En dépit de la réticence du législateur à pérenniser la légalité du cannabidiol, le marché français du CBD affiche une santé de fer. Si la demande ne faiblit pas, les professionnels du secteur craignent une interdiction surprise qui menacerait des milliers d’emplois.
CBD : chronique d’une incertitude juridique
L’innocuité du cannabidiol ou CBD a été démontrée par plusieurs études, poussant même le Comité Scientifique de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) à conclure que la molécule à l’état pur « ne semble pas présenter de potentiel d’abus, ni d’être nocive pour la santé ». Aujourd’hui, le cannabidiol ne figure pas dans la liste des « substances classées » de l’OMS. Le cannabidiol n’est donc pas soumis à un contrôle international strict, que ce soit pour la production, l’approvisionnement ou le transport.
Depuis la moitié des années 2010, certains pays ont même assoupli les réglementations relatives aux médicaments contenant du cannabidiol comme l’Australie, le Canada, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Suisse.
En France, les produits à base de CBD dont le taux de THC (molécule psychotrope) ne dépasse pas les 0,2 % peuvent être commercialisés librement et en toute légalité. En revanche, ce statut juridique est pour l’heure provisoire, mettant le secteur en sursis et privant des milliers de professionnels d’une visibilité sur le très court terme. Rappelons que les fleurs et feuilles de CBD avaient été interdites à la vente le 31 décembre 2021 en vertu d’un arrêté ministériel, avant que cette décision ne soit levée et temporairement suspendue par le Conseil d’Etat. Saisi par les professionnels du secteur, le juge des référés avait en effet considéré cette interdiction comme disproportionnée et injustifiée au regard des éléments factuels sur l’innocuité du CBD pour la santé publique.
Le secteur est donc suspendu à la décision finale du Conseil d’Etat, une décision attendue dans les prochains mois. Pendant ce temps, les professionnels du CBD restent dans la gestion opérationnelle de leurs commerces, au jour le jour :
- L’écrasante majorité des projets d’investissement ont été mis en pause en 2021. Il s’agit notamment de l’ouverture de nouveaux magasins physiques, de la diversification des produits proposés, des recrutements de vendeurs, etc.
- Les banques et autres établissements de crédit étaient déjà très réticents à financer les projets en lien avec les produits de CBD. L’incertitude juridique ne va sans doute pas arranger les choses.
Le marché du CBD reste florissant malgré le statu quo juridique
En dépit des péripéties légales, le marché des produits à base de cannabidiol est florissant. A l’échelle mondiale, il fait même partie des rares secteurs d’activité qui enregistrent un taux de croissance à deux chiffres. Selon une projection du cabinet Grand View Research, le marché du CBD devrait progresser de 21,2 % chaque année jusqu’à 2028, doublant ainsi son chiffre d’affaires tous les cinq ans.
L’Hexagone connaît la même dynamique. Ainsi, le nombre de boutiques physiques spécialisées dans la vente de produits à base de CBD est passé de 400 en 2020 à plus de 2 000 en 2022, soit une progression de 500 %. Concentrés dans les grands pôles urbains, ces magasins spécialisés connaissent un certain engouement de la part de clients qui sollicitent les propriétés relaxantes, anti-inflammatoires et antalgiques de cette molécule non psychotrope et non addictive. Les sites web proposant du CBD en ligne complètent l’offre et élargissent le maillage territorial des magasins physiques.
Selon les chiffres du média LSA Conso, la France compterait plus de 7 millions de consommateurs de produits de CBD, soit plus de 10 % de la population. Cette demande est par ailleurs soutenue par une offre importante, dans la mesure où la France accapare plus la moitié de la production européenne de chanvre (17 900 hectares), loin devant l’Italie et les Pays-Bas.
Le CBD, réhabilité par la science ?
Malgré la réticence des autorités à pérenniser la légalité des produits à base de CBD, le ministère des Solidarités et de la Santé a lancé une vaste expérimentation du cannabis médical auprès de plus de 3 000 patients partout en France. Lancée en mars 2021, cette opération devrait évaluer l’efficacité du CBD et du THC dans le soulagement de la douleur, le traitement de certaines formes d’épilepsies pharmaco-résistantes ainsi qu’en soins palliatifs. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a d’ailleurs assisté à la toute première prescription de CBD médical à un patient clermontois souffrant d’épilepsie.