Le conteur italien FABA s’implante et lutte contre le tout écran

Créée il y a 4 ans, l’entreprise, qui vient de lever 3.7 millions d’euros, souhaite accompagner les enfants de 1 à 7 ans à travers des contenus audios éducatifs (histoires, musique classique, yoga, langues vivantes). Interview d’Andrea Clerici, Country Manager France.

Comment en êtes-vous venu à créer la partie France de Conte FABA ?

La partie France est née en 2019 et a été envisagée dès les débuts par les fondateurs de l’entreprise. Il s’agissait du premier pays qu’ils voulaient développer juste après l’Italie. Ils savaient que le marché était déjà prêt pour accueillir un produit comme le nôtre et nous avons regardé les pays qui étaient les plus mûrs pour notre typologie de jouets. C’était donc stratégique d’aller en France rapidement juste après nous être imposés en Italie. Pour vous dire, l’Italie a ouvert juste avant la Covid et la France est arrivée dans la foulée. Les deux années de Covid ont un peu ralenti notre implantation mais nous sommes parvenus à ouvrir les premiers partenariats avec des retailers français dès 2020.

© FABA

Qu’est-ce que fait exactement la Conteuse FABA ?

On me dit souvent que c’est un jouet mais c’est plus que cela. Il s’agit aussi d’un outil pour faire grandir les enfants qui a pour but de lutter contre les conséquences du tout écran (posture, myopie, manque de concentration, ndlr) par un objet numérique sans wifi, avec une durée d’écoute de 30 min et adapté aux tout-petits. Cela reste un conte mais nous mettons toute notre énergie à donner un véritable contenu. Nous ne sommes donc pas des aficionados de la partie hardware. Ce dont nous sommes fiers, c’est de la qualité de nos contenus. Nous sommes comblés par le fait de faire grandir les enfants avec des personnages qui chantent des chansons et qui sont adaptés pour des garçons et des filles de 1 à 7 ans. Il est essentiel pour nous d’aider l’enfant à grandir dès le premier âge. Dans le futur, nous souhaitons aussi les accompagner dans la lecture parce que nous sommes en train de développer des livres qui vont avec la conteuse et qui vont aider l’enfant à apprendre à lire.

Qu’est-ce qui vous démarque de la concurrence ?

Cela reste l’aspect « contenu » qui est créé par des personnes qui s’occupent de la puériculture ou de la pédagogie. Ma fierté, c’est de travailler avec des contenus de qualité. Ce n’est pas seulement un jouet mais c’est un moyen qui aide réellement les enfants à se détacher des écrans et à être stimulés tout le temps pour réaliser des activités. Notre concurrent allemand est très fort sur les licences avec des histoires de Disney ou de DC Comics mais il n’a pas cette dimension. Je préfère notre stratégie car je trouve qu’avec l’autre approche, le risque est que l’enfant écoute l’histoire et qu’ils veuillent voir la vidéo. Nous, nous ne voulons clairement pas cela. Notre ambition, c’est justement d’éviter que l’enfant soit enfermé tout seul devant un écran.

Quand est née la Conteuse FABA ?

L’idée est née à la fin 2018, au début 2019. Les quatre fondateurs travaillaient dans une entreprise qui fabriquait des clés USB et des matériels comme des haut-parleurs pour les téléphones. Ils sont devenus parents et se sont dit : « Il faudrait qu’on utilise la technologie pour créer quelque chose d’utile pour nos enfants et après pour les enfants ». L’ambition était d’entrer dans toutes les maisons où il y a des enfants.

© FABA

Quand avez-vous rejoint l’entreprise ?

Je suis arrivé l’année dernière et nous étions des pionniers jusqu’au moment où l’entreprise s’est structurée. Il y a eu un énorme travail sur la base humaine de l’entreprise. Ils ont embauché à peu près une vingtaine de nouvelles personnes sur différents postes et se sont alors dit qu’il était temps de se développer à l’étranger. Même si nous étions leader du marché en Italie, ils devaient trouver des personnes pour les aider à ouvrir les différents pays. Personnellement, je m’occupe des pays francophones avec un autre collaborateur qui est basé en France. De la même manière, une personne s’occupe de superviser l’Espagne et les pays de langues espagnoles.

Dans quelle langue êtes-vous actuellement disponible ?

