Une idée très largement répandue veut que le taux de survie (ou taux de réussite en franchise) des franchisés est très supérieur au taux de réussite des entrepreneurs indépendants (i.e. n’appartenant à aucun réseau de commerce organisé).
De nombreux acteurs de la franchise s’appuient sur cette idée pour promouvoir la franchise en utilisant des arguments du type : « Une enquête réalisée par l’Insee permet de constater un taux de survie des entreprises franchisées au bout de 4 ans de 95 %, contre 40 % dans l’ensemble du commerce de détail et 53 % dans les services. »
Des études françaises à l’existence douteuse J’ai cherché à retrouver cette étude Insee.
Sans succès. Plus globalement, j’ai interrogé différents acteurs de la franchise pour qu’ils m’aident à mettre la main sur les recherches et publications supposées étayer cette affirmation. Sans plus de succès. Poursuivant mon enquête, j’ai exploré le web américain. J’ai alors découvert que plusieurs analyses remettant en cause cette idée avaient été entreprises dès le début des années 90 aux Etats-Unis (pour davantage de détails, voir page 61 du livre en version pdf « Devenir franchisé : ce qu’on ne vous dit pas » sur le site www.franchiselab.fr.
Une affirmation potentiellement trompeuse
Le 2 mai 2005, les conclusions de ces études ont conduit le président de l’International Franchise Association (1), l’IFA, à adresser une lettre (2) aux franchiseurs pour les exhorter à arrêter d’utiliser des arguments marketing « potentiellement trompeurs » pour attirer les candidats à la franchise. Il recommande vivement aux franchiseurs de retirer de leurs sites internet, de leurs brochures et de leurs plaquettes toute référence à l’affirmation selon laquelle « le taux de réussite des entreprises franchisées est beaucoup plus élevé que celui des entreprises indépendantes ».
Les origines de l’affirmation
Revenons sur l’origine, en France, de l’affirmation vantant la supériorité du taux de réussite des franchisés sur le taux de réussite des entrepreneurs indépendants. A la lumière de ces éléments (l’absence d’étude française accréditant le bien fondé de l’affirmation, les études américaines la remettant en cause et la lettre du président de l’IFA) on peut penser que cette affirmation a été importée des Etats-Unis dans les années 80 par les acteurs chargés de promouvoir la franchise en France. Le hic, c’est que ces mêmes acteurs ont ensuite décidé de passer sous silence les découvertes américaines ainsi que le prise de position officielle de l’IFA et continuent aujourd’hui à utiliser un argument qui s’avère, si ce n’est faux, en tout cas très contestable, pour attirer les candidats à la franchise.
Les réseaux à regarder en détail
Petite précision qui va de soi mais que je préfère faire. Si les études américaines montrent que l’argument objet de cet article est faux à l’échelle de l’ensemble des franchisés (de tous les réseaux), elles ne contestent pas le fait que dans certains réseaux pris individuellement, le taux de réussite des franchisés est très supérieur aux taux de réussite des entrepreneurs intervenant sur le même secteur d’activité mais ne faisant partie d’aucun réseau.
Traduction de la lettre de Matthew Shay, alors président de l’IFA.
Message de l’International Franchise Association Président Matthew Shay
Le 2 mai 2005
Chers amis,
Il a été porté à notre attention que certaines entreprises, membres de l’IFA, faisaient valoir des informations sur la franchise qui ne sont plus d’actualité depuis longtemps. En effet, ces informations ne sont plus en mesure de donner une image fidèle de notre industrie.
Nous sommes particulièrement préoccupés par des déclarations affirmant que le taux de réussite des entreprises franchisées est beaucoup plus élevé que celui des entreprises indépendantes.
Il y a plusieurs années, le US Department of Commerce a mené des études sur les réseaux de franchise et ces études ont effectivement mis en évidence ces performances. Mais celles-ci ne sont désormais plus valides. Le US Department of Commerce a mis un terme à ces études en 1987.
Nous vous recommandons vivement de retirer tout argument marketing fondé sur ces informations de vos sites web et de vos brochures. L’utilisation de ces données, en l’absence de recherches plus contemporaines, pourrait induire en erreur les futurs franchisés qui tentent de mener des enquêtes sérieuses.
La Fondation pédagogique de l’IFA a récemment publié une étude menée par PricewaterhouseCoopers, « L’impact économique des entreprises franchisées ». Cette étude offre, pour la première fois, une compréhension globale de l’impact économique de la franchise. Elle contient des informations qui peuvent être utiles aux futurs franchisés et à d’autres personnes, pour leur permettre d’appréhender l’importance et la portée de la franchise.
Une autre étude, disponible sur le site web de l’IFA, « Les chiffres de la franchise », a été réalisée à partir de données recueillies sur trois ans dans les UFOCs [UFOC : document d’information précontractuelle américain]. Elle fournit des moyennes sur des aspects importants de la franchise comme le chiffre d’affaires par unité, les droits d’entrée, les niveaux d’investissement initial, les conditions contractuelles et les conditions de renouvellement, les redevances et frais de publicité. Nous vous recommandons de consulter ces deux études et de les diffuser plutôt que de continuer à faire valoir des informations désuètes et potentiellement trompeuses. En tant qu’acteur de la franchise, vous jouez un rôle essentiel vis-à-vis des générations futures de franchisés et d’entrepreneurs. Aussi, je vous serais reconnaissant de bien vouloir accompagner l’action de l’IFA en faisant l’effort de présenter une image fidèle de la franchise.
Cordialement,
Article par Matthew Shay Président International
Franchise Association
(1) L’IFA, l’International Franchise Association, est la plus grosse association représentant la franchise dans le monde. Fin 2011, elle réunissait 1 125 franchiseurs, 12 200 franchisés et 605 prestataires. (2)