores, les segments et les cibles sont rafraîchis et mis à disposition dans les outils d’activation et de CRM. Ce qu’apporte l’IA à ce moment-là, ce sont des cibles qui sont déjà pré-faites et qui sont prêtes à l’emploi sur des sujets types.
Avez-vous un exemple ?
Par exemple, je vais mener une action de rétention pour retenir les clients qui sont en risque. Il est alors possible de faire une opération de « générosité » avec une promotion par exemple. Il ne s’agit pas d’envoyer ce genre de communication à tout le monde, mais uniquement à des cibles à risque de churn qui sont calculées par Datacook. Tous ces clients sont « tagués » et peuvent être ciblés par les opérations de rétention avec les outils d’activation. C’est la même chose pour faire de la promotion d’univers produits particuliers. Nous allons cibler dans ce cas ceux qui sont appétents à cet univers produit, qui sont tagués là encore par Datacook et qu’il s’agit de cibler dans les outils traditionnels d’activation.
« Il faut partir avec des cas d’usages simples et pragmatiques, assortis à des objectifs quantifiables. Les entreprises ont encore des épines dans l’exploitation de leurs données : désormais l’IA résout ces épines et les transforme en opportunités. Les ateliers que nous menons initialement pour formaliser ces cas d’usages sont déterminants, car ils structurent la montée en puissance de l’entreprise sur l’exploitation de ses données, et assurent sa réussite sur les objectifs définis. »
Dès le départ, vous êtes partis sur une solution avec de l’IA ?
Oui. En fait, on parle beaucoup d’IA maintenant parce qu’on parle d’IA générative. Cependant, l’IA existe depuis maintenant quand même plus d’une dizaine d’années. Cela vient maintenant en lumière parce qu’il y a des solutions comme ChatGPT, pour n’en citer qu’une, qui modernise l’intelligence artificielle et qui en modernise l’accès surtout.
Nous utilisons l’IA générative également plutôt à des fins d’accès à la donnée, c’est-à-dire que l’IA Datacook propose les deux aspects que je vous ai déjà cités. L’IA permet d’accéder aux informations de la base de données, en langage naturel. Pour faire simple, aujourd’hui, quand vous voulez savoir quels sont vos 5 % de top clients et le CA qu’ils génèrent, vous devez appeler généralement l’équipe data ou l’équipe technique pour satisfaire votre demande. Désormais, vous pouvez directement le demander à l’IA, formuler votre demande comme vous le feriez avec un humain. Cela prenait du temps et c’était compliqué. Notre solution met à disposition l’interface Datacook. Il suffit alors de lui poser la question (en français) : « Peux-tu m’indiquer mon top 5 % de clients qui génèrent le plus de chiffre d’affaires ? », et vous avez les réponses, le graphique et l’export avec les clients qui correspondent.
Il suffit donc de quatre semaines pour l’implanter ?
Quatre semaines, c’est pour la partie analytique. C’est un export one shot de data. À partir de ce moment-là, en effet, il y a quatre semaines pour déceler tous les « insights ». L’implémentation de la solution dans le cadre d’un usage annuel, c’est-à-dire avec un rafraîchissement continu, cela nécessite de l’interfacer avec d’autres outils. Cela prend un peu plus de temps, en moyenne six semaines. Ce n’est pas non plus très long.
Comment l’IA va impacter les entreprises dans l’avenir ?
En fait, c’est step by step (un pas après un autre pas, ndlr). Le premier usage de l’IA, c’est d’automatiser, ce qui est pénible à faire et ce qui nécessite peu de réflexion intellectuelle. Cela concerne donc les tâches qui sont rébarbatives. Ce sont celles pour lesquelles, il n’y a pas d’utilité à mettre une vraie personne dessus car elles n’apportent pas de valeur ajoutée au collaborateur et à l’entreprise. Je vous donne un exemple très pragmatique. Demain, je lance une opération pour des produits qui sont dans mes produits haut de gamme. Il va falloir que je cible tous mes clients qui sont appétents à des produits chers. Si je demande de faire cela à un salarié, il va trouver cela très fastidieux et il va démissionner.
