La très grande majorité des sociétés a débuté en mode « start-up ». On se souvient de Microsoft qui fut créée dans un garage et de NRJ dans une chambre de bonne. Ces succès ne doivent pas faire oublier que seules 20% des start-up ont des activités pérennes assurant le développement de la société. Les espaces de co-working, l’accompagnement des incubateurs et les pépinières favorisent l’éclosion de nouveaux entrepreneurs en leur permettant de se lancer dans cette « folle aventure ». Les start-up ont leurs particularités et leurs codes qu’il convient de traduire au mode de fonctionnement des financiers.
Quelles sont les phases essentielles de la création d’une société ?
Choisir en premier lieu un modèle économique ou business model
Après avoir eu l’idée d’un produit ou d’un service, il faut choisir sa cible. Avoir un bon produit en se trompant de clientèle reviendrait à proposer une ferrari à un agriculteur pour labourer son champ. Ainsi, l’idée d’un produit ou d’un service ne suffit pas à rendre viable une société. Il est impératif de créer une démarche commerciale rentabilisant cette idée.
Par exemple, Napster et Google ont mis plusieurs années avant d’associer la publicité ou la vente par abonnement à leurs services afin de générer des profits.
Plus l’écart est important entre la phase de création et la rentabilité du modèle économique, plus le besoin de financement se fait sentir. De plus, certaines activités nécessitent une mise de fonds propres accrues telle que l’industrie comparativement à des prestataires de services.
La définition du business model est un élément clef du développement du projet. L’objectif de celui-ci est d’assurer la pérennité du projet en générant la trésorerie nécessaire. Pour ce faire, il doit déterminer les éléments importants du projet et faire ressortir les ressources et les besoins afin de mettre en évidence la viabilité économique de la société.
Le travail de recherche et de réflexion articulé autour de l’élaboration de la trésorerie prévisionnelle passe par une identification des dépenses et des recettes. Il permet, le cas échéant, de vérifier que le projet est viable, c’est-à-dire que les produits permettent de couvrir les charges d’exploitation et dégagent de la valeur mais également que le projet est rentable c’est-à-dire qu’il dégage de la valeur.
Quelles sont les composantes du business model ?
Savoir ce que l’on vend
Élément déterminant du projet, il faut définir qui et comment l’activité génère de la trésorerie. Sont-ce les clients, la publicité ? Si ce sont les clients, qui sont-ils ? Comment les trouve-t-on ? Quel moyen de communication ? A quel prix ? Autant de questions (et il y en a beaucoup d’autres) que doivent se poser les créateurs d’une société.
Bien connaître l’adéquation de la cible et du produit
Il s’agit dans cette phase de rapprocher la cible choisie du produit ou du service proposé. Les besoins de la cible choisie correspondent-ils aux produits/services vendus ? Quel est « le juste prix » ? Comment le chiffre d’affaires sera-t-il généré ? Ponctuellement, location, abonnement… ?
Déterminer avec précision la force de vente
Cette phase explicite les moyens mis en œuvre pour vendre. Qu’est-ce qui vous différencie de vos concurrents ? Comment allez-vous vendre ? Quel type de relation comptez-vous entretenir avec votre clientèle ? Quels supports allez-vous utiliser ?
Connaître les coûts
- déterminer les ressources dont l’activité a besoin pour fonctionner. Celles-ci doivent être en adéquation et proportionnées au volume d’activité.
- classifier les ressources-clés indispensables au fonctionnement de la société (logistique, ingénierie…) et les ressources moins stratégiques afin d’allouer les fonds nécessaires.
En conclusion, cette démarche d’élaboration d’un business plan permet
- d’aboutir à la récapitulation précise des capitaux nécessaires au lancement du projet (apport en capital, apport en compte courant d’associé, emprunt, crédit bail).
- d’aboutir à la construction d’un projet cohérent et viable. Il ne faut pas oublier qu’un business plan est aussi un outil de clarification permettant au porteur de projet de « coucher » ses idées afin de les structurer de manière claire et précise.
Le rôle primordial du créateur de la société
Au-delà du constat « Sans créateur pas de nouvelle société », le rôle du fondateur est prépondérant car il va transmettre son énergie, ses fonds (et c’est rare qu’il en ait), ses compétences afin d’élaborer son projet.
