Fondée en 2012 par Jonathan Cherki, ContentSquare est un éditeur de logiciels, spécialiste de l’optimisation des parcours clients sur sites web et mobile. Après s’être quasiment auto-développée et être passée de 1 à 110 salariés, l’entreprise poursuit sa croissance à l’international.
Qu’est-ce qui vous a amené à créer votre entreprise ?
Marseillais d’origine, je suis « monté » à Paris pour mes études. En intégrant l’ESSEC et son incubateur, j’ai commencé à travailler sur un projet d’étudiant qui s’est par la suite transformé en projet d’entreprise, et aujourd’hui, en projet de vie. à l’époque, l’ensemble du marché se concentrait sur l’acquisition et particulièrement sur la publicité, pour l’augmentation des ventes onlines. Beaucoup de bannières apparaissaient mais très peu de personnes cliquaient dessus. La réflexion première a été de se demander quelle est la véritable efficacité des publicités.
De là, nous nous sommes rapidement rendu compte que, même si la publicité est attractive, si le site n’est pas bien fait, les internautes n’y restent pas. De ce constat, nous avons voulu comprendre le lien entre campagne publicitaire, acquisition, conversion et expérience utilisateur. Dans le monde physique, il y a un vendeur, mais dans le digital, ce qui fait vendre, c’est l’interface. L’expérience client devient le nouveau facteur déterminant, comme c’est le cas pour de grandes marques telles qu’Apple, Amazon ou Uber.
S’ajoute à cela le fait que, ces dernières années, l’acquisition a multiplié ses coûts par 40. Par exemple, acheter un mot sur Google coûte aujourd’hui 40 fois plus cher qu’il y a cinq ans. Il a donc fallu trouver d’autres sources de rentabilité, et l’expérience utilisateur est apparue comme un levier principal. Tout cela nous a amenés à développer un logiciel SaaS d’analyse et d’optimisation de l’expérience client, autour duquel s’articule Content Square.
Quelle différence avec les solutions déjà proposées sur le marché ?
Je me demande souvent pourquoi les gens prennent telle ou telle décision. Cette notion de pourquoi est essentielle dans ma vie. En observant minutieusement ce qui existait déjà, je me suis aperçu que les solutions d’analytics géraient très bien les enjeux de l’attribution et de publicité, mais pas ceux de l’analyse de l’expérience client. Ces solutions étaient capables de définir la nature du client, d’où il vient, quelles sont les pages qu’il a visitées et combien de temps il y est resté. Malgré cela, elles ne permettaient pas de dire pourquoi une personne décide d’acheter ou de partir.
Ce « pourquoi » nous a intéressés et nous a amenés à développer notre propre solution. Très simple d’utilisation, elle a permis à nos clients d’augmenter leurs performances en démocratisant l’accès à l’information. Elle permet également de prendre rapidement des décisions grâce à des indicateurs spécifiques que nous avons créés. Il s’agit notamment de mesurer l’efficacité d’un élément, tel qu’un texte ou une image, sur la décision d’achat pour ensuite émettre des recommandations. En clair, nous répondons à la question du pourquoi là où les autres ne sont pas capables de dire que ce qu’il s’est passé.
Comment s’est déroulé le développement de l’entreprise ?
Grâce à l’incubateur, nous avons commencé notre activité en recrutant quelques stagiaires. En 2012, nous avons ensuite fait appel à des investisseurs du monde du software, des business angels. Ces derniers nous ont permis de financer nos premiers recrutements, d’améliorer notre logiciel et d’accélérer notre développement. De 2012 à 2016, nous nous sommes quasiment auto-développés et grâce à cela nous sommes passés de 1 à 110 collaborateurs. J’ai également eu la chance de rencontrer des prospects et clients qui nous ont véritablement fait confiance et ont contribué à notre réussite.