L’IA, elle est capable d’observer individuellement chacun des clients, son comportement et son potentiel d’intérêt pour des produits chers. Elle le fait individuellement, client par client, pour des milliers et des milliers de clients, et elle le fait en une fraction de seconde ! Ce travail n’a pas forcément d’intérêt à être effectué par un humain. Il peut être effectué par l’IA de façon très rapide, sans erreur avec un gain de performance qui n’a pas d’équivalent.
Quelles ont été les grandes étapes de votre société jusqu’à aujourd’hui ?
Il y a eu une première phase de réflexion. Nous avons toujours eu cette idée de créer une solution et nous avons mis du temps à la réfléchir et à la construire. Nous l’avons mise sur le marché il y a à peu près deux ans. Puis, nous avons opéré une levée de fonds l’année dernière, et cette année, nous sommes en phase d’expansion sur tout le territoire, et bientôt à l’international.
Pourquoi est-ce que vous avez décidé de lever des fonds ?
C’est simplement à des fins d’accélération. Nous savons que ces sujets-là, ce sont des sujets d’avenir. Ce sont des sujets clés sur lesquels il y a un « momentum » qui est en ce moment. Nous ne voulons pas rater le coche, et nous voulons rester numéro un, et l’être en France et à l’international. Cela nécessite donc des moyens immédiats. Nous travaillons avec tous les secteurs d’activité. Nous avons des clients qui sont dans le milieu hôtellerie, restauration, dans le milieu du luxe, du retail, de l’électroménager, de la finance, du jeu en ligne, de l’immobilier ou encore de l’industrie. Je pense que nous avons réussi une pénétration de marché 360, et c’est ce qui fait l’une de nos forces. Il faut cependant s’étendre rapidement.
Vous êtes déjà à l’international ou est-ce que vous allez vous y lancer ?
- Nous sommes en route pour.
- Nous sommes quasiment dans l’avion.
- Nous avons deux ambitions sur les pays européens et les pays internationaux francophones et puis les États-Unis.
Quels vont être les défis à venir pour votre entreprise ?
L’appropriation par les entreprises françaises qui mettent un peu plus de temps pour bien comprendre les bénéfices de l’IA. Par contre, ce que je peux vous dire, c’est que quand elles l’ont compris, elles mettent la gomme. Il y a un petit palier à passer et nous les aidons à le franchir. Une fois que celui-ci est franchi, cela s’accélère très vite. L’IA est quelque chose qui simplifie tellement la vie professionnelle et quotidienne des personnes qui travaillent sur ces sujets, que le côté jour/nuit est très fort.
Il y a une espèce de défi d’évangélisation, mais qui est facile à dépasser ?
Il existe encore ce défi, mais une fois que le palier est franchi et que l’appropriation est là, il n’y a plus de sujets, il n’y a plus de questions. Une fois qu’il y a eu les premiers usages d’intelligence artificielle, tout le monde a bien saisi et comprend bien l’intérêt à titre individuel de leur utilisation. La crainte en France, c’est que cela coupe des postes. Et ce dont nous nous apercevons, c’est que cela ne coupe en réalité pas de postes. Cela permet, par contre, d’aller chercher beaucoup plus de performances avec plus de confort, tout simplement.
Est-ce que pour vous, il y a eu des défis liés aux contraintes technologiques, aux infrastructures, etc. ?
C’est difficile à dire parce que mon associé pilote la partie technique, et que c’est quelqu’un qui est extrêmement performant dans ce qu’il fait. En effet, il lève toutes les barrières et je ne saurais pas dire à quel point ces barrières étaient lourdes à lever. Je pense que l’un des défis qui pourrait le plus intéresser vos lecteurs, c’est le défi suivant : quand on traite des données, ce sont des données qui sont très hétérogènes, dans des formats également qui le sont.