Pour l’instant, nous restons concentrés sur trois langues : l’italien, l’espagnol et le français, même si d’autres langues vont probablement apparaître en 2024 ou 2025. Je ne peux pas encore entrer dans les détails sur celles que nous allons sélectionner. Nous recherchons des marchés qui sont des marchés émergents. Nous n’allons pas investir en Allemagne par exemple où il y a notamment ce concurrent très fort ou encore aux États-Unis. La stratégie aujourd’hui, c’est avant tout de prendre notre place sur les marchés francophones et hispanophones et après de développer d’autres pays. Nous avons des personnages qui parlent anglais, mais ceux-ci sont dédiés à l’apprentissage de l’anglais.

Quand avez vous intégré l’équipe, vous étiez en Italie ? Comment ça s’est passé ?

FABA était en l’occurrence un client. Précédemment, j’étais manager pour Jouet Club en Italie. J’avais donc vu le projet en présentation en Italie et j’avais aimé les produits. Je l’avais donc naturellement intégré dans les magasins Jouet club. Finalement, je suis venu au siège plusieurs fois pour effectuer des achats, pour voir les nouveautés et la proposition de collaboration s’est faite naturellement. Le projet me plaisait et, de plus, j’aime beaucoup travailler avec la France, les Français et les pays francophones. L’idée de revenir en France en tant que manager m’a séduit également et l’aventure a commencé.

Quelles ont été les grandes étapes de développement depuis que vous êtes arrivé en France ?

Jusqu’à l’année dernière et mon arrivée, l’entreprise s’appuyait plutôt sur les distributeurs donc elle avait un réseau de distribution. Nous nous sommes adressés à tous les clients qu’avaient les distributeurs dans leur portefeuille. J’ai décidé d’opter pour une méthode plus directe et donc de m’appuyer sur un réseau d’agents pour que nous soyons plus présents sur les magasins. Il est clair que la première stratégie était plus simple à mettre en place que de se tourner vers les magasins indépendants ou des magasins spécialisés de jouets comme nous ne le faisons actuellement. Nous avions besoin d’ambassadeurs pour nos produits. Il a donc fallu convaincre les indépendants qui sont devenus nos meilleurs ambassadeurs. Ils nous ont aidés à faire connaître les produits en 2022.

Est-ce que la stratégie a changé depuis ?

En 2023, la stratégie est légèrement différente puisqu’il s’agit de prendre contact avec les leaders du secteur jouet, de la librairie, papeterie, puériculture… Nous avons commencé cette stratégie à la fin 2022 et jusqu’à aujourd’hui. Nous nous adressons donc désormais à des structures comme Jouets Club, Cultura, Nature et Découverte…. En parallèle, nous avons structuré une équipe pour l’e-commerce. Nous avons commencé par notre site puis nous avons travaillé avec les marketplaces. Pas n’importe lesquelles puisque nous nous sommes adressés à celles qui sont des références sur le marché des jouets ou de la puériculture… Par exemple, nous travaillons très bien avec bebeboutik.fr qui est un site référent dans notre domaine. L’essentiel était de parvenir à être appréciés des clients. Nous avons ainsi renoncé à certaines superficies qui n’étaient pas spécialisées comme la Fnac ou Super U, pour être plébiscités par les experts et les spécialistes. Certes, cela n’a pas mené à un résultat tout de suite mais il s’agit d’une stratégie sur une longue durée. Nous souhaitons associer FABA à des acteurs français qui sont les référents du marché.

Quels sont les défis à venir ?

Notre objectif est de prendre des parts de marché. Nous pouvons dire que sur le marché des conteuses, nous souhaitons devenir leader en France. Nous avons un super produit, que j’adore, qui peut faire sa place. Aussi, nous avons l’ambition de devenir rapidement le deuxième plus grand acteur. Il existe un marché des conteuses en France, contrairement à d’autres pays. C’est d’ailleurs un des seuls pays car la plupart n’ont pas de catégories « jouets conteuses ».

A quoi va servir la levée de fonds, 3,7 millions ?

D’abord, elle va servir pour les projets « humains ». Je suis assez fier de le dire car nous nous sommes structurés avec tous les experts de chaque domaine. Nous avons d’abord une équipe « produit » qui travaille sur les contenus. C’est le cœur de notre projet d’aller chercher les bons contenus, ceux qui sont éducatifs. Nous avons également créé une équipe spécialisée pour les écoles, pour aller leur parler directement en Italie. D’ici à très peu, nous allons élargir notre champ d’actions aux écoles françaises. Cela reste des besoins spécifiques. Ensuite, nous avons désormais une équipe développement produit parce que forcément, le hardware, il faut tout de même le développer et proposer de nouvelles solutions. Il faut l’améliorer tout le temps. L’entreprise est passée du statut startup de 12 personnes à 35 personnes aujourd’hui.