Ils ont partagé avec nous leur vision et nous ont aidés à l’industrialiser. Certains se sont révélés hyper constructifs et nous ont permis de faire évoluer notre produit afin de le faire parvenir à un niveau mondial. Ces personnes se sont projetées avec nous dans le développement de l’entreprise alors qu’elles n’avaient pas nécessairement d’intérêt à le faire. J’ai trouvé cela fantastique et cela nous a fait gagner un temps considérable. Aujourd’hui, nous disposons d’un bureau à Paris, un autre à Londres, et sommes en train d’en ouvrir un à New York.
Qu’est-ce qui, selon vous, définit l’essence même de ContentSquare ?
Les ingrédients qui la composent sont en quelque sorte les valeurs que j’ai reçues au cours de mon éducation. La principale repose sur la notion de famille, il s’agit d’une notion essentielle pour moi. Chez ContentSquare, on retrouve une forte relation de proximité. On se dit directement les choses, il n’y a pas de barrière au niveau de la hiérarchie. En allant plus loin, nous détenons un double objectif : l’augmentation de la conversion et l’amélioration de la culture d’entreprise. Pour ce faire, nous avons mis en place un système permettant à chacun de mesurer l’efficacité de ce qu’il entreprend afin de donner un sens à son travail.
Le fait de pouvoir mesurer sa contribution à la croissance de l’entreprise change drastiquement la manière dont les personnes conçoivent leur poste. En se sentant davantage responsable, les collaborateurs sont plus autonomes et augmentent leur productivité. D’ailleurs, lors de nos recrutements, nous cherchons des personnes capables de se surpasser et dépasser leurs limites. Nous ne cherchons pas simplement à être bons, nous voulons être les meilleurs et de loin. Enfin, une autre valeur essentielle est l’hyper optimisme. Nous avons toujours considéré que nous n’avions pas de véritables barrières, et que tout est possible. Pour résumer, nous regardons toujours le verre plus qu’à moitié plein : c’est ce qui nous a permis de nous dépasser ! La peur d’échouer n’existe pas chez ContentSquare.
Quels sont les facteurs de réussite de votre entreprise ?
Il y en a plusieurs. En premier lieu, je dirais l’équipe. Seul, on va vite, mais ensemble, on va loin. L’équipe nous donne une vraie force de développement et de pouvoir prétendre à des ambitions telles que celle de devenir le numéro un mondial de notre activité. Le second élément se matérialise par le produit lui-même. 95 % de notre investissement ont été placés dans un laboratoire de recherche et nous ont donné la possibilité de concevoir un produit pouvant être utilisé par n’importe qui, n’importe où et n’importe quand.
Le troisième élément réside dans les données. Nous collectons, analysons et utilisons énormément d’informations, ce qui nous permet d’engranger une part importante de connaissances liées aux comportements des utilisateurs. Pour finir, le plus important réside dans le timing et le marché. Sans cela, nous n’y arrivons pas. Nous sommes positionnés sur un marché qui n’existait pas il y a quatre ou cinq ans. Aujourd’hui, nous parlons d’un marché qui pèsera près de 11 milliards de dollars en 2010 ! Pour revenir au timing, parfois nous arrivons trop tôt, parfois trop tard. Je pense qu’il existe un moment où l’ensemble des planètes est aligné et que nous sommes arrivés au bon moment. Tout cela nous a permis de grandir et de convaincre le marché d’adopter en masse ce type de plateforme.
Quelles sont vos principales satisfactions aujourd’hui ?
J’ai vraiment plaisir à travailler avec les personnes qui constituent actuellement l’entreprise. Cela me donne une patate et un sourire d’enfer car j’ai réellement l’impression de construire quelque chose et de le faire avec eux. Mis à part cela, nous constatons qu’avec nos propres moyens, nous sommes parvenus à nous auto-développer. Désormais, nous détenons des enjeux d’internationalisation et de rapidité en termes de croissance, ce qui explique que nous avons été amenés à lever 20 millions de dollars. Une autre satisfaction se traduit par le sentiment que les salariés sont heureux et arborent le même sourire que moi lorsqu’ils viennent travailler. Je pense que c’est un gage de succès à long terme.
Et au niveau des difficultés ?
