Aujourd’hui, la pandémie nous incite à regarde de plus près la crise de 2008/2009/2010 même si l’origine de la crise actuelle ne semble rien avoir de commun avec elle. Et pourtant si l’on regarde on se rend compte que c’est à ce moment que l’entrepreneuriat a pris son envol permettant la création de milliers d’entreprises, permettant aux salariés de quitter le chômage et de construire leur emploi, donnant une véritable bouffée d’oxygène au carcan habituel. On peut se demander s’il n’en sera pas de même de la crise du coronavirus avec cette soif de créer un monde nouveau avec de nouvelles valeurs.
« Les périodes de crises sont-elles propices aux entrepreneurs »
Autopsie d’une crise
Au début 2009 : la crise financière est belle est bien devenue économique, réelle. Partout on parlait de fermetures d’usines, de licenciements, de gel du crédit et de perte de confiance des investisseurs, des chefs d’entreprise et des ménages.
La France n’échappait à la récession que de quelques dixièmes de points et l’on savait déjà que les prévisions, déjà faibles, de croissance seront certainement revues à la baisse. C’est dans ces temps bien troublés que s’est déroulé dans un enthousiasme non dissimulé, les 4 et 5 février, le Salon des Entrepreneurs (et pour l’occasion celui de l’auto-entrepreneur).
Méthode Coué pour combattre cette crise de confiance généralisée ou simple constat que le salut pourrait bien venir de ces gens un peu fous, ces doux-dingues que sont les entrepreneurs ?
Début 2009 : une situation sombre
La situation était en effet bien sombre : l’année 2008 battait un record en matière de défaillance d’entreprises, à un niveau jamais atteint depuis 1991. On avait vu dans le même temps une accélération brutale des défaillances en fin d’année (source Altares).
Tout semblait conjugué pour freiner le développement des jeunes pousses déjà créées et renvoyer les entrepreneurs en herbe à la rédaction de leurs business-plans : crédit en panne, investisseurs frileux, ambiance morose chez les ménages et dans les entreprises, pouvoir d’achat en berne, imprévisibilité des marchés, sentiment partagé que l’on n’avait pas encore connu le pire
Il fallait s’armer d’une bonne dose de pensée positive pour ne pas vouloir se calfeutrer bien au chaud, en attendant que ça passe. Au chapitre des préoccupations de l’entrepreneur, le ralentissement économique, déjà très perceptible dans les secteurs du transport, de l’immobilier ou du tourisme, tient une place de choix.
La crise a mis à mal les modèles économiques peu solides et non rentables rapidement.
Elle a aussi mis en lumière la nécessité de très vite assurer un chiffre d’affaires et des marges suffisants lors de la phase d’amorçage. Le ralentissement attendu de la consommation et la question très présente du pouvoir d’achat n’auguraient en cela rien de bon : vendre allait devenir une des clés de la survie.
Créer ou se développer nécessite des fonds et c’est en grande partie là que le bât blesse.
Le crédit se grippe réellement malgré les milliards d’euros mis à la disposition des banques et le contrôle souhaité des agissements des banques par les Préfets au niveau local n’est pas totalement rassurant. Les banquiers, en temps normal déjà forts prudents avec les projets nouveaux, vont faire encore plus attention à leurs choix de prise de risques. En parallèle de ce durcissement des conditions de prêt, la durée d’instruction des dossiers sera rallongée. Et en prime, le coût du crédit pouvait augmenter de plusieurs points de base dans les prochains mois.
Des investisseurs privés plus frileux
La situation n’est pas plus rose côté investisseurs privés, malgré le succès de la loi TEPA et de la défiscalisation de l’ISF, où l’on s’attend également à un coup de frein ainsi qu’à des valorisations bien moins généreuses que lors des deux dernières années. Les investisseurs privés (businessAngels, capital-risque), échaudés par l’état général du marché et par quelques prises de participations aujourd’hui fortement dévaluées, se rabattront sur les meilleurs projets, déjà (ou rapidement) rentables, portés par des équipes solides.
Difficile donc de trouver l’oxygène nécessaire pour faire grandir sa jeune pousse lorsque les clients, les banquiers et les investisseurs deviennent frileux !
De nouvelles opportunités
Pourtant, de nouvelles opportunités étaient déjà en train d’apparaître, et la création d’entreprise pourrait bien ressortir grandie de toute cette période.
Tout d’abord, les pouvoirs publics se mobilisaient vraiment, remettant les TPE / PME au centre du jeu.
D’ailleurs, d’après un sondage OpinionWay – Journées des Entrepreneurs, 97 % de la population voit dans le développement des petites entreprises le meilleur moyen de sortir de la crise. Le coup de projecteur sur la nécessité de ne pas geler le financement des PME est en ligne avec ce sentiment.
Les réformes se multiplient également pour transformer la France en pays d’entrepreneur : loi TEPA, statut d’auto-entrepreneur, suppression envisagée de la taxe professionnelle, simplification voulue du code du travail et peut-être reprise de la réflexion sur un Small Business Act à la française.
Le financement classique – bancaire ou privé – devenant plus difficile, de nouvelles formes apparaissaient.
S’il reste de l’argent pour financer PME et startups, il ne se trouve plus forcément au même endroit. La loi TEPA a dans ce cadre totalement joué son rôle et l’on a dépassé le milliard d’euros collectés sur 2008. Longtemps à la traîne en Europe pour le nombre de ses Business Angels, la France rattrape désormais très rapidement son retard. Et si cela ne suffisait pas, on voit également naître aujourd’hui de nouvelles plateformes Internet facilitant la rencontre entre investisseurs et entrepreneurs : Oséo Capital PME ou le site privé capangel.com pour ne citer qu’eux.
Côté business, tous les secteurs ne sont pas touchés de manière égale : le low-cost a ainsi la cote, tout comme tous les services permettant de consommer à moindre coût. Il existe donc bien des secteurs à investir pour des entrepreneurs astucieux et opportunistes.
Les entreprises à succès naissent dans les crises
Il ne faut pas oublier enfin que de nombreuses sociétés à succès se sont lancées par temps de crise, en étant plus prudentes et construisant sur la durée leur réussite. Même dans la communication, habituellement un des secteurs les plus rapidement touchés – les budgets marketing et publicité servant de variable d’ajustement – les entreprises vont vouloir se différencier de leurs concurrents et créer ainsi une nouvelle demande.
En tant de crise, on en revient aux recettes qui ont fait leurs preuves : un seul maître mot, donc, pour les nouveaux venus : être innovants, dans leurs produits et services mais également dans la façon de les vendre, de s’organiser et de s’adapter à cette période de turbulence. Oser n’a jamais été autant à l’ordre du jour !
Article par Guilhem Bertholet
Directeur de l’Incubateur HEC
www.guilhembertholet.com/blog