Avant d’être un des jeux de hasard les plus populaires de notre histoire moderne, la loterie avait pour but de collecter de l’argent, destiné à renforcer l’économie d’une nation. De la dynastie chinoise Han à l’empereur romain Néron, en passant par le « roi-bâtisseur » François 1er, toutes les sociétés ont utilisé la tombola pour lever des fonds, essentiels à de nombreuses initiatives communautaires. Le concept, bien qu’il paraisse simple au premier abord, témoigne d’un remarquable sens de l’entrepreneuriat : les joueurs achètent un ticket et participent à une expérience divertissante qui peut rapporter diverses récompenses (cadeaux, terres, argent…). De l’autre côté, les institutions étatiques récupèrent des sommes non négligeables pouvant aider à soutenir une cause ou à financer des secteurs indispensables au bon fonctionnement d’une société. Tout de suite, découvrons quel était le véritable rôle de la loterie, à travers les âges et cette manière de procéder qui pourrait inspirer les entrepreneurs.
Période Antique : les origines de la loterie
Aujourd’hui, les amateurs d’EuroMillions, de Loto, tout comme ceux qui aiment jouer au Powerball en ligne, voient une partie de leur contribution reversée au profit de l’État. En faisant un bond en arrière dans le temps, nous constaterons que le procédé n’a guère changé, bien qu’il ait pu être utilisé à différents desseins.
Dynastie Han
En 205 avant J.C, la dynastie Han, menée par le chef de guerre Liu Bang, s’est libérée du joug des Qin, accusant de nombreuses pertes humaines et matérielles au sein de son royaume. Afin de renflouer les finances de l’empire, certains fonctionnaires provinciaux ont eu l’idée d’instaurer un jeu de hasard, grâce auquel il serait possible de récolter rapidement des fonds. À l’époque, le peuple aimait s’adonner au Jeu de la Colombe Blanche, qui prendra le nom de Keno, quelques années plus tard. Les règles de ce divertissement étaient très simples : les participants devaient choisir un des 305 caractères du Classique des Vers (recueil de poèmes traditionnels) et procéder à un tirage au sort. Même si les récompenses ne se résumaient qu’à de simples offrandes (nourriture, animaux…), les hauts dignitaires du royaume ont compris que les bénéfices tirés de cette nouvelle pratique peuvent grandement aider à stabiliser les fondements du royaume. En plus d’avoir contribué à renforcer leurs forces militaires, les Han ont pu bâtir des édifices monumentaux tels que la célèbre Muraille de Chine.
Rome Antique
En 37 après J.C, Lucius Domitius Ahenobarbus, plus connu sous le nom de Néron, fut le premier empereur à instaurer les jeux de loteries au sein de la société romaine. Au départ, le jeu n’était réservé qu’à l’élite : les patriciens organisaient des festivités au cours desquelles des tirages étaient effectués dans le but d’impressionner les convives. Plus tard, l’empereur Jules César autorisa officiellement les jeux de tombola et la plèbe en a fait une de ses distractions favorites. Les loteries rencontrent un franc succès, surtout lors des Bacchanales et des Saturnales (fêtes religieuses dédiées à Bacchus et Saturne, divinités du vin et du temps). L’argent récolté a servi à construire des bâtiments publics, mais a aussi permis de financer les forces militaires de l’empire.
Renaissance : la démocratisation de la loterie
Bien qu’elle ait été longtemps considérée comme une pratique païenne par le clergé, la loterie réapparut en Europe, au cours du 15ème siècle. En 1441, la place du marché de Bruges accueillit un événement qui avait suscité, en son époque, la curiosité de nombreux citoyens belges. Issu du mot “lot”, signifiant littéralement destin en néerlandais, le jeu était célébré lors de réjouissances populaires pouvant durer plusieurs semaines.
En 1449, la république de Gênes, alors en conflit avec la ville de Milan, utilisa le tirage au sort pour élire les nouveaux membres du conseil. En raison d’une forte popularité auprès des citoyens génois, les dignitaires du Haut Conseil ont décidé de légaliser la Blanca (blanche en italien) sur l’ensemble du territoire. En ce temps, la loterie n’était pas une méthode pour gagner des revenus complémentaires, mais plutôt le moyen de renforcer le secteur militaire du pays,
Fraîchement rentré de la Campagne d’Italie, François 1er décida d’implanter le jeu dans l’hexagone. Au cours de l’année 1539, le roi progressiste signa l’édit de Châteaurenard, visant à promouvoir et à légaliser la loterie sur le sol français. Très inspirée de sa version transalpine, la Blanque prenait la forme d’un jeu de tirage composé de billets blancs (perdants) et noirs (gagnants). La motivation première de cette activité était de lever des capitaux destinés à enrichir le Trésor Royal national.
Époque moderne : la loterie, nouvel opium du peuple
Après s’être développée sur le Vieux Continent, la loterie fut importée outre-atlantique : Benjamin Franklin et George Washington, considérés comme les pères fondateur de l’Amérique, ont tout de suite compris l’enjeu que pouvait constituer la pratique des jeux de loteries. En plein développement, les États-Unis avaient cruellement besoin de fonds pour établir la grande nation que nous connaissons aujourd’hui. Mais ces visionnaires ont réalisé que ces levées de fonds, en plus de récompenser les participants, s’avéraient être de formidables outils pour soutenir des causes communes à la patrie : la vente de ticket a permis, entre autres, de protéger la ville de Philadelphie de l’invasion Britannique, mais aussi de soutenir les habitants les plus démunis, par le biais d’associations caritatives locales. Pour l’anecdote, les premières loteries gratifiaient les joueurs qui étaient capables de deviner le nombre de bibles vendues dans une ville, sur une année !
Conclusion
Comme nous venons de le voir, la loterie d’antan n’a pas toujours eu pour but de créer de nouvelles fortunes. Jadis, les jeux de tombolas représentaient un moyen efficace de collecter des taxes auprès de la population. Les gains récoltés ont aidé à consolider les assises de plusieurs grandes nations, mais ont également soutenu la croissance et le développement communautaire de quelques-unes de nos sociétés modernes.