Pour certaines structures qui travaillent avec la data, c’est très long d’intégrer toutes ces données. Il faut comprendre de quel choix il s’agit, etc. Or, nous avons développé un procédé qui reconnaît instantanément et automatiquement les champs et les types de données qui arrivent dans Datacook. Nous avons toujours un travail de vérification manuelle, mais en contrepartie, c’est de la haute couture. Cette automatisation dans la reconnaissance des données qui sont collectées par Datacook, c’est quelque chose qui ne se fait quasiment nulle part ailleurs.
Quel est votre avantage concurrentiel ?
Il y a celui que je viens de vous citer et celui de l’IA générative. Autrement dit, l’accès à la donnée en langage naturel. Aujourd’hui, il n’y a pas de concurrence en France. Les clients qui bénéficient de cela sont vraiment les pionniers en France. Il n’y en a qu’un autre acteur qui le propose aux États-Unis, mais il n’est pas opérationnel en production. Je pense que techniquement, nous sommes largement plus avancés.
« L’IA permet d’accéder aux informations de la base de données, en langage naturel. Pour faire simple, aujourd’hui, quand vous voulez savoir quels sont vos 5 % de top clients et le CA qu’ils génèrent, vous devez appeler généralement l’équipe data ou l’équipe technique pour satisfaire votre demande. Désormais, vous pouvez directement le demander à l’IA, formuler votre demande comme vous le feriez avec un humain. »
Est-ce que vous avez rencontré des défis liés au recrutement de talents ?
En fait, non. Nous recevons des candidatures spontanées, donc pour l’instant, nous avons la chance, je pense, de ne pas avoir cette problématique.
On parle beaucoup de défis liés à l’éthique, à la RGPD, à l’utilisation des données. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Heureusement qu’il y a cette éthique notamment dans le secteur de la santé ! Nous travaillons avec des acteurs du monde de la santé, et plus que le secteur financier, plus que certains secteurs critiques, nous y voyons l’intérêt d’avoir un niveau maximal de sécurité de données et de compliance RGPD.
Quand on veut intégrer une IA dans sa stratégie d’entreprise, comment est-ce qu’il faut faire ? Quelles sont les bonnes pratiques ?
Il faut partir avec des cas d’usages simples et pragmatiques, assortis à des objectifs quantifiables. Les entreprises ont encore des épines dans l’exploitation de leurs données : désormais l’IA résout ces épines et les transforme en opportunités. Les ateliers que nous menons initialement pour formaliser ces cas d’usages sont déterminants, car ils structurent la montée en puissance de l’entreprise sur l’exploitation de ses données, et assurent sa réussite sur les objectifs définis.
Les entreprises sont très loin d’une exploitation optimale des données d’un point de vue marketing et relations clients. Je dirais donc ce qu’il faut, c’est bien mettre le doigt là-dessus et identifier les usages sur lesquels cela fait le plus de sens. Il faut partir sur deux voire trois « use cases » maximum pour rester dans une logique très pragmatique. Il ne faut pas forcément implémenter l’IA partout, tout de suite. Concrètement, la priorité reste souvent sur des cas d’usage autour de la Customer Data Platform, ce qu’on appelle la CDP.
Il faut regarder la « réconciliation des données » dans ce que nous, nous faisons de façon automatisée. Si vous avez un cas d’usage de cette nature ou des cas d’usage autour de la rétention ou de la valeur client, cela constitue de bons premiers cas très pragmatiques pour intégrer l’IA dans les process.
Est-ce qu’il y a un point que je n’ai pas abordé et que vous souhaitez aborder ?
Nous serons présents sur de nombreux salons et évènements, donc peut-être, il y a e-Commerce Connect, Urban Institute et EBG, qui vont arriver en juin et octobre prochainement.
J’ai vu que vous avez reçu un prix de BPI France ?
Nous avons été élus Meilleure entreprise innovante, BPI France. C’est toujours bien d’être effectivement reconnus et connus par BPI France car c’est une vraie reconnaissance et c’est, en plus, un acteur qui fait partie de notre levée de fonds.