Les habitudes créées par les Français pendant le confinement seront difficiles à rompre

La pandémie mondiale du nouveau coronavirus a été le déterminant principal de la vie des milliards d’êtres humains cette année 2020. Son coût humain a été terriblement lourd, avec près de 30 000 morts en France. Mais les décès et les contaminations avec leurs corollaires ne sont pas les seuls impacts sanitaires de cette crise.

Le confinement total, qui fut décrété en France et dans une grande partie de pays occidentaux, a eu impact sur les conduites addictives. Assignés à résidence, face à leurs addictions, les Français ont adopté des comportements différents selon le type d’addiction et leur environnement. Alcool, tabac, cannabis ou jeux de hasard, les habitudes liées à l’usage de ces produits ont été affectées de façon durable, mais toujours positive. C’est ce que nous apprend l’Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies (OFDT) dans la dernière parution de sa publication Tendances.

Cannabis : des évolutions différentes selon les habitudes classiques de consommation. 

Contrairement à la plupart des autres drogues, le marché du cannabis n’a pas été fortement impacté par les mesures qui accompagnaient le confinement. Notamment parce qu’il n’est pas exposé aux mêmes difficultés logistiques que la cocaïne par exemple, produite en Amérique du Sud. Il faut aussi signaler que cette drogue est le plus consommé des produits illicites en France. On dénombre 5 millions d’usagers par an, parmi lesquels 900 000 consomment du cannabis de façon quotidienne. Grâce au questionnaire Cannabis Online, administré par l’OFDT à des milliers de consommateurs de cannabis, on peut se rendre compte que le confinement a impacté les habitudes de consommation :

  • 28% des usagers n’en ont pas consommé durant le confinement.
  • 27% d’entre eux ont augmenté leur consommation de cannabis
  • 26% ont gardé des mêmes habitudes de consommation pendant le confinement
  • 16% ont diminué leur consommation (et 4% ont interrompu leur usage avant confinement).

Même si ces chiffres semblent à première vu témoigner d’une grande disparité des comportements, le rapport de l’ODFT met quand même en lumière une tendance forte. On se rend compte que les habitudes de consommation préalable (avant confinement) sont un facteur discriminant tant en ce qui concerne la variation de la consommation pendant le confinement que l’accessibilité de la drogue. En effet, parmi ceux qui consomment moins d’une fois par mois en général, 80% ont été abstinents pendant le confinement. Ce chiffre tombe à 6% chez les consommateurs quotidiens. Ce sont aussi ceux qui habituellement consomment du cannabis moins d’une fois par mois qui ont eu des difficultés d’approvisionnement. Le pourcentage d’usagers occasionnels qui ont acheté du cannabis a chuté de 35% à 17%. Par contre, les usagers réguliers ont maintenu leurs habitudes. C’est le cas pour 82 % des usagers quotidiens et 50% des usagers hebdomadaires. Au total, on peut affirmer que le confinement a eu un effet d’éviction du marché pour les consommateurs non réguliers et d’intensification de la consommation pour ceux qui étaient à la base des consommateurs habituels. La part d’usagers quotidiens passe de 10% à 31%.

Les jeux d’argent et de hasard : le poker est roi

  • Les Français ont habituellement accès à une grande variété de jeux d’argent et de hasard : paris sportifs, cartes à gratter ou encore casino en ligne. La consommation des jeux de hasard a été fortement impactée par le confinement, le principal déterminant étant l’accessibilité. En effet, les paris sportifs constituent le segment qui a le plus reculé, car les mesures de confinement ont automatiquement mis fin à la plupart des évènements sportifs les plus suivis. Aussi, beaucoup de joueurs se sont convertis aux jeux de casino en ligne notamment le live poker. On y enregistre une croissance très importante pendant le confinement. Elle se manifeste à plusieurs niveaux.
  • Un plus grand nombre de joueurs actifs et une intensification de l’activité : 500 000 joueurs actifs par semaine en moyenne sur le 2e trimestre 2020 soit un doublement du volume sur un an
  • Une forte progression des dépenses moyennes par joueur. Toujours sur le second trimestre on passe de 99 euros en 2019 à 134 euros en 2020.

