Dans le domaine de l’éducation, la liberté est à la mode. En Europe, des écoles avant-gardistes en entrepreneuriat et innovation développent de grands espaces de libertés pour leurs élèves, des espaces ouverts au développement personnel, permettant un apprentissage ludique par des pédagogies innovantes.
Les exemples sont multiples : une école de leadership créatif dans une ancienne usine à Amsterdam ; les « Pilotes du chaos » (Kaospiloten) dans une maison d’habitation au bord de la mer au Danemark ; des ateliers dans la nature entre kayak et escalade en Bourgogne. Et les offres se multiplient chaque année.
Un nouveau style d’apprentissage
Ce qui caractérise ces écoles, c’est une transparence totale dans l’espace, les contenus et les échanges, un apprentissage par l’expérience et la passion, et l’abandon des rôles classiques professeur/élève. Telles sont les marques de fabrique de la nouvelle génération de formations en entrepreneuriat, notamment dans les pays nordiques et en Europe centrale. Leur objectif est la création de profils véritablement « entrepreneuriaux », très demandés par l’Union Européenne depuis le début du siècle.
En y regardant de plus près, ces programmes n’affichent souvent ni objectifs visibles ni cadre délimité. « Ce matin je me suis levé et me suis demandé ce qu’on allait faire aujourd’hui » nous confia un jour le directeur d’une école d’entrepreneuriat à Amsterdam… Cette absence de cadre et de direction peut sembler déstabilisante, mais elle est voulue. Cela doit préparer les étudiants à la réalité économique – imprégnée d’incertitude et de complexité. Et ainsi considéré, cet écosystème scolaire parait pertinent.
Un effet secondaire parfois indésirable
Pourtant, après des études au pays des merveilles, nos jeunes super-héros, confrontés à la réalité, se retrouvent souvent privés de la magie de l’espace éducatif et de leurs co-aventuriers. Ces visionnaires créatifs se sentent alors étrangers dans un monde qui ne parle pas leur langue. Être capable d’innover, c’est bien, mais à quoi bon si l’on n’est pas entendu ? Faut-il dès lors abandonner la liberté d’esprit et cet apprentissage centré sur l’individu ?
Car à l’autre extrême se situent les écoles de tradition ancienne. La discipline, le cadre et le respect des règles y règnent. Paradoxalement, dans ces systèmes rigides et stricts, les élèves sont poussés à trouver des niches, contourner les règles et se créer des espaces de liberté pour respirer. Ils apprennent de fait à s’adapter dans tous les circonstances – pour survivre.
C’est l’effet secondaire d’une formation trop (en)cadrée. Ces jeunes sont capables de s’adapter à une réalité incertaine et complexe. Mais sont-ils pour autant capable d’innover ?« Nos étudiants savent survivre en entreprise, mais souvent ils imposent leur manière de fonctionnertrop rigidement aux autres » confesse un enseignant d’une école d’ingénieur en France.
La nécessité d’un équilibre
Il semble donc nécessaire de rechercher un équilibre. Les individus tendent naturellement vers la liberté. Nous en avons besoin – non seulement pour survivre, mais pour vivre. C’est de cette liberté que des solutions créatives à nos problèmes peuvent émerger. Cependant, sans limites, nous nous perdons. Sans souhaiter un retour à la dictature scolaire, il faut rester prudent avec les aires de jeux trop libres, qui ne permettent pas aux futures générations de s’adapter au langage de nos challenges.