La deuxième raison c’est qu’il faut tout le temps perfectionner le contenu et bouger. Les fonds servent à trouver des contenus originaux mais aussi de nouveaux partenariats avec les éditeurs. Il faut développer des produits inédits et nous allons, par exemple, bientôt diffuser une nouveauté qui va encore plus dans les détails pour aider les enfants à apprendre à lire ou à faire des activités. La levée de fonds n’est clairement pas utilisée pour faire de la pub ou des opérations commerciales.

Quelles sont les plus grandes difficultés que vous avez rencontrées dans votre implantation en France ?

C’est d’abord parce qu’il s’agit d’un marché très concurrentiel. Je ne parle pas que des prix mais également des produits. C’est un des rares pays, comme je le disais, où on peut parler d’une catégorie de « jouets conteuses d’histoire ». Il y a ainsi une dizaine d’acteurs différents. C’est beaucoup plus compliqué parce que nous avons beaucoup plus de concurrents si nous comparons avec l’Espagne ou l’Italie.

La deuxième difficulté réside dans l’attrait pour les produits made in France. Ce n’est pas pareil en Italie. C’est la raison pour laquelle, cela exige que nous soyons reconnus car nous ne sommes pas français. Il faut que client ait conscience de la qualité de nos produits et cela passe par être vendus par les meilleures sociétés françaises. Il y a donc une logique de partenariats avec des entreprises françaises qui sont les leaders du marché afin d’obtenir de la reconnaissance.

La troisième difficulté rencontrée, c’est qu’en France, il y a une sensibilité accrue par rapport au recyclage ainsi qu’au respect de l’environnement. Il y a énormément de produits en plastique recyclé par exemple avec des boîtes en carton. Nous avons donc dû nous adapter et combler un retard sur ce point et nous pencher, par exemple, sur des problématiques comme le fait de recycler presque totalement l’emballage. Nous avons heureusement pu remonter rapidement cette information.

Qu’est-ce que vous conseilleriez à une entreprise qui souhaite aborder le marché français ?

C’est d’écouter le marché et d’être même présente sur le terrain parce que si on n’est pas sur place, on pense savoir mais on ne sait pas vraiment. C’est d’ailleurs quelque chose que j’avais déjà constaté quand je travaillais en France. Il faut pouvoir écouter les gens, se déplacer et parler avec le client final afin de bien comprendre son besoin. Il y a une belle phrase de Lincoln qui disait : « Si j’ai deux heures pour couper une forêt, je passerai une heure et demie à affuter la lame. ». Je traduis littéralement mais je ne sais pas si c’est la traduction exacte. De la même manière, il faut également bien préparer son introduction sur le marché. Mais comment s’y préparer ? C’est commencer par faire une veille sur le marché et y passer beaucoup de temps.
Pour moi, la deuxième, c’est peut-être évident mais c’est d’avoir un projet clair, une stratégie claire et une identité claire sur qui vous êtes. Pour aller dans la bonne direction, il faut pouvoir se nourrir de ces éléments.

© FABA

Quelles sont les valeurs de l’entreprise ?

La valeur principale, pour moi, c’est l’authenticité. Nous sommes authentiques et nous n’avons pas envie de tricher sur certains sujets. Nous mettons tout en œuvre, par exemple, pour faire grandir les enfants. Il ne s’agit pas trouver des solutions commerciales pour faire du business.
Parmi les autres valeurs que nous avons, il y a le partage. Nous voulons partager les expériences. Même si je suis un peu à part car j’ai 52 ans et que je n’ai pas d’enfant, toute l’entreprise est composée par des jeunes parents qui ont des enfants en bas âge. S’en dégage une envie de partager des émotions, des informations et de faire grandir. C’est une chose qui me plaît dans cette entreprise. Je reconnais quelque part mon expérience chez Decathlon, où nous avions tendance à vouloir embaucher des sportifs parce car il y avait des valeurs communes. Ici, je peux dire que c’est la même chose mais à un autre niveau : ce sont des personnes qui partagent la préoccupation du bien-être des enfants et une envie de les faire grandir avec un jouet pédagogique. 

« Le projet me plaisait et de plus j’aime beaucoup travailler avec la France, les Français et les pays francophones. L’idée de revenir en France en tant que manager m’a séduit également et l’aventure a commencé. »

Andrea Clerici
Quitter la version mobile