Il faut préciser qu’on n’a pas de chiffres sur les autres segments de casino en ligne : machines à sous virtuelles, blackjack, roulette, etc. Le marché français des casinos en ligne est complètement flou. À l’exception des jeux de poker, tous les jeux de casino sont interdits en ligne. Ce qui explique qu’on ne puisse pas avoir de chiffres exacts sur le nombre de Français qui s’adonnent à ces jeux et l’évolution des tendances pendant le confinement. Mais cela n’empêche pas de nombreux opérateurs offshores disposant de licences d’autres juridictions de proposer ces jeux aux Français. Il est facile de voir quels casinos en ligne licenciés opèrent sur le marché français. Des sites comme NoDepositKings répertorient les meilleurs d’entre eux.

Alcools et tabac : accessibilité et niveau de consommation stables

L’alcool et le tabac sont des produits licites, malgré leur fort potentiel addictif. L’approvisionnement n’a pas subi de contraintes particulièrement marquées pendant le confinement. Seulement, des reconfigurations ont été opérées avec un monopole de fait pour les buralistes (qui bénéficient d’un classement en produits de première nécessité) et la fermeture des bars et restaurants. 

Au niveau des ventes de tabac, elles ont connu un bond historique entre mars et avril : 23% en plus. Mais il s’agissait probablement d’achats de sécurité en vue du confinement, car les ventes chutent de 4,1% en mai. Cette augmentation des ventes de tabac était plus marquée dans les départements frontaliers, qui ne bénéficient plus de l’approvisionnement des filières d’importation (les Duty free des aéroports étant inaccessibles). Pour ce qui est de la consommation, la moitié des fumeurs (soit 55%) ont maintenu des niveaux de consommation stable pendant le confinement. 27% d’entre eux ont augmenté leur consommation tandis que 19% affirment avoir moins fumé durant le confinement.

Les ventes d’alcool sont évaluées de façon indirecte, grâce à la fiscalité à laquelle elles sont assujetties. Et on constate une évolution différente par rapport aux autres pays européens. En comparant le premier semestre 2020 à celui de 2019, les ventes ont connu une baisse légère et ciblée sur certains types d’alcools. Alors qu’en Belgique par exemple, la fermeture des bars et autres restaurants a entraîné une ruée sur les rayons alcools dans les commerces.  Les volumes d’alcools disponibles à la vente ont aussi baissé :  moins 7,5% pour les spiritueux et moins 11% pour les vins et bières. Tout comme avec le tabac, les comportements d’usage sont restés globalement stables. 65% des consommateurs d’alcool ont maintenu leur usage habituel et 24% auraient consommé moins d’alcool. On constate aussi que 1 sondé sur 10 affirme avoir augmenté leur consommation d’alcool.

Anticipation et adaptation pour les professionnels du champ sanitaires

Face à l’ampleur inédite du confinement, les experts anticipent les effets sociaux des mesures pour lutter contre la propagation du nouveau coronavirus, notamment en ce qui concerne les addictions. En effet, anxiété, stress et dépression, corollaires potentiels d’une situation d’isolement prolongée, peuvent être des causes de pertes de contrôle de la consommation et d’évolution vers l’addiction. Le sevrage forcé, avec l’inaccessibilité de certains produits illicites, peut aussi être un problème, entraînant une surconsommation d’autres substances en compensation. Dans ce contexte, établissements et professionnels de l’addictologie ont mis l’accent sur la nécessité de garder le contact avec les usagers et maintenir à leur disposition des produits de substitution ainsi que le matériel de réduction des risques. Avec les contraintes imposées par la pandémie, les centres médicaux sociaux se sont concentrés sur leur public prioritaire. Le suivi et le contact avec les patients ont été difficiles à maintenir. L’activité de suivi a donc été étendue avec une permanence téléphonique et la possibilité de consultations en vidéoconférence. Des partenariats avec de nouvelles structures ont été aussi mis en œuvre pour se rapprocher des patients.

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