Il convient de rappeler que la prise de risque très élevée et l’investissement tant sur le plan financier que personnel de l’entrepreneur sont très rarement récompensés. Beaucoup d’entreprises ne survivent pas au cap fatidique des 5 ans. Il lui faut donc une énorme dose de persévérance et de courage.
Sur le plan psychologique, le fondateur est à l’opposé du financier dans son appréhension du risque. Le fondateur aura une prise de risque maximum et exclusive tandis que le financier raisonnera par probabilité et limitation du risque par la diversification. La difficulté de l’entrepreneur sera de communiquer et surtout de s’approprier le langage et les codes du financier, d’où l’intérêt de se rapprocher d’un professionnel du financement afin d’éviter des retards préjudiciable de fonds propres.
Mais aussi de la nécessité de fonds
Comme nous l’avons déjà évoqué, plus l’écart est important entre la phase de création et la rentabilité du modèle économique, plus le besoin de financement se fait sentir. Peu d’entreprises peuvent se targuer d’être rentables et de générer un autofinancement positif dans les premières périodes d’exploitation.
A moins que l’entrepreneur ne dispose d’un patrimoine suffisant, le recours au financement externe s’avère indispensable afin de pérenniser la création de la société.
Faut-il avoir peur d’ouvrir la porte à un investisseur ?
Une étude publiée par l’AFIC précise que 3 ans après l’intervention d’un investisseur, le chiffre d’affaires des entreprises emprunteuses est multiplié par 1,65 et l’effectif par 1,42 par rapport à une société restée à 100% indépendante.
Néanmoins les investisseurs sont de plus en plus actifs dans leur relation avec les sociétés emprunteuses. Les risques pris par les préteurs sont également élevés. Selon l’AFIC, le taux de rendement interne moyen des fonds de capital français de 2001 à 2011 a été de -1,50%. Evidemment des écarts importants sont constatés mais les gains dégagés par les plus profitables (qui sont largement minoritaires) couvrent la grande majorité des entreprises non rentables.
Dans ces conditions, les financiers ont tendance à suivre au plus près leurs investissements en accompagnant et prodiguant des conseils aux chefs d’entreprises, que ce soit sur la gestion, le marketing, la mise en relation d’intermédiaires. Certains fonds demandent la mise en place d’un organe de décision ou à faire partie d’un comité de direction afin de participer au processus décisionnel et stratégique de la société. Cet accompagnement s’avère bien souvent positif car il permet de rompre la solitude de l’entrepreneur.
Evidemment, cet engagement de l’investisseur n’a rien de désintéressé car cela lui permet de s’assurer du respect des objectifs à moyen terme de la société et de se forger une opinion avant toute décision de réinvestissement.
Que doit faire une start-up sur le plan financier ?
Dans la mesure du possible utiliser des fonds propres
Si l’activité ne nécessite pas de financer un actif important, le recours à l’emprunt est à éviter car cela crée l’obligation de générer des cash flows positifs et réguliers en phase de création.
L’entrepreneur, en souscrivant un emprunt, va se détourner de son objectif premier en concentrant sa réflexion sur le remboursement des échéances de l’emprunt. Il sera contraint d’adopter une vision court-terme au détriment d’une vision plus lointaine.
L’objectif de l’entrepreneur emprunteur est d’éviter la dilution du capital. Cependant, le fait de précipiter l’emprunt peut empêcher l’aboutissement de l’idée fondatrice et freine voire annihile le développement de la société. La phase de développement doit démontrer que le business model est réalisable, la réflexion portant sur la dilution du capital est précipitée.
Une société qui a pris le temps de démontrer sa viabilité court moins de risque qu’une entreprise emprunteuse dont le business model est mal défini et dont la restructuration entrainera alors une dilution massive.
Le recours à l’emprunt ne sera efficace qu’après la vérification de la bonne exécution du business model.
La question de fond à se poser est vaut-il mieux posséder 100% d’une société valant 100 (avec peu de perspective d’évolution) que 80% d’une société valant 200 dans 5 ans. Evidemment, les start-up nécessitant des actifs importants n’auront pas d’autres choix que de recourir, pour partie, à l’emprunt. Dans ce cas, l’entrepreneur aura tendance à privilégier des emprunts longs ou des crédits-bails afin de s’accorder le plus de souplesse possible.
Combien de tours de financement ? Créateur et investisseur, des intérêts divergents ?
Est-il préférable de faire un tour de table important en une seule fois ou plusieurs levées de fonds étalées sur des années ?
