Interview de Jean-Baptiste Descroix-Vernier, PDG de Rentabiliweb
Pourquoi avoir fondé Rentabiliweb, comment vous est venue l’idée ?
À l’époque, en 2002, tout était gratuit sur le web, sans business model. J’ai senti alors que c’était tout le secteur qui allait s’effondrer ! Comme j’avais beaucoup travaillé avec des entreprises qui utilisaient l’audiotel pour monétiser l’accès à l’info, ou le minitel, je me suis dit qu’on pouvait appliquer ça à Internet. Le micro-paiement était né.
Quelle stratégie avez-vous mis en place pour vous imposer à l’étranger ?
Ma propre culture me pousse vers l’ouverture internationale. En revanche, j’ai toujours été très prudent avec le fantasme du petit Français qui s’attaque à l’Amérique ou à la Chine… J’essaye d’allier l’ambition avec le bon sens et la gestion prudente. Je n’ai pas la folie des grandeurs.
Êtes-vous satisfait aujourd’hui d’être entré en bourse ?
La bourse c’est un incroyable accélérateur de croissance. C’est aussi un petit monde bien particulier. J’ai toujours une appréhension vis-à-vis des fonds d’investissement et de leurs logiques, mais j’ai appris à travailler avec eux.
Messier, Arnault, Courbit, Bergé, Pinault… Ils sont tous au capital de votre groupe. Comment avez-vous fait pour les convaincre ?
Je ne pense pas que ce soit ma petite personne qui les a convaincus ! C’est pour les chiffres de l’entreprise qu’ils sont rentrés au capital. Mes actionnaires sont contents car je gère la société « en bon père de famille » : je ne dépense pas l’argent que je n’ai pas. 85 millions de capitaux propres, c‘est une force de frappe énorme !
Vous vous lancez aujourd’hui dans la banque avec l’ambition d’être « le Free de la banque ». Expliquez.
Pour l’instant notre activité bancaire est circonscrite à ce qu’on appelle une « banque acquéreur », c’est-à-dire un établissement de paiement qui opère les transactions entre un internaute et un e-commerçant. Mais nous développons doucement ce pôle.
L’exemple de Xavier Niel vous inspire ?
Je place Xavier Niel au même niveau que Steeve Jobs ou Larry Page ! Son seul problème est d’être français ! En France, lorsqu’on essaie de vendre moins cher, de casser un monopole, on est la cible de toutes les critiques alors qu’aux États-Unis, on est un dieu ! En France on a tendance à mettre dans le même sac les patrons classiques et ceux qui sortent de la norme, comme Pierre Bergé par exemple qui investit dans l’humanitaire et dans l’art. La France n’aime pas assez ses entrepreneurs et elle préfère trop souvent railler les échecs que de vanter les réussites.
Votre style est atypique, est-ce plus dur d’être crédible dans le monde du business ?
Les chiffres sont bien plus importants que mon style. C’est vrai que dans ce monde, quand on ne porte pas le costume-cravate réglementaire, on n’a un peu moins le droit à l’erreur que les autres.
Vous gérez votre entreprise depuis votre péniche à Amsterdam. Pourquoi ce choix ?
J’ai besoin de calme pour travailler et à titre personnel pour réfléchir et me recueillir. Et, grâce à une organisation technologique pointue, je suis persuadé que je suis plus efficace de cette manière que si j’étais cloitré au trentième étage d’une tour dans des bureaux parisiens !
Votre première vocation était de devenir prêtre. Pourquoi avoir renoncé ?
Parce que je suis tombé amoureux d’une femme. J’ai dû faire un choix de vie différent, sans pour autant renier ma foi. Aujourd’hui je reste très croyant et je pense qu’en étant chef d’entreprise, je peux apporter beaucoup.
Que vous apporte la spiritualité par rapport à votre activité de businessman ?
J’essaie de faire des affaires dans la dignité, en prenant en considération l’avenir de mes salariés et l’utilisation de l’argent que je gagne. Le seul message que je retiens de Jésus c’est « Aime ton prochain ». C’est qui mon prochain ? Je pense que c’est celui qui a moins que moi, celui qui souffre.
Vous êtes l’une des 500 plus grosses fortunes de france et vous avez legué votre fortune en intégralité de votre vivant. pourquoi ?
Pour me sentir libre et utile. Pour changer un peu le monde, autant que je pourrai.
Justement, vous avez fondé la Fondation Descroix-Vernier. Quelle est son action ?
Ma fondation a pour objet de venir en aide aux êtres humains et aux animaux qui souffrent le plus, qui sont dans les situations les plus extrêmes. Je suis l’unique donateur de ma fondation. À ma mort, elle aura pour objet de répartir l’intégralité de ma fortune entre différents organismes sélectionnés. Je ne veux laisser que cette trace de moi après mon passage sur terre. Beaucoup me disent que ce que je fais ne représente qu’une goutte dans l’océan… Mais l’océan n’est fait que de l’accumulation de gouttes !
C’est pour cela que, bien que marqué politiquement à gauche, gagner beaucoup d’argent ne vous pose pas de problème moral ?
Rappelez-vous que j’étais prêt à faire vœu de pauvreté… Mon objectif de vie n’est pas d’accumuler de l’argent sur mes comptes, il est d’en gagner le plus possible pour qu’il puisse être repartagé. Au moins, je sais pour quoi je me bats, c’est une force. Enfin, j’aime mon métier. C’est passionnant d’entreprendre, de créer de la valeur et des emplois, d’inventer les services de demain…
Les 3 conseils
- Créez un bon produit sur un marché porteur. C’est la base. Il faut être clair : un mauvais produit ne marchera jamais. Il faut que le produit soit à la fois intelligent, beau, efficace… Le marché doit être fort et en croissance. Les « niches » sont souvent une bonne idée à étudier.
- Définissez une bonne stratégie. Une fois qu’on a le bon produit, il faut se creuser la tête pour mettre au point un bon business model, pour trouver tous les moyens qui vont permettre de gagner de l’argent avec ce produit.
- Ayez du courage. Contrairement à l’imagerie populaire, chef d’entreprise est un métier très difficile. C’est parfois même épuisant, et en tout cas extrêmement exigeant. Je n’ai pas pris de vacances depuis des années… Je travaille les samedis, les dimanches et chaque jour jusqu’à pas d’heure. Celui qui fait ça en dilettante n’y arrivera jamais. Il faut du courage dans ce métier !