Interview d’Evelyne Platnic-Cohen, fondatrice du centre d’entraînement à la vente Booster Academy et experte des techniques de vente.
La vente est une question qui pose souvent problème aux entrepreneurs. Pourquoi ?
Je crois qu’au départ un créateur d’entreprise ne prend pas conscience que son premier métier au quotidien sera celui de vendeur ! Lorsqu’on décide de devenir entrepreneur, on s’imagine avant tout à la liberté que cela va nous apporter. On pense que son métier de base ne changera pas vraiment. Certes, mais nous oublions qu’à côté de l’expertise métier, il faut passer beaucoup de temps à chercher des clients. En choisissant d’être entrepreneur, ce n’est pas vraiment son propre métier qu’on choisit de faire, mais plutôt celui du commercial.
Comment réagissent-ils alors ?
Certains décident de revenir à leur vie d’avant, en redevenant salarié. D’autres se disent qu’ils peuvent tout de même essayer de vendre mais risquent d’être rapidement désenchantés. Les plus avertis prennent conscience qu’ils doivent apprendre à vendre. En effet, il faut savoir que la vente est bien plus technique que nous l’imaginons. C’est comme jouer aux échecs sans en connaître les règles, vous ne pouvez pas faire semblant. Il en va de même pour la vente. En se disant qu’il suffit de bien parler pour bien vendre, on va droit dans le mur, sans s’en rendre compte.
Il ne suffit donc pas de savoir bien parler pour vendre ?
Non, la vente est un processus très technique, et qui plus est contre-intuitif. C’est-à-dire que, si l’on demande à quelqu’un de décrire le processus de la vente, ce qui lui viendra naturellement sera très éloigné de la réalité. Savoir vendre n’est pas quelque chose de naturel, cela s’apprend.
Comment apprendre à bien vendre alors ?
Déjà en lisant le numéro de Dynamique-Mag de ce mois-ci ! Les livres qui enseignent les techniques de vente peuvent bien aider également. Mais ce qui est le plus important, c’est de s’entraîner comme un sportif de haut niveau. Cela demande un vrai effort car il faut véritablement changer ses réactions naturelles face à la vente. Pour cela, les formations à la vente sont utiles, car elles permettent de répéter le geste et d’apprendre à adapter le discours à son offre.
Selon les rendez-vous, il faut adapter son discours, sa façon de parler ?
La vente repose sur trois points : le mental, le comportemental et la technique. Le mental c’est la motivation : est-ce que vous êtes prêt à y aller ? Avez-vous l’envie et la motivation de vendre ? La partie comportementale répond aux questions : qui suis-je ? Qui est devant moi ? Et comment je me synchronise à la personne devant moi ? Il faut adapter sa technique en fonction du type de personne que vous avez en face de vous, comme on règle le son d’une musique. Cela permet à votre interlocuteur de se sentir plus à l’aise car il se sentira en phase avec vous.
Comment dépasser la peur ou l’aversion de la prospection téléphonique ?
Le point le plus important avant de prendre le téléphone, c’est d’être persuadé que son offre rend service. Si vous en êtes convaincu, vous n’aurez plus peur de déranger. Vous saurez que vous êtes en train de rendre service à quelqu’un qui ne savait pas que vous existiez ! Ce travail sur le mental change tout.
Avez-vous un secret à nous dévoiler pour réussir à obtenir à coup sûr un rendez-vous une fois qu’on a le prospect au téléphone ?
La règle d’or c’est de se dire avant même de décrocher le téléphone : « Cette personne-là, je l’aurai, quoi qu’il se passe ! » Le rendez-vous, il faut le vouloir vraiment. J’ai toujours réussi à décrocher les rendez-vous lorsque j’étais dans cet état d’esprit. C’est un mix entre le mental, le comportemental et la technique. Le mental, c’est la motivation, la capacité à avoir envie d’y arriver. Tout le monde ne l’a pas. Le mental, c’est un moteur. Prenons un exemple, vous avez envie de courir. Et bien cela ne va pas se faire en un jour. Tout le monde est capable de courir mais peu font le marathon. Le mental, c’est la capacité à atteindre l’objectif qu’on s’est fixé. Le comportemental, c’est votre adaptabilité à l’autre, votre empathie. C’est tout ce qui va vous permettre de comprendre l’autre, le client, savoir quels sont les besoins du client ? Ses envies ? Là aussi cela s’apprend tout comme les techniques de ventes. Un vendeur qui a un bon mental, une vraie démarche comportementale mais qui ne maîtrise pas les techniques de ventes ne réussira pas ses ventes. Il y a un process, des étapes à respecter. On ne naît pas vendeur. On le devient. Il faut savoir bien utiliser ses techniques d’accroches, manier les silences et le rythme de la discussion.
Comment conclure le rendez-vous par une signature de contrat ?
La personne en face de soi doit être la seule chose qui nous intéresse : qui est-elle ? Qu’est-ce qu’elle veut ? Où en est-elle ?… À ce moment-là, on doit sentir que l’on n’existe plus que par rapport à elle. La capacité à lâcher-prise et à ne pas rester concentré sur son objectif à soi, mais plutôt sur celui de l’autre sera ce qui va faire la différence. Ensuite il est normal, et plutôt sain, d’avoir l’objectif de signer. Souvent lorsque je demande aux entrepreneurs à quoi sert le rendez-vous qu’ils ont décroché, 80 % d’entre eux me répondent que c’est pour présenter leur offre. Or, présenter son offre n’est pas un objectif en soi, c’est juste un moyen.
Comment trouver l’équilibre entre la présentation de son offre et l’écoute du prospect lors d’un rendez-vous ?
C’est simple : le bon équilibre c’est 95 % d’écoute et 5 % d’argumentation ! Dans une vente, le plus important ce n’est pas tellement ce que vous dites, mais plutôt ce que le prospect vous dit. En particulier dans la phase de découverte des besoins du client, il est nécessaire de laisser votre interlocuteur s’exprimer et de poser des questions courtes et ouvertes. Une astuce pour réapprendre à écouter : placardez partout sur votre bureau « le silence est d’or ».
Une fois que le contrat est signé, comment fidéliser le client ?
Fidéliser, c’est une action qui se mérite ! Comme dans un couple, la relation a tendance à s’user avec le temps. Alors il faut innover, faire des surprises, offrir des cadeaux… Et il faut savoir le faire au bon moment. Personne ne devrait se contenter d’un client satisfait. Un client satisfait, c’est un client qui est presque mort. Il faut viser l’objectif de rendre ses clients hypersatisfaits, subjugués et étonnés. Ces clients-là seront les seuls à être fidèles au bout du compte.