Je dirais que la principale difficulté a été de savoir s’entourer et trouver les bonnes personnes afin qu’elles deviennent pleinement constitutives de notre projet. Je pense qu’il vaut mieux prendre le temps de bien choisir ses partenaires parce que c’est avec eux que nous allons écrire une histoire commune. Ce n’est pas toujours simple, cela prend du temps. Une autre difficulté à laquelle nous avons été confrontés, fréquente lorsque l’on souhaite construire un logiciel d’envergure mondiale, a été de ne pas se disperser en acceptant le tout-venant. Nous avons reçu pas mal de demandes qui sortaient un peu de notre périmètre. Il a fallu que nous restions concentrés sur les choses primordiales lors du développement de notre activité. Cela fait partie des enseignements que je retiens de cette expérience.
Pour vous, quelle serait l’erreur à ne pas faire en entrepreneuriat ?
La vraie erreur serait de ne pas apprendre de ses erreurs. Le véritable enjeu est d’être capable de les identifier très rapidement pour en faire des points de force futurs. Je veille beaucoup à essayer de comprendre pourquoi telle ou telle chose n’a pas marché. Cet enjeu du pourquoi, comme je l’ai déjà évoqué, je l’applique à ma propre entreprise. Et souvent, quand on fonce tête baissée, on oublie de se poser la bonne question qui est de savoir pourquoi cela marche ou ne marche pas.
Une erreur est aussi de penser court terme et non long terme, de penser France et non monde, de penser à un écran plutôt qu’à l’ensemble des écrans (ndlr : dans le cas d’un produit), de penser à quelques personnes versus l’ensemble des personnes. Le fait d’anticiper permet déjà de régler certains problèmes. Il est possible d’obtenir de bons résultats sans en connaître la cause, mais dans ce cas, nous en perdons la substantifique moelle et on se retrouve ralenti dans la créativité. Au final, l’erreur serait de ne pas savoir quelles sont nos erreurs.
Comment parvenez-vous à concilier vie professionnelle et vie personnelle ?
J’y parviens grâce à ma femme, qui est géniale. Elle a cette même patate que moi, ce même sourire et a à cœur les valeurs de famille. J’ai également un petit garçon qui me donne énormément d’énergie. Au-delà de cela, je m’attache à consacrer du temps à ma famille. Par exemple, le week-end lui est entièrement dédié. Malgré le fait qu’un entrepreneur vit dans un monde hyper connecté, je fais en sorte que ma famille reste numéro un dans ma vie. Bien que je sois souvent en déplacement, quand je suis auprès d’elle, je m’efforce de l’être à 4 000 %.
Des perspectives d’avenir pour l’entreprise ?
Nous détenons actuellement plusieurs axes de développement. Présents depuis fin 2015 – début 2016 à l’international, nous allons être amenés à recruter près d’une centaine de collaborateurs dans l’année à venir, en Europe et aux états-Unis. Nous allons également continuer à davantage investir dans la recherche et développement ainsi que sur l’intelligence artificielle.
Les 4 Conseils de Jonathan Cherki
- Entourez-vous. Aujourd’hui, je pense que ce n’est plus une possibilité mais une nécessité. Nous vivons dans un monde hyper ouvert, hyper connecté, et il devient essentiel de savoir s’entourer.
- Pensez tout de suite plus grand. Ne vous contentez pas de penser petit mais ayez une ambition à la hauteur de ce que l’on peut voir aujourd’hui. Certains géants du Web n’existaient pas il y a une dizaine d’années et ceux de demain peut-être pas encore.
- Apprenez de vos erreurs. Des difficultés, vous allez en rencontrer. Ne négligez pas votre capacité à en tirer des apprentissages mais aussi à vous enrichir de tout le savoir qu’il y a autour de vous.
- Foncez ! Ne vous fixez pas de limites. Lorsque vous tenez quelque chose ainsi que l’ensemble des éléments rationnels qui vous disent que cela devrait marcher, foncez à 4 000 %. Cassez les murs.
« Nous ne cherchons pas simplement à être bons, nous voulons être les meilleurs et de loin. »