Les 2 parties, investisseurs et entrepreneurs, ont intérêt à répartir les levées de fonds.
L’intérêt de l’investisseur est de créer des étapes à franchir avant de réinjecter des fonds. Ces étapes sont à définir d’un commun accord : création de X points de vente, aboutissement d’un prototype,…Ces étapes permettent à l’entrepreneur de se projeter et de dimensionner ses besoins en fonction de son objectif.
La réalisation d’une étape rassure les investisseurs et permet d’organiser un nouveau tour de table.
Si l’étape n’est pas franchie, l’investisseur pourra intervenir afin de solutionner le retard en résolvant éventuellement un conflit ou en allouant les fonds aux dépenses stratégiques. Cette phase est importante à gérer car l’entrepreneur aura tendance à persévérer dans son projet et suivre son « idée maîtresse » tandis que l’investisseur aura un regard moins passionné et voudra limiter la prise de risques.
L’intérêt de l’entrepreneur est de voir la valeur de son action augmentée entre les différents tours de table. Ainsi, en cas de succès des étapes, l’entrepreneur pourra négocier un prix de l’action plus élevée à chaque fois, lui permettant ainsi de réduire sa dilution dans le capital.
Comment attirer les financiers sans être dilué ?
Les investisseurs, en échange des fonds apportés, reçoivent généralement un pourcentage du capital de la société, que ce soit immédiatement ou à terme. Toute la problématique sera d’évaluer cette dilution pour le fondateur.
Plusieurs moyens permettent d’éviter ou de repousser l’ouverture du capital à des financiers. La société peut, par exemple, émettre un emprunt obligataire convertible en actions. Dans ce système, la dilution n’interviendra qu’au bout de la période prévue par le contrat d’emprunt et en cas de non remboursement. Cette technique est souvent utilisée dans les sociétés générant assez de cash pour rembourser les intérêts à période fixe et qui ont la capacité à capitaliser le montant total de la dette à rembourser à une période donnée.
Un autre système consiste en l’apport de fonds sous forme de compte courant dans la mesure où le financier est déjà actionnaire. Le compte courant sera rémunéré à un taux contractuel convenu entre le fondateur et le financier. Dans les 2 cas, la société devra générer assez de liquidités afin d’assurer le remboursement des intérêts (qui peuvent être in-fine) et du capital sous peine de dilution.
En période de démarrage, il est rare d’avoir cette capacité. Dans la pratique, le fondateur, initiateur de l’idée mais dépourvu de fonds propres, aura tendance à ouvrir son capital à des financiers en échange des fonds apportés.
Afin d’éviter une forte dilution, le prix de souscription ou d’acquisition des actions des financiers sera différent de celui du fondateur. Ainsi, les financiers vont payer X fois le prix payé par le fondateur pour le même type d’actions. Evidemment, le prix payé par les financiers devra être documenté par une évaluation de société sous entendant un business plan rigoureux.
Le risque de cette « prime à l’entrée » est, en cas de non-respect d’étape-clé ou d’objectifs prédéterminés non respectés, de créer une fracture entre le fondateur et les financiers.
Dans cette situation, le prix « réel » des actions serait entre le prix payé par les financiers et celui souscrit par le créateur de la société. Ainsi, ce dernier est en position de plus-value tandis que les apporteurs de fonds seront en moins-value. Les objectifs et les intérêts deviennent divergents ce qui peut amener à une situation de blocage.
Afin d’éviter cette problématique, il peut être envisagé que le financier entre au même prix que le fondateur ainsi il n’y aura pas déconnexion d’intérêts communs. L’intéressement du fondateur pourra intervenir, lors de la réalisation d’étapes clés ou d’atteinte d’objectif précis, par la cession d’option d’achat à un prix dérisoire, ou des stocks options, ou des BSPCE ou d’attribution gratuite d’action. Ces outils permettront au fondateur de diluer, à son profit, les investisseurs.
Ces deux solutions conduisent au même résultat en cas de non réalisation des objectifs mais ne produisent pas les mêmes effets sur le plan psychologique aux créateurs de la société. Dans le 1er cas, la motivation sera très forte car le fondateur détient la grande majorité des actions et reste le « patron ». Dans la 2ème solution, il deviendra « maître chez lui » qu’en cas de réussite de son projet. Dans cette attente, il devra gouverner avec des financiers n’ayant pas la même approche du risque.