La protection du logiciel par le droit de la propriété intellectuelle a fait débat. Le brevet a été proposé un temps. Cependant, il fut finalement écarté au profit du droit d’auteur. Il réduit le critère traditionnel de l’originalité dans la forme. L’arrêt du 17 octobre 2012 rendu par la Première Chambre civile de la Cour de cassation illustre la différence de traitement des programmes d’ordinateur. Néanmoins, il démontre que tout logiciel à succès n’est pas jugé original pour autant.
Les faits de l’affaire
Une société COD affirmait être titulaire des droits d’auteur sur un logiciel de gestion pour les études d’huissiers de justice. Elle avait d’ailleurs procédé à deux dépôts dudit logiciel auprès de l’agence pour la protection des programmes. Par ailleurs, elle avait concédé une licence d’utilisation à une société AS durant plusieurs années.
Cette dernière société continua à utiliser le logiciel après le terme du contrat de licence. Il en fut de même pour une société d’huissiers de justice pour laquelle elle assurait des prestations informatiques. Face à cette exploitation sans autorisation, la société COD assigna la société AS, ainsi que la société d’huissiers de justice, en contrefaçon de son logiciel.
La décision de la Cour d’appel
Par un arrêt du 11 mai 2011, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence fit droit aux demandes de la société COD. Elle reconnaît en effet que le logiciel en cause était bien protégé par le droit d’auteur. Il apporte « une solution particulière à la gestion des études d’huissiers de justice ». La Cour condamna solidairement la société AS et la société d’huissiers de justice à verser la somme de 20. 000 euros à titre de dommages et intérêts. Elle ordonna à la société AS de cesser toute utilisation du logiciel, de supprimer celui-ci de tous ses ordinateurs et de remettre à la société COD toute documentation afférente à ce logiciel.
La société AS forma alors un pourvoi devant la Cour de cassation. Elle reprocha à la juridiction d’appel d’avoir reconnu la protection du logiciel par le droit d’auteur pour de mauvaises raisons. Notamment l’existence de contrats de licence sur le logiciel et les dépôts auprès de l’agence pour la protection des programmes. Selon la Cour en effet, cela suffisait à démontrer que le logiciel apportait « une solution particulière à la gestion des études d’huissiers de justice », d’où son originalité.
La solution de la cour de cassation
Fort heureusement, le pourvoi a été entendu par la haute juridiction. La Cour de cassation, dans son arrêt du 17 octobre 2012, censure les juges du fond au motif que ceux-ci n’ont pas recherché « en quoi les choix opérés témoignaient d’un apport intellectuel propre et d’un effort personnalisé de celui qui avait élaboré le logiciel litigieux, seuls de nature à lui conférer le caractère d’une œuvre originale protégée ».
En matière de programmes d’ordinateurs, le critère de l’originalité dans la forme, révélant l’existence du droit d’auteur, conserve sa spécificité par rapport aux autres œuvres de l’esprit. On sait, depuis les arrêts d’assemblée plénière du 7 mars 1986, qu’en la matière, l’exigence est traditionnellement moindre. Il ne faut pas aller jusqu’à caractériser l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Il faut simplement un « effort personnalisé allant au-delà de la simple mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante ».
Par cet arrêt du 17 octobre 2012, la Cour de cassation confirme que les exigences sont toujours vues à la baisse, par rapport aux autres œuvres, lorsqu’il s’agit de reconnaitre à un logiciel la protection par le droit d’auteur. Mais cette décision démontre également que la haute juridiction n’entend pas pour autant descendre en deçà du seuil habituel et conférer à un logiciel la protection par le droit d’auteur du seul fait de son succès, révélé en l’espèce par les différents contrats de licence dont il a fait l’objet et par des dépôts auprès de l’agence pour la protection des programmes.